PAPE LÉON XIV
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C’est une première depuis Léon XIII (1878-1903), un pape ne sera pas enterré à Saint-Pierre. En choisissant de longue date la basilique Sainte-Marie Majeure comme lieu de sépulture, François a rompu avec la pratique de ses prédécesseurs. Ce choix s’inscrit dans la spiritualité de ce pape, qui a toujours été très tourné vers la dévotion pour la Vierge Marie.
Sainte-Marie, salut des Romains
Tout au long de son pontificat, François a tissé un lien particulier avec cette basilique. Avant chaque voyage hors d’Italie et au retour de chacun d’entre eux, il s’y rendait pour confier le voyage à la Vierge et pour la remercier des fruits apostoliques. C’est également dans cette basilique qu’est située l’image de Marie, "salut du peuple romain", qui protège le peuple de Rome depuis de nombreux siècles.
Le choix de cette basilique est donc en conformité avec le pontificat de François et sa dévotion. S’il n’est pas enterré dans la basilique Saint-Pierre, il n’en demeure pas moins au Vatican, puisque, depuis les accords du Latran (1929), les basiliques majeures sont des territoires extraterritoriaux sous juridiction du Saint-Siège. À Sainte-Marie, il côtoiera un autre pape, saint Pie V, le pape du rosaire et de la bataille de Lépante.
Saint-Pierre, près de la tombe de l’Apôtre
Le choix des grottes vaticanes comme lieu de sépulture des papes s’est imposé au cours de l’époque contemporaine, puisque la presque totalité des papes y est enterrée. La coutume veut que la sépulture soit dans les "grottes", qui sont plus exactement les sous-sols de la basilique et le lieu des premières fondations, le cercueil étant monté dans la basilique au moment de la canonisation des papes. C’est le cas notamment de Jean Paul II, dont la tombe est désormais située à proximité de la pietà de Michel-Ange, le tombeau initial étant occupé par Benoît XVI. Être enterré à Saint-Pierre est un choix tout autant théologique que politique.
Théologique, puisque c’est rappeler que le pape est le successeur de Pierre, le vicaire du Christ sur la terre et que la continuité épiscopale se poursuit depuis les premiers temps. Depuis les travaux archéologiques qui ont culminé avec la découverte de la tombe de l’apôtre sous le pontificat de Pie XII, la dimension théologique est renforcée. Mais c’est aussi un choix politique, au sens où cela ancre la papauté dans un lieu, dans une ville (une polis), dans un territoire. Celui de la basilique, bien sûr, mais aussi celui du Saint-Siège, État indépendant de son voisin italien et dont la souveraineté est de nouveau reconnue depuis les accords du Latran (1929).
Léon XIII et le choix du Latran
D’où le choix de Léon XIII d’être enterré à Saint-Jean de Latran, la cathédrale du pape. Au moment de sa mort (1903), le royaume d’Italie ne reconnaissait pas le Saint-Siège comme État et les tensions entre les deux entités étaient particulièrement fortes. Si Léon XIII tenait à être enterré dans la cathédrale du Latran, c’était pour affirmer qu’il n’était pas prisonnier de la basilique Saint-Pierre, qu’il pouvait sortir dans la ville de Rome afin d’affirmer sa souveraineté sur les basiliques majeures et les territoires de l’Église situés dans Rome. Mais au moment de sa mort, le gouvernement italien s’opposa au transfert du corps du Vatican au Latran. Il a fallu attendre 1924 pour que celui-ci puisse avoir lieu. Le choix de sépulture du pape a donc été ici un choix éminemment politique. Avant Léon XIII, d’autres corps mortuaires de papes ont connu des péripéties.
Pie IX (1846-1878) a d’abord été enterré à Saint-Pierre avant d’être transféré en 1881 à la basilique Saint-Laurent-Hors-les-Murs. Là aussi, il s’agissait de montrer que le pape n’était pas enfermé au Vatican, même s’il n’avait pu en sortir depuis 1870 et la prise de Rome par le royaume d’Italie. La translation de la sépulture fut le moment d’intenses batailles politiques, des mouvements anticatholiques cherchant à s’en emparer pour la jeter dans le Tibre.
Des mésaventures rocambolesques
Pie VI (1775-1799) et Pie VII (1800-1823) reposent tous les deux désormais à Saint-Pierre, mais leurs corps ont connu des mésaventures rocambolesques. Pie VI est mort en France, à Valence, en captivité sous la Révolution. D’abord enterré au cimetière de Valence, puisqu’il était impossible de rejoindre Rome, son corps n’a pu être déplacé à Saint-Pierre qu’en 1802, après que les relations entre Rome et Paris se soient réchauffées. Le retour du corps du pape signifiait le retour de Rome sur la scène internationale européenne. Quant à Pie VII, emprisonné à Fontainebleau durant une partie de son pontificat, il aurait pu être enterré dans cette ville si sa mort était survenue durant sa captivité. Il a finalement pu retourner à Rome et être enterré à Saint-Pierre. Mais ses entrailles ont été déposées à l’église Saints-Vincent-et-Anastase de Trévi. C’était alors une coutume de déposer des parties du corps du pape dans d’autres églises, coutume qui avait été évoquée au moment du décès de Jean-Paul II où certains avaient émis l’idée que son cœur soit déposé en Pologne. Mais autre époque, autres mœurs, cela n’a pas été pratiqué. Il n’en reste pas moins vrai que la tombe des papes dessine une géographie de la catholicité qui est aussi une géographie des aléas de la politique et de l’histoire.
[EN IMAGES] Translation du cercueil de François à Saint-Pierre
