"Dans l’Évangile se trouve un beau passage qui nous parle du pasteur qui, quand il revient à la bergerie, se rend compte qu’il manque une brebis, laisse les 99 autres et va la chercher […]. Mais nous, frères et sœurs, nous en avons une : il nous manque les 99 autres !". Nous sommes le 17 juin 2013 au soir. Jorge Mario Bergoglio a été élu pape trois mois plus tôt, et des milliers de personnes sont venues le rencontrer à l’occasion du congrès de fin d’année pastorale du diocèse de Rome. L’immense salle Paul VI du Vatican est pleine à craquer jusqu’à la cour extérieure.
Au grand étonnement des fidèles qui découvrent peu à peu le nouvel évêque de la Ville éternelle, celui-ci vient de renverser totalement la parabole du Bon Berger, comme pour provoquer un électrochoc sur les consciences. Il faut "sortir", martèle-t-il, "sortir de nous-mêmes, sortir de nos communautés, pour aller là où les hommes et les femmes vivent, travaillent et souffrent et leur annoncer la miséricorde du Père". Et ce, quitte à se faire mal. Le nouveau pape préfère en effet une Église "accidentée" sur les routes, qu’une Église malade d’enfermement, comme il l’expliquera à maintes reprises. Quelques semaines plus tard, le 8 juillet, il choisit de faire son premier voyage sur l’île italienne de Lampedusa, où débarquent les migrants aux périphéries de l’Europe. Un nouveau signe bergoglien, qui sera suivi d’une multitude d’initiatives braquant les projecteurs sur les plus éloignés, sur les plus oubliés du monde.
Pour ses déplacements, il choisira ainsi souvent des pays aux confins des continents ; pour le Jeudi saint, il ira célébrer la Dernière Cène dans des lieux marginalisés. Qu’est-ce qui pousse ce pape à plaider, à temps et à contretemps, la cause de ceux que la société du bien-être tente trop souvent d’occulter ? François révèlera en prison la question qui le meut : "Pourquoi eux et pas moi ?", lance-t-il devant des détenus. S’il n’est pas derrière les barreaux, ou dans un bidonville, c’est par "grâce de Dieu". Et cette intime certitude ne laisse à Jorge Mario Bergoglio aucun répit.