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François, le pape qui a voulu une “Église synodale”

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Le pape François lors du Synode sur la Synodalité, 26 octobre 2024.

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Anna Kurian - publié le 24/04/25
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C’est l’un des mots clés les plus entendus sous le pontificat du pape François : la synodalité. Si ce terme, qui sous-entend une Église plus participative, plus horizontale, moins cléricale et moins centralisée, n’est pas inventé par lui, le pontife argentin l’a cependant mis en pratique avec un accent particulier, en en faisant l’un des grands piliers pour réformer le mode de gouvernance de l’Église catholique.

"Avant que l’évêque ne bénisse le peuple, je vous demande de prier le Seigneur pour qu’il me bénisse". Le 13 mars 2013, depuis le balcon de la basilique Saint-Pierre, le pape tout juste élu, Jorge Mario Bergoglio, s’incline devant le peuple romain, rassemblé sur la place. D’emblée, le souverain pontife se présente comme un pasteur qui marche "devant, au milieu et derrière" son peuple, comme il le répétera souvent par la suite, exhortant les pasteurs à être des bergers imprégnés de l’odeur du troupeau. Dès son premier Angélus, le 17 mars 2013, le pape François cite les paroles d’une humble femme âgée rencontrée alors qu’il venait d’être ordonné évêque, à Buenos Aires, et qui lui avait confié : "Si le Seigneur ne pardonnait pas tout, le monde n’existerait pas". Et le pontife de commenter, visiblement admiratif : "Telle est la sagesse que donne le Saint-Esprit". 

À la Curie romaine, il sera le premier pape à nommer des laïcs responsables de dicastères, à des postes réservés jusqu’à présent à des prélats – un préfet au dicastère pour la Communication, des sous-secrétaires femmes au dicastère pour les Laïcs, la famille et la vie, une religieuse comme numéro deux du Gouvernorat de la Cité du Vatican. La "cléricalisation", vue comme l’antithèse de la synodalité, sera un cheval de bataille récurrent du pontife. Pour cette mise en valeur du peuple, François s’est appuyé sur le sensus fidei, ce "sens de la foi" du peuple de Dieu guidé par l’Esprit saint que le Concile Vatican II a remis au goût du jour. Dans son exhortation Evangelii gaudium, (novembre 2013), considérée comme le document programmatique de son pontificat, le 266e pape parlait ainsi du "flair" que le "troupeau" possède pour "discerner les nouvelles routes que le Seigneur ouvre à l’Église".

La réforme du Synode des évêques

Sur le trône de Pierre, le pontife argentin a plaidé pour faire de la synodalité un moteur de la vie ecclésiale. Il s’est lancé peu à peu dans une réforme du "Synode des évêques", assemblée qui se réunit à intervalles réguliers sur des thèmes touchant l’actualité de l’Église. En 2015, l’évêque de Rome a ainsi élargi le Synode sur la famille en demandant que soient consultés des groupes de laïcs. En 2021, le pape François a entraîné résolument l’Église vers cette "synodalité" tant prêchée, en lançant un Synode dédié spécifiquement à ce thème – aussi baptisé Synode sur l’avenir de l’Église. Ce grand chantier qui s’est déroulé sur plusieurs années a vu la participation active des Églises diocésaines, puis continentales, et enfin une assemblée universelle en deux sessions à Rome, où des laïcs ont eu le droit de vote pour la première fois de l’histoire.

Mais ces innovations, qui ont bouleversé le mode de gouvernance "vertical" de l’Église catholique, n’ont pas été sans essuyer des critiques. Dans un livre-entretien publié en janvier 2023, l’un des détracteurs de François, l’ancien préfet de la congrégation pour la Doctrine de la foi, le cardinal Gerhard Ludwig Müller, considérait que le terme synode promu par le pontife était devenu "un terme passe-partout". Il voyait dans son emploi le signe qu’une "démocratisation, une protestantisation de facto" serait "en cours" dans l’Église catholique. A contrario, le pontife argentin a été pointé du doigt pour son autoritarisme, qui aurait été selon certains observateurs aux antipodes de la synodalité. Contournant sa propre Curie, il a semblé parfois faire des choix sans consultation, préférant prendre conseil auprès d’un cercle de proches. Sa reprise en main musclée de certaines structures – la Caritas, l’Ordre de Malte ou l’Opus Dei –, ou encore son motu proprio Traditionis custodes restreignant drastiquement l’usage du rite tridentin, n’ont pas été sans provoquer surprise et incompréhension. 

Le Synode sur la synodalité

Son arbitrage personnel a également marqué le sillage du Synode sur l’avenir de l’Église. Mi-décembre 2023, un mois et demi après les conclusions de la première assemblée synodale, le pontife a pris la décision (dans le document Fiducia supplicans de la Doctrine de la foi) de permettre une bénédiction pastorale – et non liturgique – des couples homosexuels, semblant ainsi répondre d’autorité à l’une des questions brûlantes du Synode, sur l’accueil des LGBT. Un thème sur lequel les pères et mères synodaux n’étaient pas parvenus à s’accorder, préférant évacuer le sujet de leur synthèse. 

Dans la même ligne, quelques mois plus tard, le pontife argentin a institué dix groupes de travail chargés de plancher sur les thèmes les plus délicats du Synode (partage de la gouvernance, réforme des séminaires, etc), extrayant de facto ces thèmes de l’assemblée d’octobre 2024. Si au final certaines questions – comme le diaconat féminin – sont revenues dans les débats, cette décision a été vue comme une reprise en main peu collégiale. En outre, les groupes devaient rendre les résultats de leur travail en juin 2025, huit mois après le dernière assemblée mondiale, ce qui relativisait sa portée. En revanche, signe fort pour ce Synode où des laïcs avaient pour la première fois le droit de vote, François a décidé de signer le Document final des membres, le faisant entrer dans son magistère. Le texte esquisse des pistes pour une meilleure participation des laïcs dans la prise de décision au sein de l’Église. 

Un chantier voué à perdurer ?

Près de cinq mois après la fin de l’assemblée synodale d’octobre 2024, nouveau rebondissement pour le chantier synodal : le secrétariat général annonce mi-mars 2025 que le pape François a décidé de lancer une phase de "mise en œuvre" du Synode dans les diocèses, qui se conclura par une "assemblée ecclésiale" mondiale – la première du genre – à Rome en octobre 2028. L’initiative surprend d’autant plus que le pontife argentin est à l’hôpital Gemelli pour une grave infection respiratoire et ne s’est pas montré en public depuis un mois. En d’autres termes, en prolongeant le Synode, Rome veut indubitablement vérifier l’application de ses orientations. Cette décision inattendue manifeste la volonté du pape François d’inscrire dans la durée les réformes qu’il souhaite au niveau de la gouvernance de l’Église. À 88 ans, le Pape pose ainsi des jalons pour les quatre prochaines années et s’assuré que le thème de la synodalité perdure.

Les plus belles citations du pape François :

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