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Comment François avait voulu limiter la “messe traditionnelle”

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Cyprien Viet - publié le 24/04/25
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Le pape François avait provoqué un coup de tonnerre dans le milieu attaché à la "forme extraordinaire du rite romain" en abrogeant, à l’été 2021, le motu proprio Summorum Pontificum publié par son prédécesseur Benoît XVI en 2007. Celui-ci élargissait les possibilités de célébration selon le Missel de 1962, antérieur au Concile Vatican II.

Dans son motu proprio Traditionis Custodes du 16 juillet 2021, le pape François restreint drastiquement les possibilités de célébrations selon le rite ancien, et dénonce, chez les traditionalistes, "la relation étroite entre le choix des célébrations selon les livres liturgiques antérieurs au Concile Vatican II et le rejet de l’Église et de ses institutions au nom de ce qu’ils jugent être la "vraie Église"". L’"usage déformé" qui a été fait du motu proprio de Benoît XVI est "contraire aux raisons qui [l’]ont conduit à accorder la liberté de célébrer la messe avec le Missale Romanum de 1962", explique alors François.

Le pontife argentin explique alors trouver dans l’exemple de la promulgation du Missel de saint Pie V une justification historique de sa décision. Au lendemain du Concile de Trente (1545-1563), le pape Pie V s’était vu contraint d’abroger tous les rites existants et d’établir un seul Missel romain pour toute l’Église latine, "remplissant une fonction unificatrice dans l’Église". De même, estime l’évêque de Rome, "sans vouloir contredire la dignité et la grandeur de ce rite", les évêques réunis à Vatican II ont demandé que le Missel de Pie V soit réformé. De la fidélité à la volonté des Pères et du rassemblement des fidèles autour d’"une seule et même prière" dépend, conclut le Souverain pontife, "l’unité du Corps du Christ ».

Durant son pontificat, le pape s’est montré ferme sur la fidélité au Concile. En mars 2015 par exemple, il célèbre dans une paroisse romaine une messe commémorant le 50e anniversaire de la première messe célébrée par Paul VI en langue vernaculaire. François dénonce régulièrement la tentation du repli dans la nostalgie des formes anciennes. "La tradition, c’est la foi vivante des morts. Et le traditionalisme, c’est la foi morte de quelques vivants", déclare-t-il notamment en recevant les membres de l’Association italienne des professeurs et amateurs de liturgie, le 1er septembre 2022, au Vatican. 

Une rupture avec son prédécesseur ?

Sur le dossier de la liturgie, le pape François est accusé de rompre avec la méthode de son prédécesseur Benoît XVI, personnellement marqué par le schisme lefebvriste. Le pape allemand avait fait de la réconciliation avec la frange traditionnelle de l’Eglise une des priorités de son pontificat. Mettant un terme au dispositif établi par Benoît, François a pris le risque de rouvrir la "guerre liturgique". Aux États-Unis notamment, des réseaux de catholiques de sensibilité traditionaliste n’hésiteront pas à critiquer ouvertement le pape François.

Dans un souci d’apaisement, le pontife souhaite toutefois laisser aux évêques la possibilité de discerner au cas par cas en fonction de la situation locale. Par ailleurs, en recevant en février 2022 des responsables de la Fraternité Saint-Pierre, le pape François leur confirme la possibilité d’utiliser les livres liturgiques anciens, cette communauté ayant été fondée spécifiquement en ce sens, tout en demeurant fidèle au pape.

Pourtant au début de son pontificat, en reconduisant Mgr Guido Marini comme maître des célébrations liturgiques, le pape François avait fait le choix de la prudence. Selon le journal italien Il Foglio, une partie de l’entourage du pape François l’avait pourtant poussé à écarter Mgr Marini, considéré comme traditionaliste. Mais le pontife argentin a au contraire choisi de le garder à ses côtés, considérant sa formation traditionnelle comme un "trésor". Signe de la confiance accordée, après l’avoir confirmé et prorogé pour une troisième mandat en 2017, le pape lui a confié en 2019 la responsabilité du chœur de la Chapelle Sixtine, avec la charge de rédiger de nouveaux statuts. 

De sensibilité classique, le prélat génois a accompagné avec loyauté le pontife argentin, attaché à une certaine sobriété et à des liturgies plus courtes que son prédécesseur. La grande majorité des célébrations organisées au Vatican ont suivi le canon grégorien habituel, à quelques exceptions près comme la liturgie arménienne organisée le 12 avril 2015, pour le centenaire du génocide de 1915 et le doctorat de saint Grégoire de Narek, ou encore la messe en rite zaïrois organisée le 1er décembre 2019 avec la communauté congolaise de Rome. Le pape l’a ensuite ordonné évêque de Tortona en octobre 2021, nommant comme successeur Mgr Diego Ravelli, prêtre du diocèse de Velletri, au service des célébrations pontificales depuis 2006. Contrairement à Mgr Piero Marini, qui avait accompagné le pontificat de Jean-Paul II à partir de 1987 avec une étiquette "progressiste", les cérémoniaires de François ont donc été de sensibilité plutôt classique. Ces choix manifestaient la volonté du pape François, attaché à éviter toute "spectacularisation" de la messe. 

L’effacement liturgique du Pape

Durant la plupart des messes organisées en 2022, le pape, en raison de ses douleurs au genou, a renoncé à célébrer personnellement à l’autel, se limitant à prononcer l’homélie en restant assis. Mais son choix de laisser la présidence de l’eucharistie à l’autel à des cardinaux, en général le Doyen du Sacré-Collège, peut aussi être interprété comme le signe d’une pédagogie de l’effacement, le centre de la liturgie n’étant pas le pape, mais le Christ.

Dans sa Lettre apostolique Desidero Desideravi, publiée le 29 juin 2022, le pape François avait mis en garde les célébrants contre la tentation de se mettre "au centre de l’attention", là où le Christ devrait être. Il avait cité les nombreuses formes que cette réalité peut prendre : "une austérité rigide ou une créativité exaspérante, un mysticisme spiritualisant ou un fonctionnalisme pratique, une vivacité précipitée ou une lenteur exagérée, une insouciance négligée ou une minutie excessive, une amabilité surabondante ou une impassibilité sacerdotale". 

Pour remédier à ces mauvaises pratiques, le pape François invitait les prêtres à se laisser "continuellement" éduquer par la liturgie elle-même. Dans ce texte publié le jour de la fête des saints Pierre et Paul, le pontife argentin rappelait avec force les directives du décret Traditionis Custodes visant à garantir "une seule et même prière" capable d’exprimer l’unité de l’Église comme souhaité par le Concile Vatican II.

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