PAPE LÉON XIV
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"Un océan de sang". Mgr Matthew Hassan Kukah, évêque de Sokoto (nord du Nigeria), a dénoncé dans un message publié le 16 avril les massacres de chrétiens qui ont eu lieu pendant la Semaine sainte au Nigeria. "En moins d’une semaine, nous avons perdu près de 200 vies à travers le pays", a déploré l'évêque. Ces effusions de sang ont principalement eu lieu dans l'État du Plateau où les violences sont récurrentes. Situé entre le nord du Nigeria, majoritairement musulman, et le sud, majoritairement chrétien, il est le théâtre régulier d'affrontements entre les bergers peuls et les agriculteurs chrétiens, ainsi que d'attaques djihadistes. Dimanche 13 avril, jour des Rameaux, des bergers peuls ont attaqué le village de Zikke et ont fait plus de 50 morts. Des corps calcinés, dont beaucoup de femmes et d'enfants, ont été retrouvés dans des maisons incendiées, selon les rapports locaux. Les survivants ont décrit l'air encore chargé d'une odeur nauséabonde de fumée et de mort.
Cette attaque sauvage est survenue une semaine seulement après des faits similaires dans cinq autres villages, qui ont fait au moins 50 morts. "Jos, Dogo Na Hawa, Bukuru, Gwong, Shendam, Yelwa, Wase, Langtang, Riyom, Kadarko, Shere, Miango (...) la liste est presque infinie. Il faudrait regarder à la loupe pour voir quelles communautés du Plateau n'ont pas été touchées", a encore affirmé Mgr Kukah. Critiquant sévèrement le manque de moyens mis en place par le gouvernement pour lutter efficacement contre ces violences ethniques et djihadistes, l'évêque a fustigé ceux qui, au lieu d'agir, semblent se contenter de "la drogue tranquillisante de la complaisance". "Ce n'est plus seulement un problème nigérian", a déclaré l'évêque Kukah qui appelle à la mobilisation internationale, "c'est une crise morale que le monde ne peut plus se permettre d'ignorer."
"Le Nigeria atteint un point de rupture. La nation se transforme peu à peu en une immense morgue nationale."
Quelques jours plus tard, le 19 avril 2025, Mgr Kukah s'est de nouveau adressé au président de Nigeria en le suppliant de délivrer son peuple du "cancer de l'insécurité et de la violence qui ne cesse de se propager". "Monsieur le Président, s'il vous plaît, descendez-nous de cette croix de l'insécurité", implore encore l'évêque. "J'utilise la métaphore de la croix pour attirer l'attention sur les souffrances et les afflictions qui ont frappé notre pays ces dernières années. Ces souffrances ont été marquées par une culture de brutalité et de sauvagerie jamais vue dans l'histoire de notre cher pays (...) Aujourd'hui, Monsieur le Président, le Nigeria atteint un point de rupture. La nation se transforme peu à peu en une immense morgue nationale."
Attaques islamistes et peules
Le président nigérian Bola Tinubu a déclaré à la suite des meurtres du dimanche des Rameaux qu'il avait ordonné aux services de sécurité d'enquêter sur les auteurs et de les traduire en justice. Mais de nombreux acteurs dénoncent sans détour la responsabilité du gouvernement qui permet aux Peuls de porter des armes, alors que les chrétiens en seraient dépourvus. Le président d'Intersociety, ONG locale en charge de la défense des chrétiens du Nigeria, a ainsi exprimé au journal Crux l'impunité dans laquelle les bergers peuls peuvent agir pour expulser les chrétiens de leurs terres. "Pourquoi les djihadistes (sic) peuls sont-ils autorisés à porter des armes à feu sophistiquées comme des AK-47, des AK-49 et d'autres armes légères et de petit calibre illicites ? En revanche, si un Nigérian qui n'est ni musulman ni peul est trouvé en possession d'une simple arme danoise, il risque l'arrestation immédiate, voire l'exécution" a-t-il ajouté.
Sur 222 millions de Nigérians, 103 millions sont chrétiens, parmi lesquels 65% sont protestants et 26% catholiques. Le Nigeria est le pays où les chrétiens sont le plus tués pour leur foi. En 2024, 3.100 chrétiens ont été tués selon un rapport sur la persécution publié par l'ONG protestante Portes Ouvertes. L'Observatoire pour la liberté religieuse en Afrique a quant à lui rapporté fin août 2024 le chiffre effarant de 16.000 chrétiens tués en quatre ans. Selon ce rapport, 55% des chrétiens tués l'ont été par des bergers armés peuls.
