De Buenos Aires à Rome, l’élection d’un pasteur universel

Archevêque d’Amérique latine élu pape l’année même des Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) de Rio de Janeiro, au Brésil en 2013, à la fois humble et fort, Jorge Mario Bergoglio a été le choix de la Providence pour une Église qui cherchait un nouveau souffle évangélisateur. Après la renonciation de Benoît XVI, le pontife allemand élu à la veille des JMJ de Cologne en 2005, le pape François a repris le gouvernail de la Barque de Pierre avec une détermination vigoureuse qui lui a inspiré son célèbre discours des "Quinze maladies de la Curie" à l’intention des cardinaux en poste à Rome... C’est le discours d’une "révolution franciscaine" qui peut concerner chacun des fidèles de l’Église catholique autant que la Curie, dans un appel à l’ouverture fraternelle, à l’humilité et au désintéressement.

Dans sa simplicité et son indépendance d’esprit, Jorge Mario Bergoglio, devenu le pape François en référence à saint François d’Assise, était animé, depuis ses tribulations face aux dictateurs en Argentine, par une spiritualité franciscaine qui a complété l’esprit de saint Ignace de Loyola. Il alliait ainsi l’amour de la création et des pauvres au dynamisme missionnaire conquérant des jésuites : il demandait aux catholiques d’aller jusqu’aux "périphéries" du monde, en privilégiant les plus défavorisés et les plus faibles. Il a pris ainsi à la fois la défense des migrants en danger et la défense des enfants à naître et des personnes en fin de vie : en s’opposant à une "culture du déchet", il a dénoncé à la fois l’avortement, l’euthanasie et l’exclusion xénophobe.

Ce pape aura été un ardent défenseur des pauvres et de la Création divine, comme il l’a montré dans ses deux grandes encycliques Laudato si’ et Fratelli tutti. Il agissait dans l’esprit de l’écologie intégrale souhaitée par Paul VI, amorcée par Jean-Paul II et déjà énoncée par Benoît XVI, pour la sauvegarde de l’humanité. Formé à l’école de Paul VI, un apôtre du développement, François aura été un avocat du tiers-monde, comme en Amazonie. Lecteur du Sang du Pauvre, le manifeste fulminant et profond du tribun catholique français Léon Bloy, le pape argentin a pris le relais de l’engagement de Paul VI dans l’"option préférentielle pour les pauvres". Il s’est ainsi opposé aux idolâtries de l’argent et de la force et aux discours idéologiques qui les véhiculent aujourd’hui.

François a aussi poursuivi l’œuvre prophétique de ses prédécesseurs pour la réconciliation des chrétiens, de Jean XXIII à Benoît XVI, dans l’incontournable complémentarité des papes : il a continué le rapprochement œcuménique avec les protestants mais aussi avec les orthodoxes, en de multiples rencontres, dans l’esprit du baiser de paix de 1964 entre Paul VI et Athénagoras à Jérusalem et dans le prolongement de l’encyclique de Jean-Paul II Ut Unum sint en 1995.

Pape Jésuite du XXIe siècle, il a rendu un vibrant hommage à la mémoire de Blaise Pascal pour les 400 ans de ce génie sanctifié, qui avait pourtant vigoureusement critiqué les jésuites de son époque… Il a même déclaré ne pas être opposé à la béatification du penseur chrétien qui avait désigné le domaine de la Charité du Cœur comme l’ordre surnaturel de la vie, infiniment supérieur aux domaines de la force et de l’intelligence humaines. C’est de cet ordre de la charité que François a été l’ardent serviteur, présent jusqu’à son dernier souffle parmi le peuple de Dieu, jusqu’à l’heure de la Résurrection du Christ.