Une question toute simple surgit parfois des lèvres des enfants : "Si Jésus nous a sauvés par la Croix, pourquoi fêtons-nous sa résurrection ?" Cette interrogation est plus pertinente qu'elle n'y paraît de prime abord. Il est indubitable que la vie et la mort de Jésus sont causes de notre salut. Dans ces conditions, qu'apporte de plus la Résurrection que nous fêtons le dimanche de Pâques ?
Sans nous lancer dans des explications trop savantes, démêlons la problématique. La Croix appartient à l'existence terrestre de Jésus et la couronne, l'apporte à la perfection. La Croix sauve le genre humain dans sa globalité. La nature humaine en est à jamais changée. En revanche, durant sa vie terrestre, Jésus ne pouvait pas sauver personnellement Pierre, Paul ou Jacques en leur transmettant la plénitude de sa vie divine. Il convenait pour cela qu'il devienne, par sa résurrection, "être spirituel qui donne la vie" comme le dira saint Paul (1 Cor 15, 45). Qu'est-ce à dire ? Durant sa vie mortelle, Jésus possédait bien en lui l'Esprit saint en plénitude mais ce n'est que par sa résurrection qu'il pourra envoyer l'Esprit saint sur tous et chacun. "C'est votre intérêt que je parte ; car si je ne pars pas, le Paraclet (l'Esprit saint) ne viendra pas à vous ; mais si je pars, je vous l'enverrai" dit-il à ses disciples le Jeudi saint (Jn 16, 7).
Ressuscité, Jésus nous atteint en plein cœur
Ainsi, nous sommes maintenant en mesure de répondre à la question enfantine. Si, par la Croix, Jésus a sauvé les hommes dans leur globalité en transformant la nature humaine, il faudra attendre la Résurrection pour que ce salut s’applique à chaque homme en particulier. Retiré du séjour des morts, "élevé par la droite de Dieu, il reçut du Père l’Esprit saint qui était promis, et il l’a répandu sur nous" (Ac 2, 33). C'est à partir du monde divin, où il réside désormais avec le Père et l'Esprit, qu'il devient, pour ses frères et sœurs humains, source de grâces et de vie. Si Jésus n'était pas ressuscité, jamais ses mérites n'auraient pu nous être appliqués, jamais il n'aurait pu mettre en nous, en nos esprits et nos cœurs, la charité qui a été le moteur de sa vie terrestre. Voilà pourquoi le dimanche de Pâques est indissociable du Vendredi saint, de la Croix.
La "Rédemption objective" (le salut pris dans sa généralité, salut acquis par la Croix) se transforme en "Rédemption subjective" : l'appropriation par chacun dans la foi du salut opéré par Jésus. Cependant, ces deux rédemptions, objective et subjective, sont la même et possèdent le même contenu puisque c'est le même Esprit par lequel Jésus s'est offert sur la Croix, par lequel il a mené son existence mortelle, et qu'il nous propose maintenant de recevoir à partir de la Résurrection. D'ailleurs, dans l'évangile de saint Jean, l'envoi de l'Esprit saint par Jésus s'opère dès le soir de Pâques (Jn 20, 22-23).
La Résurrection, gage de l'efficacité du salut
L'épître aux Hébreux marquera également cette différence entre l'avant et l'après Résurrection. Avant : Jésus accepte sa Passion pour pouvoir compatir par toutes les fibres de son être à nos épreuves. Après : "Car du fait qu'il a lui-même souffert, il est capable de venir en aide à ceux qui sont éprouvés" (He 2, 18). Par la Résurrection, Jésus est investi d'un nouveau pouvoir d'intercession efficace pour nous. Plus loin, Paul souligne que désormais Jésus, dans le sanctuaire céleste, "est capable de sauver de façon définitive ceux qui s'avancent par lui vers Dieu, étant toujours vivant pour intercéder en leur faveur " (He 7,25). Pour nous, la Résurrection change donc tout, et dans les proportions vertigineuses d'un salut définitif !
Un auteur majeur répondra également à l'interrogation enfantine initiale : saint John-Henry Newman. Écoutons-le : "L'œuvre du Christ comprend deux choses : ce qu'il a fait pour tous les hommes et ce qu'il fait pour chacun d'eux ; ce qu'il a fait une fois pour toutes et ce qu'il fait sans discontinuer ; ce qu'il a fait pour nous et ce qu'il fait en nous ; ce qu'il a fait sur terre et ce qu'il fait au ciel ; ce qu'il a fait en sa personne et ce qu'il fait par son Esprit : il réconcilie en s'offrant lui-même sur la croix, il justifie en nous envoyant son Esprit" (Lectures sur la justification, 1892, IX, 1).
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