Vigile pascale : “Dieu est fou, Christ est ressuscité !”

"Christ est ressuscité, Il est vraiment ressuscité !" Vous rendez-vous compte de ce que vous venez de dire ? Est-ce que vous avez bien pris le temps de peser tout ce que cette déclaration implique ? Est-ce que vous avez au moins pris le temps d’y réfléchir deux minutes ? J’ai tendance à croire que, à force de les répéter, nous avons banalisé cette formule. Je crains que nous ne l’ayons réduit à l’état de slogan. Une formule choc mais sans substance !

Regardez la première fois que ces mots ont été prononcés la réaction qu’ils ont provoquée : "Elles rapportèrent tout cela aux Onze et à tous les autres. […] Mais ces propos leur semblèrent délirants, et ils ne les croyaient pas" (Lc 24, 11-12). Au fond, c’est cela la réaction normale. C'est la réaction des juifs à la Pentecôte qui croyaient les apôtres ivres, c'est aussi celles des philosophes d’Athènes face à Paul : "Là-dessus, nous t’écouterons une autre fois" Ac 17, 32… autrement dit "cause toujours". Comment leur donner tort ? Dans le monde de gens sensés, de gens normaux, de gens bien… les morts ça ne ressuscite pas. Ça ne marche pas comme ça ! Un mort, cela reste à sa place dans le tombeau, et ça n’en sort pas ! Chacun chez soi et les hippopotames seront bien gardés.

"Christ est ressuscité !" Prenez garde à vous si vous prononcez cette phrase. Elle vous met à distance de ce monde, à part de cette communauté des gens normaux, de gens sérieux… Car dire qu’un mort ressuscite, c’est nier l’ordre du monde et nier l’ordre du monde c’est le propre du fou. Oui ! Si vous dites cela, vous êtes fou !

Mais rassurez-vous, dans votre folie vous ne serez pas seul. Avant vous, il y eut ce fou de Pierre, crucifié la tête en bas pour avoir dit jusqu’au bout "Christ est ressuscité" ! Ce fou de Paul qui a passé sa vie sur les routes de la Méditerranée pour le répéter encore et encore à chacune des personnes qu’il croisait. Ce fou de François qui pour dire "Christ est ressuscité" a fini tout nu devant son évêque, cette folle de Claire, fille de bonne famille qui se fit mendiante parce que "Christ est ressuscité", de Catherine, petite religieuse illettrée qui faisait la leçon au pape parce que "Christ est ressuscité", cette folle de Thérèse qui voulut entrer au Carmel à 14 ans car "Christ est ressuscité", ou ce fou de Maximilien qui demandait à prendre la place d’un autre pour mourir à Auschwitz parce que "Christ est ressuscité".

Mais finalement personne n’a été fou comme Jésus lui-même qui voulut aller jusqu’au bout de l’amour, ne gardant rien pour lui et se livrant aux mains des pécheurs pour mourir sur la croix. Fou comme Jésus qui, quittant ses vêtements, lava les pieds de ses disciples. Fou comme Jésus renversant les tables des changeurs, marchant sur les eaux, multipliant les pains, faisant couler le vin des noces… Fou comme Dieu lui-même qui ne resta pas dans son ciel, retranché dans sa gloire, mais qui voulut la partager. Qui nous créa hommes et anges pour vivre avec lui. Qui, quand nous lui tournons le dos, ne nous abandonne pas à notre sort mais franchit le gouffre de notre péché pour entrer dans ce monde et le sauver de l’intérieur.

Oui, Dieu est fou ! D’une folie bien plus sage que nos sagesses, notre raison. La folie de l’amant que rien ne peut tenir à l’écart de sa bien-aimée. La folie d'un amour qui va au-delà de tout, au-delà de la logique, de l’ordre des choses, des discours… Et de la mort elle-même. C’est cela la résurrection. Cette résurrection qui nous explose au visage en cette nuit, qui nous prend aux tripes : c’est l’amour ! La résurrection c’est l’amour qui jaillit au cœur de la mort comme le feu pascal au cœur de la nuit, car même la mort ne peut empêcher Dieu de nous aimer !

C’est cette folie de la résurrection qui a jailli dans vos vies, chers catéchumènes, comme dans la vie de ces femmes au matin de pâques, comme dans la vie des disciples, dans la vie de chacun de ces fous de l’amour de Dieu. Cette folie qui vous a pris aux tripes. Une folie qui vous a fait venir vers une église dépeuplée, vieillissante, salie par le péché de ses membres, combattue par le monde entier parce que vous avez vu couler en elle la source de la vie. Et c’est dans cette source que vous allez être plongés.

Crier "Christ est ressuscité !" est contraire à l’ordre du monde mais cet ordre n’existe plus car c’est l’ordre du monde ancien. Le monde du péché et de la mort dont Satan est le Prince. Ce monde a été jeté à terre, englouti dans la mort du Christ, réduit en cendres par l’éclatante lumière de sa résurrection. Cette nuit, Dieu a fait toute chose nouvelle, le monde ancien a disparu, un monde nouveau est apparu ! Et vous qui êtes baptisés, vous êtes des créatures nouvelles ; et vous qui allez être baptisé, vous devenez aussi des créations nouvelles, hommes et femmes nouveaux pour un monde nouveau ! Un monde où Dieu se fait homme, un monde où les morts ressuscitent ! Un monde de fous.

Le vieux monde, celui qui s’accroche encore aux cendres de sa défaite totale, vous le dira suffisamment : Vous êtes fous ! Fous de vous faire baptiser ! Fous de croire à ces sottises et ces sornettes ! Fous de vous laisser berner par cette Église ! Mais votre folie, c’est la folie de Dieu. C’est la folie de la vérité, au-delà des apparences, la folie du tombeau vide qui crie la victoire sur la mort et le triomphe de la vie. La folie de ce monde nouveau que le Christ inaugure en cette nuit très sainte. Leur sagesse est fausse, mais notre folie est vraie ! 

Christ est ressuscité ! Il est vraiment ressuscité !