PAPE LÉON XIV
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Le Christ sur la croix était-il nu ? Et si oui, en quoi cela changerait-il quelque chose ? Alors que l’exégèse continue d’en débattre, la théologie parvient plus aisément à affirmer que le Christ, en croix, était nu. La tradition iconographique l’a représenté quasiment toujours revêtu d’un périzonium ou d’un subligaculum, c’est-à-dire d’un pagne autour de la taille, ce qui invite à penser que la nudité sur la croix dépasse la question purement vestimentaire.
La radicalité de la nudité
Le Christ assume la souffrance de la croix et le dépouillement total, dans une nudité tout autant radicale. Il demeure aussi dans cette radicalité de la nudité, car Dieu n’a rien à cacher à l’opposé des idoles, bien guindées, qui se font connaître par leur pouvoir de séduction, de force et de puissance. Le Christ qui, sur la croix, est bien loin d’être une idole séduisante, devient l’opprobre de ce monde, une honte à rejeter, à fuir.
Le risque est ainsi double : d’un côté, refuser la possibilité de la croix, de l’autre en faire une simple bannière. Si une certaine spiritualité chrétienne doloriste encourage à rechercher, pour soi, la souffrance de la croix, redécouvrir cette nudité radicale du Christ, permet de le rencontrer dans sa vulnérabilité. C’est trop pour la raison humaine ! et pourtant, le Dieu Tout-Puissant de la foi chrétienne se révèle dans la faiblesse, dévoilée par la nudité.
Le crucifié nous apprend le dessaisissement
Il serait tellement plus facile de penser à un Dieu fort, capable de tout régler par sa puissance, un Dieu qui, dans un élan de colère, détruirait le mal, l’injustice et la souffrance. Un Dieu vengeur dans son uniforme rassure plus qu’un Christ nu et cru. L’être humain, lui, préfère poursuivre les victoires, car elles empêchent de toucher aux souffrances et aux émotions les plus profondes de l’existence. Et pourtant, le Dieu de la Révélation chrétienne montre sa toute-puissance dans la vulnérabilité d’un homme-Dieu suspendu à la croix. Cette nudité nous dévoile un visage autre de Dieu : une puissance qui sait devenir faiblesse.
"Le crucifié nous apprend le dessaisissement, Il nous apprend à abandonner toute violence, sans renoncer pour autant à la recherche de la justice."
La logique "mondaine" s’oppose à celle de la croix. Les dynamiques humaines nous poussent à dominer l’autre, de quelque manière que ce soit, alors que Jésus, le Juste, est crucifié : "La croix vaudrait-elle alors seulement pour les autres, et jamais pour moi ?" Le Christ "porte" ainsi la nudité de celui qui est désarmé, qui n’a rien pour se défendre, plus rien ! Le crucifié nous apprend le dessaisissement, Il nous apprend à abandonner toute violence, sans renoncer pour autant à la recherche de la justice. Car la croix sans la quête de la justice risque de se pervertir en un instrument de pouvoir. Un discours un peu trop léger sur la croix risque alors de se transformer facilement en une théorie, voire une pratique de domination. Seul le Christ peut subir la croix pour en faire un signe de victoire sur la violence et la mort. Toute autre croix, injustement imposée, risque de devenir autre chose qu’un moyen de salut.
La condition originaire de l’homme
La nudité du Christ, c’est alors l’aboutissement de la kénose, lorsque Dieu, de condition divine a renoncé à son "privilège" afin d’assumer la condition du serviteur (Phil 2, 6-11). Dieu est nu sur la croix car il se montre tel quel, nu et cru ; en tant que Dieu, Il n’a besoin de rien pour défendre sa divinité désormais abaissée au rang de serviteur. En tant qu’homme, il subit la violence des hommes acharnés contre l’innocent, sa nudité renvoyant à la condition originaire de l’homme, nu à la naissance, nu à la mort. Condition paradisiaque, la nudité sera aussi le vêtement de l’éternité, un corps de lumière : la nudité sera le nouvel habit.
D’autre part, si Jésus n’était pas entièrement nu, c’est-à-dire couvert d’un pagne dissimulant les "pudenda", alors le Christ assumerait encore plus la nudité au sens théologique. Son abaissement va jusqu’à ce point : le Christ, qui pourrait se montrer dans sa nudité divine, accepte une ultérieure humiliation, celle d’une dénudation imparfaite.
Nus devant le Christ
Nu par essence — car Dieu n’a besoin de se vêtir de rien, sinon de sa Gloire —, le Christ accepte même dans cette condition l’obscurcissement de sa radicale nudité du Fils de Dieu. La kénose atteint ici son accomplissement : le Christ nu est voilé par la violence des hommes. Quelque chose de Lui demeure encore voilé : comme les pudenda, c’est sa toute-puissance qui semble occultée.
Le crucifié nous dévoile cette kénose radicale, paradoxale, qui effraie le désir humain de domination. La croix nous appelle, en retour, à être nous aussi nus devant le Christ, dépouillé de sa puissance.
Pratique
