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La grossesse, un message féministe à toute l’humanité

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Blanche Streb - publié le 31/03/25
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Pour retrouver le sens d’un féminisme incarné, défend l’essayiste Blanche Streb, rien de tel que de revoir la grossesse comme modèle concentré d’humanité. À l’appui du livre de Marie Leborgne-Lucas, "Un corps pour deux" (DDB), elle voit dans le "corps enceint" le message d’une éthique de l’interdépendance qui nous concerne tous, car nous devons tous notre existence à ce don originel.

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Invitée par le Forum Viva ! à donner une conférence le 23 mars dernier sur ce que la science bouscule dans notre regard sur la vie in utero, j’ai replongé dans cet évènement unique — que nous avons tous vécu — et qui m’émerveille de plus en plus. S’il me fascine en raison de mes études scientifiques, il m’impressionne aussi en tant que femme et maman, tout simplement. L’embryologie, la grossesse, la maternité sont des thèmes qui me sont chers, depuis des années. Même si je leur ai déjà consacré beaucoup de temps à réfléchir, lire et écrire, je me sens toujours encore au pied d’un sommet, tant il reste à apprendre et découvrir.

La première page de notre histoire

La science nous a déjà beaucoup appris sur ce qui se vit in utero, de la fécondation à la naissance, pour la femme, comme pour le petit être qui grandit en elle. Mais il reste encore de nombreux mystères à explorer, dans tous les domaines, sur cette étape clé de toute vie humaine. La grossesse de notre mère est la première page de notre histoire, le temps et le lieu où nous avons vécu nos premières expériences sensorielles : de toucher, vue, odorat, goût… Nous avons commencé à y entendre et apprendre notre langue maternelle. Nous y avons eu nos premières pensées, nos premiers rêves, nos premières émotions : douceur, stress, paix, joie, inquiétudes… amour ! Et nous n’en gardons aucun souvenir conscient. La grossesse est un phénomène d’une richesse incommensurable, et sera toujours un évènement unique. Personne ne le vivra pareil, même s’il s’y joue quelque chose d’universel. La grossesse concerne tout le monde, et pas seulement les femmes qui auront des enfants, car nous sommes tous nés du corps d’une femme. C’est la générosité corporelle d’une autre qui nous a permis d’exister. Chacun doit son existence à une femme qui nous a accueilli en elle, dans son corps, avant même de nous connaître. Oui, la grossesse se déroule dans un corps, un corps enceint, qui a tant à nous dire et qui pourtant reste l’un des grands oubliés de la philosophie et de la pensée contemporaines.

Se sentir responsable de la vulnérabilité de l’autre

Face à un certain féminisme, face à des courants de pensée dont ceux qui font la promotion du recours au corps d’autrui pour porter la vie, il est devenu aussi essentiel qu’urgent de repenser le corps enceint. Qu’a-t-il à nous apprendre de notre humanité ? C’est l’une des questions à laquelle s’est attelée Marie Leborgne-Lucas dans son essai Un corps pour deux qui vient de paraître chez Desclée de Brouwer. La philosophe y défend ce que je creuse et promeut depuis longtemps : un féminisme incarné. Sa petite philosophie de la grossesse propose plusieurs réflexions intéressantes, en particulier l’hypothèse du modèle qu’offre le corps enceint pour penser l’éthique. Pourquoi ? Parce que le corps enceint exige de repenser le sujet comme étant toujours en lien, en interdépendance, et dans le souci, le soin envers l’autre. Cette mère de trois enfants qui enseigne la philosophie en lycée propose trois piliers pour cette nouvelle éthique.

La grossesse crée une obligation : celle du don.

Le premier peut se résumer ainsi : puisqu’on a pris soin de moi, je dois prendre soin des autres. Puisque ma vulnérabilité originelle a été protégée par un autre, je dois, moi aussi, me sentir responsable de la vulnérabilité de l’autre. Faisons avec elle ce constat : nous sommes tous en quelque sorte endettés. Nous devons notre existence à d’autres, sans qui nous ne serions pas là pour lire ou écrire cette tribune en cet instant précis. Or, cette dette originelle, puisqu’elle est "non remboursable", nous oblige. Elle crée une obligation : celle du don.

Un modèle d’hospitalité absolue

Ensuite, la grossesse met en lumière une relation non-contractuelle entre le corps enceint et le fœtus, au sens où elle ne résulte pas de l’engagement de deux parties. Car même lorsque la grossesse est recherchée, désirée, elle n’est pas la conséquence au sens strict de ce désir. La grossesse est toujours une surprise. Un "immaîtrisable". On ne "force" pas un embryon à s’implanter dans l’utérus, même lorsqu’on réalise une fécondation in vitro. Comme l’écrit l’auteur, "c’est plutôt sur le mode de l’effraction consentie a posteriori que peut se penser la grossesse". On est donc là dans son deuxième pilier : cette relation est un modèle d’hospitalité absolue.

Enfin, la grossesse est le lieu de l’entière interdépendance. Il s’agit d’une relation unique. "Les individus ne peuvent y être pensés de manière séparée", écrit l’auteur. Or, cette éthique de l’interdépendance nous concerne tous, car nous devons tous notre existence à ce don originel.

Retrouver le sens d’un féminisme incarné

Au fond, la grossesse et le corps enceint, cette étape que nous avons tous vécue, même si nous ne porterons pas tous la vie en nous, nous rappelle à d’importantes réalités humaines. Nous sommes dépendants les uns des autres, nous avons fondamentalement besoin des autres, avant que d’être en compétition avec eux. Finalement, le corps enceint fonde la relation éthique à l’autre. Finalement, j’aime à penser que la grossesse est un concentré de notre humanité. Bien qu’elle soit, à l’image de notre condition humaine, un temps d’intense vulnérabilité, pas seulement pour le bébé, mais aussi pour la femme enceinte. Cette vulnérabilité ne relève pas seulement des conditions dans lesquelles survient cette grossesse, elle concerne tout son être, indépendamment du reste. Mais cette vulnérabilité singulière crée une force d’adaptation et d’ouverture à l’autre.

Il nous faut, aujourd’hui, retrouver le sens d’un féminisme incarné. Il est vital de renouveler notre regard sur cette étape fondamentale de toute existence qu’est la maternité, et il est nécessaire de s’appuyer sur cette vulnérabilité, cette interdépendance, cette dette originelle, cette hospitalité, cette générosité corporelle qu’elle révèle, pour les méditer, les protéger, et les honorer comme étant la source même de la vie et des liens qui nous unissent, les uns aux autres.

Pratique :

Un corps pour deux, Petite philosophie de la grossesse, Marie Leborgne-Lucas, Desclée de Brouwer, 2025, 256 pages, 19,90 euros.
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