Carême 2025
Ce contenu est gratuit, comme le sont tous nos articles.
Soutenez-nous par un don déductible de l'impôt sur le revenu et permettez-nous de continuer à toucher des millions de lecteurs.
Entrons dans l’histoire d’un homme juste et bon auquel Dieu fait tellement confiance qu’il lui remet la charge de défendre son honneur face à Satan qui voulait voir le mal triompher de la vie. C’est facile d’être un homme de foi quand tout vous réussit, dit Satan, mais qu’en sera-t-il lorsqu’il rencontrera le malheur ? Soit, dit Dieu, j’ai confiance en Job. Le lecteur est dès le début du récit biblique au courant du complot que trame Satan contre Job. Éprouvé dans ses biens et ses enfants, Job ne renie pas Dieu. Qu’en sera-t-il quand il sera atteint dans son corps et qu’il fera l’expérience de la maladie ? Dieu continue à garder sa confiance en Job et Satan disparaît de la scène. C’était une vieille histoire du premier millénaire que l’on se racontait le soir à l’ombre des caravanes qui circulaient en Orient…
Si tu souffres, c’est que tu as péché
Un poète du Ve siècle avant Jésus-Christ s’empara du sujet et fit parler Job éprouvé par la maladie et visité par des amis venus le consoler. Ses amis représentent ce que nous pensons tous : si Dieu était bon, il devrait récompenser automatiquement toutes les gestes bienfaisants… Donc si tu souffres, c’est que tu as péché, si ce n’est pas toi, c’est donc ton frère ! Face à cette vision simpliste de Dieu qui punit ou récompense, rétribue ou afflige, Job se révolte. Il veut savoir pourquoi Dieu, qui l’a créé et donc qui l’a aimé, le laisse souffrir et il va s’acharner, crier, hurler pour que Dieu lui explique la raison des malheurs qu’il a subis. La compassion des amis de Job tourne court car leurs discours consistent à sauver l’idée qu’ils se font de Dieu tout-puissant et les certitudes sur lesquelles s’appuie leur vie. C’est pourquoi ils ne vont pas hésiter à faire de Job un coupable afin que leur idée de la justice divine soit préservée.
Ils se mettent à parler comme s’ils étaient les substituts de Dieu. Les amis de Job vont dérouler tout leur savoir devant nous. Ils se révèlent incapables de silence, bavards devant la souffrance pour laquelle ils ont leur explication et ils deviennent violents si l’on ébranle leur philosophie qui repose sur la doctrine de la rétribution : tu es heureux donc Dieu te récompense pour tes bonnes actions, tu es malheureux donc Dieu te punit pour tes péchés. Les amis de Job deviennent idolâtres de leur théologie. Ils se révèlent être les alliés de Satan puisqu’ils emploient ses arguments et son langage pour faire avouer Job.
Job accepte, Dieu lui parle
Faire avouer Job, mais de quel péché puisque Job se sait innocent ? Job dit tout haut ce que personne n’ose dire : pourquoi Dieu reste-t-il impassible devant le malheur du monde ? Dieu jouirait-il d’une joie perverse en voyant les gens souffrir ? Les êtres humains seraient-ils des jouets entre ses mains comme ils l’étaient pour les dieux antiques ? Puis il franchit un degré dans son audace en s’adressant directement à Dieu : il veut une explication, un signe pour comprendre. Non, personne ne lui répond. Il demande à être jugé, mais n’obtient pas d’être convoqué par le juge !
Au terme de son combat, Job accepte sa condition humaine : il attend dans le silence. Il ne met pas la main sur Dieu. Il est libre.
Mais Job dépouillé de tout a sauvé l’essentiel : il est un corps mutilé mais vivant. Oui, il a attaqué Dieu, le traitant même d’espion, mais il n’est jamais entré dans la problématique de ses amis qui voulaient lui faire avouer une faute pour présenter Dieu comme celui qui châtie. Au terme de son combat, Job accepte sa condition humaine : il attend dans le silence. Il ne met pas la main sur Dieu. Il est libre. Alors Dieu va lui répondre en lui faisant découvrir, tel un bon pédagogue, toutes les subtilités de la création.
Il fait défiler devant Job le carnaval des animaux exaltant les astuces de leur mécanique, leur sens de la survie… Dieu veut cette promenade dans le jardin du monde pour que Job prenne le temps de regarder et d’admirer l’œuvre divine. Il avait affirmé, au cœur de sa désespérance, que ses yeux de chair verraient Dieu et voilà qu’il recevait dans son cœur cette lumière intérieure qui lui permettait de dire : "Je ne te connaissais que par ouï-dire, mais à présent mon œil t’a vu." Le conte se termine bien : Dieu lui rendit ses biens, lui donna de nouveaux enfants, sept fils et trois filles et lui demanda de prier pour ses amis…
La conversion d’un pèlerin d’espérance
Job est le miroir de l’homme contemporain qui crie sa révolte à Dieu contre la souffrance innocente. Il refuse la morale simpliste de ses amis qui font de Dieu un distributeur de bonheur ou de châtiment selon la conduite de chacun. Pionnier de l’écologie, Job regarde émerveillé la nature, la faune, le climat et ses saisons, le ciel et ses astr s. Job est œcuménique avant la lettre : dans sa quête de Dieu, il rejoint tout homme en recherche spirituelle indépendamment de toute pratique religieuse. Mais surtout Job est pèlerin d’espérance : oui, il peut être un guide spirituel parce qu’il force chaque lecteur à faire sortir du fond de son cœur l’angoisse la plus obscure. Il demande ce travail intérieur pour libérer les strates d’amertume, les regrets enfouis, les larmes retenues. Prononcer ses paroles, relire ses discours et se les approprier est l’étape nécessaire d’un chemin de conversion : se dépouiller de nos certitudes pour dévoiler notre orgueil qui nous fait nous emparer de Dieu.
Alors les écailles tomberont de nos yeux et nous pourrons dire avec Job : "Je parlais sans savoir, mais maintenant tu m’as éclairé." Job, l’innocent par excellence, jouet de la jalousie de Satan, préfigure le Christ qui, lui aussi, combattra le diable dans le désert pendant quarante jours, le temps du carême, avant d’entrer dans sa vie publique qui le mènera au Calvaire et à la lumière de Pâques pour que tout homme soit sauvé.
Pratique
