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La foi a-t-elle besoin de tweets et de vidéos ?

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Jean Duchesne - publié le 14/03/25
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L’Église a toujours employé les moyens de son temps pour communiquer, rappelle l’essayiste Jean Duchesne. Les chrétiens n’ont pas plus à craindre du numérique que de l’imprimé ou de l’audio-visuel : Aleteia en est une preuve !

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Il est admis que les innovations technologiques qui offrent des modalités inédites de production et de réception d’images ou de messages ont un impact sur les religions, et spécialement le christianisme. Le livre imprimé qui apparaît en Occident au XVe siècle est réputé avoir joué un rôle dans l’émergence du protestantisme qui divise bientôt la "chrétienté" latine. Par comparaison, la typographie n’est autorisée qu’au XVIIIe siècle en terre d’islam, et c’est au XIXe seulement, avec la Nahda (la "Renaissance" musulmane), que se répandent au Moyen-Orient, en même temps que les idées intellectuelles et politiques de la "modernité", leurs modes de diffusion. Il en va de même dans les traditions asiatiques et africaines, et dans les diverses spiritualités et perceptions du sacré de par le monde.

De l’imprimé à la radio et à la télévision

Quand, à l’époque contemporaine, la presse se développe en Europe, les Églises ne manquent pas d’utiliser, pour leur communication, les moyens qu’elle procure. Le bienheureux Frédéric Ozanam (1813-1853) commence très tôt à lire des journaux, à y publier, et il ne cesse pas d’en soutenir et même d’en fonder. Sous la IIIe République, les assomptionnistes lancent assez vite ce qui est devenu Bayard Presse. Au XXe siècle, la première retransmission radiophonique de la voix humaine est réalisée en 1931 par l’inventeur Guglielmo Marconi, en donnant la parole au pape Pie XI. Mais l’Église n’a évidemment pas de monopole.

Hitler, Roosevelt, Churchill et de Gaulle sauront en effet peu après tirer parti de la radio, comme aussi Pie XII pour son fameux message de Noël 1942. La télévision débarque moins de vingt ans plus tard. Aux États-Unis, le catholique John F. Kennedy sait s’en servir pour être élu président, et le renouveau populaire du protestantisme "évangélique" en profite. À la fin du XXe siècle, saint Jean Paul II exploite magistralement les ressources de l’audiovisuel en direct : ses voyages dans le monde entier et les grands rassemblements des JMJ rivent des centaines de millions de gens à leurs petits écrans. L’extraordinaire est que tout cela n’est pas conçu pour la télévision en se pliant à ses règles, et que c’est au contraire la foi vécue en masse qui fait de ces événements bien plus que des spectacles battant des records à l’audimat.

Le portable qui est bien plus qu’un téléphone

Nous sommes désormais à l’ère d’Internet et des réseaux sociaux. Il faut d’abord relever que ces technologies s’ajoutent à celles qui existent déjà et ne s’y substituent pas : l’oral et les assemblées physiques (y compris liturgiques), les images fixes et l’imprimé, le cinéma, la radio et la télévision sont toujours là et indispensables. Les médias classiques signalent d’ailleurs ces phénomènes au moins quantitativement aussi importants dans la sphère du numérique. L’ordinateur connecté lui-même facilite simplement l’accès à du visuel, du sonore et du texte élaborés en amont. Il est cependant incontestable que les portables, qui ne sont plus qu’accessoirement des téléphones, ont introduit du nouveau, qui mérite qu’on l’inventorie et qu’on y réfléchisse.

On peut commencer par noter la diversification des matériaux, mis en circulation par des professionnels ou des amateurs aspirant à le devenir et y réussissant parfois : messages dits ou écrits (avec un orateur ou auteur identifié ou non, avec musique ou pas), de longueur variable mais plutôt brève (du slogan à quelques phrases), images expliquées ou commentées (ou non), isolées ou en série (diaporama), vidéos (courts films, originaux ou en montage d’éléments préexistants, parfois trafiqués ou avec des effets spéciaux), etc. Tout cela vise à susciter une adhésion affective, à faire réagir et à en redemander, tout en partageant avec d’autres. Il est très facile (et ça ne coûte rien) de cliquer sur "J’aime", une fois l’"appli" installée avec inscription au "compte" d’un émetteur dont les publications sont signalées par des "alertes".

Loin des arts et de la littérature

Les "abonnés" sont de la sorte fidélisés. Les algorithmes relancent automatiquement les intérêts qui semblent s’essouffler et rendent "virales" les vidéos qui sont le plus relayées. L’addiction est favorisée par la maniabilité du portable, que l’on peut avoir constamment sur soi et consulter pratiquement à tout moment. Il est rarement question de traiter là quoi que ce soit de manière définitive, de produire des références comme dans les arts et en littérature, et encore moins de créer des chefs-d’œuvre. C’est de la consommation courante et immédiate, à renouveler sans cesse, qui se périme vite, et qui pourtant sature l’espace et accapare les esprits.

L’avènement du numérique et des réseaux sociaux a engendré des mutations culturelles que l’Église a adoptées pour ainsi dire spontanément.

Quasiment aucun sujet n’est exclu. C’est pourquoi on trouve sur les réseaux sociaux du religieux — et dans toutes les variantes possibles, puisque c’est une affaire qui, qu’on le veuille ou non, préoccupe invinciblement l’humanité. Dans ce domaine comme dans les autres, les "influenceurs" se recommandent non par leur autorité ou leur compétence, mais par leur charisme personnel de "communicant", révélé et valorisé par le médium. Ce qui, en matière de croyance et de culte, peut donner lieu à toutes sortes de déformations — généralement par simplification entraînant l’omission d’aspects essentiels et de retombées pratiques du dogme.

Canaux inhabituels

Un autre danger est que la "communauté" ainsi constituée des "suiveurs" tend à demeurer virtuelle, et que la spiritualité développée reste individuelle, sans engagements relationnels ni dimension sociale. Autrement dit, on peut fort bien sur son portable s’enticher de Jésus, de la Vierge Marie ou de tel saint, voire de n’importe quel prédicateur auto-missionné, sans avoir l’idée d’aller à la messe, ni prendre le temps de mesurer tout ce que cela requiert et entraîne.

Ces inconvénients sont compensés par la liberté qui règne sur les réseaux sociaux, où les régulations et censures sont minimales — sauf dans les pays totalitaires (comme la Chine) où l’accès à certaines plateformes n’a pas besoin d’être interdit, puisqu’il est rendu techniquement impossible. Mais ailleurs, des messages et images liés au christianisme se répandent via des canaux inhabituels qui filtrent, formatent et refaçonnent ce qu’ils véhiculent. La valeur de ces nouveaux "condensés" de foi se vérifiera au fruit qu’ils porteront. Mais il semble déjà qu’ils touchent tangentiellement quantité de gens que n’atteignent pas les médias "confessionnels".

La preuve par Aleteia

Les catholiques ont donc, sur ordinateur ou portable, des tweets et des vidéos en plus de ce qu’ils avaient déjà sur papier et par la radio ou la télévision : missel et lectionnaire, homélies, réflexions, prières, témoignages et infos sur leur communauté… Benoît XVI a pris en 2012, avant sa renonciation, un compte Twitter (désormais X) : @Pontifex. Son successeur l’a repris et il est aussi sur Instagram : @franciscus. En même temps, par-delà les pratiquants et y compris parmi les plus jeunes, beaucoup semblent regarder sans a priori ces enseignements et cette apologétique d’un style nouveau — qui sont bien sûr loin d’être un privilège réservé au Pape : Aleteia le prouve, comme instrument exemplaire de soutien à la vie chrétienne et d’évangélisation.

Au total, on peut dire que l’avènement du numérique et des réseaux sociaux a engendré des mutations culturelles que l’Église a adoptées pour ainsi dire spontanément. Comme toute nouveauté, celle-ci crée des risques en même temps que des opportunités, car les contenants ne sont jamais sans conditionner les contenus et peuvent les déformer. La plus grande menace est sans doute celle d’intelligences artificielles déclarées capables de produire des matériaux audio-visuels satisfaisant tous les besoins de l’âme. Car le propre du Dieu de Jésus-Christ n’est pas de combler tous les désirs (finalement médiocres) des humains, mais de leur offrir bien plus qu’ils n’osent imaginer et qu’aucun procédé ne peut réaliser — à savoir une communion pas du tout désincarnée ni virtuelle entre eux avec Lui.

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