François, les lieux d’un pontificat

Cardinal primat d’Argentine, Jorge-Maria Bergoglio restait à Buenos Aires, même en période de vacances et voyageait assez peu. Devenu pape, François a effectué 47 voyages hors d’Italie. Retour sur quelques lieux emblématiques qui ont marqué son pontificat.

L’une de ses premières sorties, abondamment commentée, pose les bases du pontificat. L’île méditerranéenne est le symbole des drames de la migration. Nombreux sont les migrants à échouer sur ses terres, en quête d’Europe, mais tenus par les passeurs qui transforment les passages en juteux business. Dans une formule choc qui marque son pontificat, François fustige "la mondialisation de l’indifférence", qui ferme les yeux sur une Méditerranée devenue un "cimetière".

Sa première venue sur le sol français. Il y en aura deux autres, Marseille et Ajaccio, la Fille aînée de l’Église étant le pays où François s’est le plus rendu. Même si ce jour-là, ce n’est pas une visite officielle en France, mais aux institutions européennes. Deux ans plus tard, François sera décoré du prestigieux prix Charlemagne, qui récompense ceux qui ont œuvré pour la construction européenne. En attendant, devant les députés européens, il tance une Europe "grand-mère", qui a perdu le sens de sa fécondité démographique, spirituelle et culturelle. Le pape venu d’Argentine, mais issu d’une famille italienne, renvoie à l’Europe le propre miroir de ses errements.

Pour toute une génération, Sarajevo est la ville martyre, le symbole de la guerre civile yougoslave qui a ensanglanté les Balkans des années durant. Une guerre qui, pour la première fois, fut suivie quasiment en direct à la télévision. Les espérances de la fin du communisme sombraient dans le sang yougoslave versé sur cette terre tragique, dont le siège de la capitale la Bosnie-Herzégovine fut un moment phare. François y délivre un message fort sur la guerre, dénonçant "la guerre mondiale par morceaux" qui sévit alors. En 2015, beaucoup, en Europe, croyaient la guerre impossible. L’invasion de l’Ukraine a changé la donne, accélérant cette guerre par morceaux dont François fut un prophète.

Moscou vient dans les Caraïbes pour saluer le pape. Si le terme "événement historique" a un sens, il s’applique parfaitement à cette journée du 12 février 2016. À l’aéroport de La Havane, dans cette île de Cuba qui fut l’un des épicentres de la guerre froide, avec ce régime communiste qui a combattu la foi et l’Église, le patriarche Kirill rencontre le pape, pour la première fois depuis le schisme orthodoxe. Un événement fondateur qui signe le rapprochement de Rome et de Moscou. Une visite en terre russe est encore impossible, par refus du Kremlin, mais une rencontre en terre neutre modifie le cours de l’histoire. Si les espoirs de 2016 se sont brisés sur la guerre d’Ukraine, François ne cesse de répéter que "l’œcuménisme du sang" doit l’emporter sur les querelles politiques.

Le succès posthume du cardinal Jean-Louis Tauran, décédé en juillet 2018. Un pape se rend pour la première fois en terre d’islam, rencontre fondatrice après sa visite au Caire en avril 2017. Le dialogue n’est pas une option, c’est une "nécessité" aimait à dire le cardinal Tauran. Nous sommes "condamnés au dialogue", car c’est lui ou la guerre. Au cours de ce voyage, François signe avec l'imam d'Al-Azhar Ahmed el-Tayeb, le Document sur la fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune, un texte qui vise à garantir la liberté religieuse et donc la libre pratique de la foi catholique, y compris en terre musulmane. Doux rêve pour certains, acte prophétique pour d’autres, mais surtout une volonté, pour l’Église, de "bâtir des ponts" et de dialoguer avec tous.

Pour la première fois dans l’histoire, un pape marche dans les pas d’Abraham. Ur, Mossoul, Qaraqosh, Bagdad, autant de cités abîmées par la guerre, autant de populations fracturées par l’État islamique, les attentats, les attaques. Dans ce qui est l’un des creusets du christianisme, dans une région où les chrétiens d’Orient sont le peuple originel, mais aujourd'hui exilé dans le monde. François veut soigner les plaies, consoler les affligés et apporter la flamme de l’espérance dans une région du monde où la croix chrétienne est de plus en plus effacée.

Le voyage le plus improbable, et jusqu’à présent son dernier. Un voyage décidé à la dernière minute, comme sur un coup de tête, pour clôturer un colloque sur la piété populaire. Un voyage qui résume tout le pontificat : visiter des terres où les papes ne se sont pas encore rendus, parler de la Méditerranée, une zone qui tient le cœur du pape depuis son élection, mettre en avant la piété populaire, celle d’un peuple chrétien aux multiples facettes, que François a pu croiser au Pérou et au Mexique, en Birmanie, en Mongolie et à Madagascar. Pour un christianisme qui partage la foi dans le Christ tout en s’écrivant de multiples façons dans les temps et dans les lieux.