Toute la symbolique de la nouvelle bannière de Sainte-Anne d’Auray

"C'est très émouvant de voir la bannière en dehors de mon atelier, c'est l'aboutissement de plus d'un an de travail", confie à Aleteia Céline Le Belz, qui a brodé, à la demande du diocèse de Vannes et en collaboration avec l'artiste peintre Yannig Guillevic, la nouvelle bannière dédiée à sainte Anne, bénie le 7 mars par Mgr Centène. Elle représente pas moins de 1.150 heures de travail. "Cet ouvrage a monopolisé physiquement mon atelier et mentalement mon esprit pendant un an, et lorsqu'on livre un tel ouvrage, il n'est plus à soi, il faut s'en détacher, c'est bizarre", confie la brodeuse basée à Plumelec, spécialisée dans la création de broderie d'art et la restauration de bannières. Objet liturgique incontournable en Bretagne, la bannière a une place de choix dans les processions bretonnes. "Lorsqu’on s’est demandé comment solenniser le Jubilé des 400 ans des apparitions de sainte Anne, on a tout de suite pensé à réaliser une bannière", explique Irène de Château-Thierry, responsable de la commission d’art sacré du diocèse. "La bannière est un objet cultuel et très identitaire en Bretagne. Chaque chapelle a sa bannière, avec son saint patron, permettant de proclamer publiquement une dévotion commune", souligne-t-elle.

Si le sanctuaire de Sainte-Anne d’Auray en possède plusieurs, elles présentent de sérieux signes d’usure. Plusieurs datent du dernier jubilé de 1925, et la plus récente de l’année mariale 1954. "Il était donc évident qu’il fallait créer une nouvelle bannière comme objet phare du jubilé des 400 ans". Sans compter que la bannière a aussi un aspect mémoriel : créer une bannière spécifique pour les 400 ans des apparitions, c’est garder en mémoire ce grand jubilé. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les dates 1625 – 2025 faisaient partie du cahier des charges et figurent sur la bannière. Le carton est l'œuvre de Yannig Guillevic, peintre et graphiste, spécialiste de l’art sacré contemporain, qui évoque sa contribution au jubilé comme une évidence : "J'étais interne au petit séminaire de Sainte-Anne d'Auray, je voulais être prêtre à une époque ! Puis, après une quinzaine d'années passées à l'étranger, j'ai atterri à Sainte-Anne d'Auray. Pour moi, dessiner et peindre cette bannière, c'était comme répondre à un appel de sainte Anne", confie l'artiste qui est aujourd'hui marié et père d'une petite fille. "D'ailleurs, en peignant, j'ai chanté des milliers de fois le cantique qui a donné son nom à la bannière !"

En effet, apparaît sur l’avers le titre d’un ancien cantique breton, choisi pour résumer toute la spiritualité du jubilé : "Sainte Anne, mère de Marie, conduis-nous vers Jésus", traduit en breton sur le revers : "Santez Anna, mamm Mari, kaset ni de Jezuz". La bannière évoque l’histoire et le sens des apparitions : sainte Anne conduit les fidèles à Jésus par Marie et les éclaire de son flambeau. Le devant porte sainte Anne avec la Vierge et l’Enfant Jésus tenant le Livre ouvert, et le revers une sainte Anne tenant un flambeau allumé dans la nuit, avec à ses pieds Yvon Nicolazic. À grand jubilé, grande bannière ! La bannière mesure 1,15 m de large pour 1,60 m de hauteur.

L’iconographie de sainte Anne est riche et revêt différentes symboliques. Elle est parfois représentée seule, un livre entre les mains, symbole de l’attente du Messie et de l’espérance, ou bien avec un livre et Marie, illustrant ainsi la transmission ou l’éducation de la Vierge. Une autre représentation la montre entourée de Jésus et Marie, on l’appelle alors la "sainte Anne ternaire" (Anne, Marie, Jésus). C’est cette représentation de sainte Anne qui a été choisie pour la nouvelle bannière. Sainte Anne tient un livre ouvert, symbole des Saintes Écritures et signe de l’accomplissement de la Nouvelle Alliance. "Cette figure de sainte Anne correspond bien au thème du Jubilé et illustre parfaitement la phrase inscrite sur la bannière : "Sainte Anne Mère de Marie, conduis-nous vers Jésus"", précise Irène de Château-Thierry.

"Il faut voir sur le recto de la bannière un rapport vertical, de la sainte Anne ternaire, en passant par l'Eucharistie, représentée par le vin et le pain, jusqu'à la partie inférieure qui représente le pays vannetais. Les ailes ne sont pas celles du Saint-Esprit mais les ailes de l'Alliance, que l'on retrouve chez Malachie", explique Yannig Guillevic. Les motifs floraux représentent un iris, des marguerites, une aubépine et des boutons d'or, en bouton du côté de la date 1625 et en floraison du côté 2025. L'oiseau est un chardonneret élégant. Une allusion au Protévangile de Jacques qui évoque sainte Anne, qui, entendant piailler des passereaux dans un nid, se lamente de ne pas être capable de donner la vie alors que de si petites créatures le peuvent. Cet oiseau, avec son front taché de rouge, est aussi un symbole de la Passion du Christ. Au-dessus des dates, les fleurs de genêts rappellent la cabane recouverte de genêts qui a servi de premier oratoire à la statue découverte par Nicolazic. Un autre motif qui n’a rien de breton y est mêlé : des cornes de bélier. Elles évoquent l’année jubilaire de l’Église universelle, le mot jubilé venant du mot hébreu "yobel" qui signifie bélier. Une manière de manifester de façon très esthétique ce double jubilé que célèbrent les Bretons en cette année 2025.

Au dos de la bannière, sainte Anne est représentée tenant un flambeau, à l’instar de la sculpture qui se trouve au sommet du clocher de la basilique. C’est en effet ainsi qu’elle s’est présentée à Yvon Nicolazic, dans la nuit du 7 au 8 mars 1625. La mère de Marie a guidé le paysan breton jusqu’à la statue découverte dans son champ. Cette manière de la représenter est unique au monde et propre à Sainte-Anne d’Auray. Le flambeau symbolise le Christ ressuscité. De cette manière, sainte Anne entraîne chacun dans les pas de Nicolazic, vers la lumière du Christ. Les lieux des apparitions de sainte Anne (le trou, le premier oratoire, la fontaine...) sont indiqués avec une étoile jaune. On retouve les fleurs du jardin du recto, avec en plus, une rose aubépine qui symbolise la Vierge Marie. Marie est aussi présente sur ce côté de la bannière à travers la composition musicale circulaire autour de la croix. "Il s'agit de l'écriture grégorienne, et l'antienne représentée est le Regina Caeli", explique Yannig Guillevic. Le fait que cette représentation se situe sur l’envers n’est pas dû au hasard. Lorsque la bannière est portée à l’avant des cortèges, c’est ce côté qui est vu par les fidèles qui marchent derrière en procession : c’est à eux que sainte Anne s’adresse en leur montrant le chemin.

La bannière est composée de broderies dans lesquelles sont intégrées des peintures à l’huile, notamment pour les figures de sainte Anne. Chaque côté de la bannière est orné de cinq festons avec cinq hermines héraldiques symbolisant les cinq diocèses de Bretagne. Conformément à la volonté du diocèse, la nouvelle bannière est l'œuvre d'artistes bretons, aimant sainte Anne, et est représentative de cette terre bretonne qui a reçu la visite de la grand-mère de Jésus. Son décor est inspiré du terroir et des traditions de broderies vannetaises, se démarquant ainsi des bannières confectionnées par Le Minor, qui utilise des symboles du Pays Bigouden. "Notre intention était de mettre en avant, en plus des symboles chrétiens, la richesse de la culture vannetaise", conclut Yannig Guillevic. Défi réussi !