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Le temps du carême est un temps de conversion, de prière, de partage pour nous préparer à la fête de Pâques. Il est vécu à titre personnel, il peut l’être en famille et en communauté. C’est ainsi toute l’Église qui est invitée à le vivre. À un jeune homme qui lui demandait comment œuvrer à la conversion de l’Église, Mère Teresa répondit : "En commençant par ma propre conversion et par la vôtre." C’est ainsi que l’on peut comprendre l’adage du XVe siècle Ecclésia semper reformanda, "l’Église doit toujours se réformer", par une réforme du corps ecclésial tout entier, c’est-à-dire de chacun de ses membres. Dans sa première encyclique, Ecclesiam suam, Paul VI évoque trois pensées que par analogie, nous pourrions accueillir et réfléchir pour les établissements scolaires catholiques en ce temps de carême.
1Approfondir la conscience d’appartenir à une communauté
"C'est d'abord la pensée que l'heure sonne pour l'Église d'approfondir la conscience qu'elle a d'elle-même, de méditer sur le mystère qui est le sien…" (Ecclesiam suam, 10). Cette heure sonne aussi pour une école catholique. Le temps du carême nous invite à approfondir la conscience que nous avons d’appartenir à une communauté d’adultes, de professeurs, d’éducateurs qui veulent servir la croissance intellectuelle, physique, morale et spirituelle des élèves.
Approfondir la conscience des enjeux qui sont les nôtres, c’est aussi rentrer dans un mystère car tout au long de la vie d’un élève se nouent des relations et des liens qui vont tisser sa vie d’adulte. Certes nous y œuvrons avec des moyens éducatifs et pédagogiques éprouvés et maîtrisés, mais ce qui se joue dans la tête, le cœur, l’affectivité d’un élève relève d’un mystère qui nous échappe. Ce qu’il reçoit, que nous connaissons, est toujours reçu selon ses modalités personnelles, de sensibilité et d’affectivité, que nous ignorons. Parce que "la relation est l’âme de l’éducation" (Martin Buber), elle comporte une part de mystère qui fait toute la beauté de la transmission et doit nous inciter à une distance respectueuse. Un mystère qui en fait aussi la difficulté et exige un discernement constant. Cette alchimie mystérieuse et pourtant décisive doit nous inciter à toujours nous interroger sur la conscience que nous avons de notre mission d’éducation, sa dignité, ses risques, et à examiner, dans nos pratiques, ce qui doit être réformable pour être perfectionné.
2Désirer se corriger
"De cette conscience éclairée et agissante, dérive un désir spontané de confrontation à l'image idéale de l'Église, telle que le Christ la vit, la voulut et l'aima comme son Épouse sainte et immaculée (Eph, 5, 27)" (ES, 11). Lors des comptes rendus des conseils de classe aux élèves, nous les invitons souvent à des relectures de leur trimestre. Cette relecture consiste à "rentrer en soi-même" comme le fils prodigue avant son retour vers son père, pour examiner les difficultés rencontrées, les axes de progression, et pour inviter l’élève à puiser en lui la détermination nécessaire pour répondre mieux et davantage aux enjeux qui sont les siens. Ce temps de carême peut être pour nous aussi, en référence au projet éducatif de l’établissement, l’occasion de relire nos pratiques, d’examiner nos attitudes, de repérer nos insuffisances, de stimuler en nous un désir de progression et de nous laisser parfaire par la parole de Dieu, par la grâce de la prière et de la vie sacramentelle. Qui d’entre nous n’a pas eu un jour une parole malheureuse, une impatience agacée, un jugement péremptoire ? Qui d’entre nous peut affirmer ne jamais avoir besoin de purifier ses intentions, de perfectionner ses manières de dire et de faire ? Qui d’entre nous peut prétendre accomplir sa mission "avec patience et toujours en instruisant", comme nous y invite saint Paul ? De ces constats d’insuffisance, peut naître "un désir généreux et comme impatient de renouvellement, c'est-à-dire de correction des défauts".
3Ajuster notre parole
"Notre troisième pensée, qui est certainement aussi la vôtre, naît des deux premières ci-dessus énoncées ; elle a pour objet les relations que l'Église doit aujourd'hui établir avec le monde qui l'entoure et dans lequel elle vit et travaille" (ES, 13). Comme institution catholique d’enseignement et d’éducation, nous sommes au cœur de ce dialogue, singulièrement avec les enseignants et les parents. Or, les principes et fondements de notre projet éducatif reposent sur une anthropologie aujourd’hui battue en brèche, contestée, moquée. La dualité de notre humanité : "Dieu créa l’homme à son image, homme et femme Il les créa", qui conditionne la relation à soi et aux autres, la dimension spirituelle de toute personne humaine, quelles que soient ses aptitudes ou son handicap, qui conditionne sa relation à Dieu, le rappel des fins dernières, le sens et la recherche de la vérité, le souci du bien, l’attrait du beau, de ce qui élève, le désir de justice et de service, tout cela peut paraître dépassé, désuet, inutile, devant la recherche de la jouissance immédiate, de la seule performance académique, de la réussite professionnelle à tout prix. Autant de convictions parfois difficiles à expliquer dans notre dialogue avec les élèves, les parents, ou au sein de la communauté éducative, tant nous baignons dans un contexte culturel et médiatique qui valorise d’autres principes et d’autres visions, parfois radicalement opposées aux nôtres.
Ce temps de carême peut être pour nous aussi, en référence au projet éducatif de l’établissement, l’occasion de relire nos pratiques, d’examiner nos attitudes, de repérer nos insuffisances, de stimuler en nous un désir de progression et de nous laisser parfaire par la parole de Dieu, par la grâce de la prière et de la vie sacramentelle.
À cela se rajoute une difficulté supplémentaire : dans le dialogue avec autrui, pour être audible, il faut être crédible. C’est-à-dire nous conformer nous-mêmes à ce que nous disons et enseignons. C’est là le chemin de sainteté (et de carême) de tout enseignant et de tout éducateur. Un chemin "montant, sablonneux, malaisé", comme dit la fable de La Fontaine, mais un chemin nécessaire qui atteste que ce que nous disons, nous le croyons et désirons le vivre dans l’unité de notre vie. Mais pour être crédible dans un dialogue, il faut aussi être audible. Dès lors, il nous revient de réfléchir constamment à une "pédagogie de la parole" qui pour être crédible pour tous, soit audible par tous. Cet ajustement à l’auditoire, toujours exigeant difficile à maîtriser, en entretien individuel, en classe ou en réunion est nécessaire. La forme que prend l’expression de nos convictions doit aussi pouvoir porter par elle-même le fond de ce que l’on veut annoncer au nom même de notre foi en Jésus Christ.
Un temps de réforme
Schola semper reformanda ? Ce temps de carême peut être pour toute communauté éducative un temps de réforme nous permettant, comme personne et comme institution, de réfléchir à la manière de mieux ajuster le fond et la forme de notre parole humaine à la Parole de Dieu que nous voulons transmettre. Et de configurer toujours davantage nos pratiques et nos manières de faire à notre charte éducative.