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Ces périphéries qui nous débordent

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Benoist de Sinety - publié le 09/03/25
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Tandis que le pape des périphéries lutte contre la maladie, ce sont ces périphéries qui ont afflué dans nos églises ce mercredi des Cendres, a observé le père Benoist de Sinety, curé-doyen de la ville de Lille. Qu’ont-elles à nous enseigner ?

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Dans l’essoufflement d’un pape, un monde est sans doute en train de naître. Depuis quelques jours, nombre de commentaires fleurissent sur l'événement de ce mercredi des Cendres. Dans la quasi-totalité des églises de notre pays, des milliers de nouveaux-venus, souvent adolescents ou jeunes adultes, se sont présentés pour recevoir sur leurs fronts l’humble marque par laquelle, au cœur de notre condition mortelle, se révèle le salut de Dieu. Déjà, depuis quelques années, les chiffres du catéchuménat avaient connu — et connaissent encore — un accroissement considérable. Au-delà de l’atmosphère anxiogène de l’époque, de l’émergence dans notre société du Ramadan et d’un effacement de tout repère moral et religieux pour une immense part de nos contemporains, n’y a-t-il pas à se réjouir de l'événement d’un signe des temps ?

Signe des temps

Ce signe des temps a été désigné il y a douze ans de cela par François avec cette expression fameuse des périphéries. Chacun l’a reprise en lui donnant des sens différents. Nous nous sommes querellés pour savoir si le concept était pertinent, nous avons continué de nous replier dans nos guerres picrocholines où chacun expliquait à l’autre qu’il avait la recette, la formule, la compréhension de tout et surtout, mieux que les autres. Nous avons agité les combats de rites, nous nous sommes repus des rivalités de générations, inquiets de savoir s’il fallait mieux s’adresser à Dieu en latin ou lui parler en langues, s’il était préférable de communier dans les mains ou sur les lèvres, et bien d’autres débats qui ne sèment que désordre, confusion et haine de l’autre en nous rendant orgueilleux et arrogants. Nous avons découvert avec sidération l’effroyable imposture de cette manière dont certains, en prétendant juger et diriger la vie de leurs frères jusqu’au plus intime de leur chambre à coucher, se vautraient par ailleurs dans la fange et le crime. Certains d’entre nous en nient encore la gravité, d’autres ont claqué la porte avec désespoir. Tous, nous en sommes des victimes collatérales. Nous pensions que bientôt, il ne nous resterait plus qu’à compter les clochers, les diviser par le nombre de prêtres survivants et attendre la mort.

Dans la quasi-totalité des églises de notre pays, des milliers de nouveaux-venus, souvent adolescents ou jeunes adultes, se sont présentés pour recevoir sur leurs fronts l’humble marque par laquelle, au cœur de notre condition mortelle, se révèle le salut de Dieu.

Bienheureuse submersion !

Et voici que, telle une vague totalement imprévue et que nul n’avait vu venir de cette importance, nous sommes submergés. Bienheureuse submersion ! Elle nous oblige à sortir de nos schémas et de nos certitudes : non, les jeunes qui viennent dans nos églises, ne viennent pas pour soutenir une théologie contre une autre, une tradition contre une autre. Ils se contrefichent de nos guéguerres gamines. Ils veulent voir Dieu. Comme la foule qui demande aux disciples : "Montre-nous Jésus !" Et nous résisterions à cet appel ? Et nous continuerions à leur demander d’abord de rejoindre nos clans et de choisir leurs camps ? Malheur à nous, alors.

C’est bien cette périphérie à laquelle François s’est adressée tout au long de son pontificat, celle de cette jeune fille qui veut changer de sexe et qui s’entend répondre par le prêtre de sa paroisse qu’elle ira en enfer. Celle du migrant qui pense être arrivé en terre chrétienne et devant lequel toutes les portes se ferment. Celle de ceux qui se sentent rejetés, qui pensent qu’il n’y a pas de place dans l’Église parce qu’ils n’ont pas les mots, le pedigree, les manières des "bons" chrétiens. Cette périphérie dans laquelle, dans notre pays, se situent 90% des hommes et des femmes. C’est cette périphérie qui nous déborde ainsi. Parce qu’on y a entendu directement ou non les paroles du Pape. Parce que l’Esprit saint qui les lui inspire, les a portées jusqu’à eux. Et les voici qui viennent. 

Une gratitude infinie

Mercredi, après avoir béni l’un de ces jeunes de 16 ou 17 ans qui s’était approché au moment de la communion, la casquette vissée sur la tête, les bras croisés pour demander la bénédiction, je l’ai entendu me répondre "merci". En croisant son regard, j’y ai vu une gratitude infinie. Par pour moi, mais pour celui dont je venais de l’assurer qu’il l’aimait infiniment. "Merci." Puissions-nous accepter dans nos communautés de nous laisser submerger par ces jeunes. Ne les regardons pas d’abord comme des ignorants auxquels nous voulons tout enseigner, tout apprendre. Laissons-nous enseigner par eux : qu’ils nous disent comment ils sont venus jusqu’à nous pour que nous nous laissions irradier devant le travail du Bon Dieu. 

Ne cherchons pas à les faire entrer dans notre entre-soi chrétien installé et sûr de lui. Leur bercail, c’est le Christ : qu’ils puissent nous le rappeler et que nous nous remettions en route, rouillés et un peu perdus, mais tout heureux de retrouver la mission reçue et d’avancer ensemble là où elle nous convoque.

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