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Le décorticage des archives liées au pontificat de Pie XII qui se poursuit encore aujourd'hui a permis d'identifier de multiples preuves de l'action concrète de ce pape en faveur des juifs. Parmi les chercheurs qui se sont mis au travail, l’historien Hubert Wolf et son équipe de l’université de Münster ont ainsi découvert un nombre impressionnant de lettres envoyées au pape Pie XII pendant la Seconde Guerre mondiale. Pas moins de 10.000 appels à l'aide ont ainsi été formulés par des juifs auprès du Saint-Siège. Couvrant environ 17.400 pages, ces lettres ont été rédigées en 17 langues différentes.
"On sent dans ces mots, témoignait le professeur Wolf à Vatican News en 2020, combien ces lettres sont profondément émouvantes et pleines d'émotion, écrites avec désespoir, comme un appel à l'aide. Ces personnes exposent leur vie au pape avec une étonnante franchise." Dans de nombreux cas, le Vatican a pu, une fois les lettres reçues, faire des demandes de visas pour les familles concernées afin de permettre leur exfiltration vers des pays étrangers. C'est le cas, par exemple, de Martin Wachskerz, dont la lettre datée du 20 décembre 1942 est arrivée à Rome plusieurs semaines plus tard, début janvier 1943. "Le cardinal secrétaire d’État – l’équivalent du ministre des Affaires étrangères du Vatican – a agi immédiatement, sans consulter le Pape. C’est un des cas où le pape Pie XII n'a pas été directement impliqué", affirmait ainsi le professeur Wolf. Comme, d'ailleurs, beaucoup d'autres lettres. Le professeur Wolf et les chercheurs ont ainsi établi l'hypothèse selon laquelle Pie XII n'aurait eu connaissance que de 10% des demandes d'aide, poussant les chercheurs à préconiser un changement de perspective : plutôt que de se concentrer uniquement sur "Pie XII et l'Holocauste", il faudrait examiner "Pie XII, la Curie romaine et l'Holocauste". Cette approche plus large reconnaît ainsi la complexité de la bureaucratie du Vatican et les limites de l'implication directe du Pape, avancent les chercheurs.
En l'espèce, le cardinal secrétaire d'État avait donné l'instruction suivante au nonce apostolique en Suisse : "Ces juifs risquent d'être déportés vers un camp d'extermination. Veuillez informer les autorités suisses que le Saint-Père souhaite que ces quatre personnes obtiennent un visa pour la Suisse." Mais le Vatican s'est heurté à des refus : ce fut le cas pour cette demande, déclinée par Berne qui invoqua un nombre déjà trop important de visas délivrés pour le territoire suisse.
Les archives du pontificat de Pie XII
Il y a cinq ans, le Vatican ouvrait les archives du pontificat du pape Pie XII, plus de 80 ans après son élection. Cette initiative du pape François répondait aux critiques formulées à l'encontre de Pie XII, accusé de complicité avec le régime national-socialiste. Trop occupé par la menace communiste, il aurait, selon ses détracteurs, délibérément gardé le silence devant la Shoah. L'accès à ces documents inédits est toutefois venu de nouveau nuancer cette version, établissant plutôt une action discrète, voire souterraine, du Vatican pour sauver les Juifs des griffes nazies. Le Pape aurait fait le choix de la prudence : évitant une condamnation publique du IIIe Reich susceptible d'exciter la colère allemande, il avait entrepris une action humanitaire plutôt qu'une action diplomatique. "D’aucuns jugeront que l’attitude de Pie XII ne fut pas celle qu’on est en droit d’attendre d’un pape, qu’il aurait dû agir de telle façon, prononcer telle parole", notait sur Aleteia l'historien Frédéric Le Moal. "Mais on quitte là la salle d’étude pour entrer dans un prétoire. L’histoire est une science qui demande rigueur, recul et objectivité. Laissons donc les professionnels que sont les historiens faire leur métier. C’est ce qu’ils vont faire avec de nouveaux et précieux documents d’archives."
