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La leçon fiscale du Saint-Siège

Le dôme de la Basilique Saint-Pierre, au Vatican.

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Jean-Baptiste Noé - publié le 06/03/25
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Comme tous les États, le Saint-Siège a des dépenses de fonctionnement et donc des ressources. Mais à l’inverse des autres États, explique le docteur en histoire économique Jean-Baptiste Noé, ses capacités fiscales sont plus que limitées, ce qui le contraint à des solutions innovantes pour lever l’impôt. Une leçon de fiscalité.

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Le propre d’un État est d’avoir des dépenses de fonctionnement pour payer ses salariés, ses structures et son fonctionnement. Pour couvrir ses dépenses, l’État dispose de trois leviers : des ressources propres (immobilier, obligations, participation dans des entreprises), impôt et dette (qui est un impôt différé). Le Saint-Siège étant lui-même un État, avec une juridiction sur un territoire (le Vatican) et des dépenses de fonctionnement, il doit donc, comme les autres, trouver des ressources. Ces ressources servent notamment à financer l’action diplomatique, les fonctionnaires du Vatican et des activités missionnaires.

Or, la particularité de cet État est de disposer d’un nombre de citoyens et d’habitants extrêmement réduit. Sauf exception, la citoyenneté vaticane est provisoire et n’est accordée qu’à certaines personnes qui travaillent pour le Saint-Siège, essentiellement pour des questions de protection juridique. Le Saint-Siège dispose donc d’une très faible assiette possible pour lever l’impôt et on le voit mal ponctionner les religieuses et les prêtres qui travaillent en ses murs. Il lui faut donc trouver d’autres solutions de financement.

Gestion du parc immobilier

Le premier levier est la gestion du nombreux parc immobilier, à Rome et en Italie, souvent issu de donation. Les loyers perçus sont un moyen de financer les activités du Saint-Siège. C’est là l’un des gros travaux du pontificat de François, qui a veillé à clarifier et à rationaliser la gestion du parc immobilier tant celle-ci était pour le moins défaillante. Bien souvent, le Saint-Siège ne connaissait pas toujours la nature exacte des biens qu’il possédait et, quand c’était le cas, les immeubles ne donnaient pas la rentabilité normale d’un immeuble romain. La commission des affaires économiques, que le pape a créée peu de temps après son élection, et la réorganisation de l’IOR ont contribué à améliorer cette gestion.

En 2023, l'agence VaticanNews indique que l’Administration du patrimoine du siège apostolique (APSA) a réalisé un bénéfice de 45,9 millions d'euros et contribué à hauteur de 37,9 millions d'euros aux dépenses de fonctionnement de la Curie.

Contrôle des coûts

L’autre levier d’une bonne gestion financière est celui du contrôle des coûts, donc de limiter les dépenses. En 2022 (dernière année de publication publique des comptes), le budget du Saint-Siège s’élevait à 1,1 milliard d’euros, avec des comptes presque à l’équilibre, puisque le déficit atteignait 3 millions d’euros. Un modèle pour de nombreux États européens englués dans la dette.

C’est ici que le Saint-Siège donne une leçon fiscale, puisqu’il développe comme ressources principales le don et donc l’impôt volontaire.

La ressource principale du Saint-Siège est celle des dons, qui proviennent des fidèles et des diocèses du monde. Depuis 2020, ces dons sont en baisse, ce qui a contraint le Saint-Siège à baisser ses dépenses et donc à réduire le nombre de personnels afin de maintenir l’équilibre. Plus récemment, avant d’être hospitalisé, le pape a créé un organe de recherche de fonds afin de financer les dépenses. Cette nouvelle commission, informe VaticanNews, dépend directement du pape et a pour mission "d’encourager les dons par le biais de campagnes spéciales auprès des fidèles, des conférences épiscopales et d’autres bienfaiteurs potentiels".

Une leçon fiscale

C’est ici que le Saint-Siège donne une leçon fiscale, puisqu’il développe comme ressources principales le don et donc l’impôt volontaire. C’est un argument qui agite de nombreux penseurs de la philosophie de l’impôt : celui-ci n’est pas contraint, mais volontaire, c'est-à-dire que les citoyens donnent librement une partie de leurs biens pour financer les dépenses de l’État. Si l’on voit mal ce système appliqué en France à grande échelle, c’est ce qui existe néanmoins avec des mesures type "loto du patrimoine", ainsi qu’avec les dons défiscalisés réalisés aux associations. Or, si ce système est marginal dans les grands États, c’est la ressource principale du Saint-Siège, dont le financement repose donc essentiellement sur ce type d’impôt volontaire. Les dons viennent des diocèses (les États-Unis et l’Allemagne étant les deux pays qui financent le plus), comme des particuliers.

En créant cette commission, le Pape veut renforcer la collecte des dons. Ce que l’on peut appeler du mécénat. Un système de plus en plus développé dans le monde catholique français qui se structure pour collecter des dons pour financer des actions éducatives ou humanitaires. C’est ce que le Saint-Siège va tenter de développer à grande échelle. C’est donc une fiscalité qui repose sur l’adhésion, ce qui oblige à la transparence des comptes et des dépenses. Et qui conduit à la responsabilisation, chaque catholique comprenant que l’Église ne peut pas mener ses missions sans soutien financier. Vérité des comptes, confiance et responsabilité, subsidiarité dans les taches menées, ce sont là de grands principes de la doctrine sociale de l’Église que le Saint-Siège donne comme leçon en réorganisant sa fiscalité.

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