Campagne de Carême 2025
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La précédente avait démissionné avec fracas en mars 2024. Une nouvelle commission historique sur les Foyers de charité a été nommée en janvier. Elle doit rendre d’ici la fin 2026 un rapport aux délégués généraux nommés par Rome il y a un an après la démission de Mgr Dubost. Après viendra le temps des décisions, qui reviendront au Dicastère pour les laïcs, la famille et la vie (DLFV). Voici déjà un état des lieux pour comprendre ce qui a déjà été fait et ce qui reste à faire pour réformer cette œuvre fondée par Marthe Robin et le père Georges Finet en 1936.
Quels sont les problèmes à régler ?
En 2018, les Foyers de charité rendent publiques plusieurs accusations d’abus de la part du prêtre fondateur du foyer de Tressaint décédé en 2018. Il y en a eu de nombreuses autres depuis, dont certaines contre le cofondateur, le père Finet. À Rome, le DLFV qui est chargé de cette œuvre fait aussi le constat de dysfonctionnements dans son gouvernement. Les différentes décisions prises depuis ont donc pour but de faire la vérité sur le passé et celui des fondateurs, et les abus, de réformer les Foyers et d’évaluer la possibilité d’un futur pour l’œuvre et ses membres, environ 900 à ce jour sur quatre continents. Au fond, le Saint-Siège fait un audit complet en vue de décisions en dessaisissant les Foyers de leur propre gouvernance. "Une opération de vérité" explique Laurent Landete, co-délégué pontifical qui évoque, plus concrètement, les défauts de formation théologique, une difficulté à articuler les différents états de vie, la place prépondérante du prêtre ou le manque d’attention au droit du travail dans les Foyers, qui a d’ailleurs conduit l’œuvre aux prud’hommes.
Quelle est la mission de chacun aujourd’hui ?
Depuis février 2024, deux délégués pontificaux ont été nommés par le DLFV : sœur Christine Foulon, religieuse assomptionniste ; Laurent Landete, directeur du Collège des Bernardins, consulteur du Dicastère et ancien modérateur de la communauté de l’Emmanuel. Leur rôle est de donner les orientations, de présider les conseils, de rendre compte au cardinal Farrell, préfet du DLFV. En septembre 2024, ils ont nommé Bruno Durieux, général à la retraite, directeur des Foyers. C’est lui qui met en œuvre les décisions. À côté, une commission "Indépendante d’Étude Pluridisciplinaire" a été mise en place le 9 janvier 2025. Elle est composée de Florian Michel et Christian Sorrel, historiens, Guillaume Drago, professeur de droit public, Isabelle Jonveaux, Pascal Thuillier, théologien et supérieur du Séminaire des Carmes de l’Institut catholique de Paris et Laurent Lemoine, théologien et psychanalyste. Le premier a déjà travaillé pour le rapport sur Jean Vanier. La commission a pour objet de mener l’enquête, d’interroger les témoins et les archives historiques pour faire toute la lumière sur le passé. Elle est "parfaitement indépendante" d’après Laurent Landete, et bénéficie des moyens financiers des Foyers sans avoir de contact opérationnel.
Pourquoi cette valse de délégués et d’enquêteurs ?
Nommé en 2022 comme délégué pontifical auprès des Foyers, le cardinal Jean-Pierre Ricard, archevêque émérite de Bordeaux démissionne un mois plus tard. La raison n’est connue qu’en novembre de la même année : il est lui-même accusé d’agression sexuelle sur mineure. Mgr Dubost est donc nommé, après avoir assuré des intérims à Lyon et à Cayenne dans des contextes délicats. Auprès de lui, deux vices délégués qui deviennent délégués de plein exercice en février 2024 quand l’évêque émérite d’Évry démissionne à son tour, à cause de désaccords sur le fond et la méthode, notamment pour des signalements à la justice d’abus parvenus à la connaissance de Christine Foulon et Laurent Landete. "Nous n’étions pas en phase sur la conduite à tenir" résume celui-ci. C’est Mgr Dubost qui avait nommé la première commission d’étude, en 2023, sans concertation. Elle avait les mêmes attributions que la nouvelle, mais les désaccords avec les deux nouveaux délégués ont conduit à la démission de tous ses membres en mars 2024.
Quand le rapport de la commission doit-il être rendu et quelles sont les décisions possibles ?
Attendu à la fin de l’année 2026, le rapport de la commission permettra au DLFV de prendre des décisions quant à l’avenir des Foyers et de leurs membres. Cela dit, la restructuration a déjà commencé, tout comme le travail des statuts. "Tout est possible, avertit Laurent Landete, mais nous n’en sommes pas là, nous faisons tout pour éviter ça et donner une chance à l’avenir en faisant la vérité sur la fondation, l’organisation, l’ecclésiologie". D’ici quelques jours, une "grande démarche synodale" va s’ouvrir dans les Foyers du monde entier. Les sujets de discussion ? La formation, les vocations, le charisme, la vie consacrée. Le tout pour aboutir à une réflexion sur le gouvernement et, en particulier, la place du "père" (le prêtre) et son équilibre avec celle des laïcs. Après un niveau local, la démarche donnera lieu à une assemblée synodale chargée d’écrire des statuts proposés au Saint-Siège.
Et Marthe Robin dans tout ça ?
Marthe Robin, connue pour les phénomènes surnaturels qu’elle aurait vécus, a été reconnue vénérable par Rome en 2014. Depuis, la cause de béatification est en pause. En 2020, le père carme Conrad de Meester, qui a travaillé sur Marthe Robin pour le Saint-Siège, dénonce une "fraude mystique" dans un livre éponyme qui fait grand bruit. L’année d’après, dans Marthe Robin. Le Verdict (Cerf), l’historien spécialiste des phénomènes surnaturels Joachim Bouflet livre son analyse. S’il partage une part des conclusions du père de Meester et pense que Marthe Robin n’est pas une mystique, il rappelle que les imperfections font aussi partie de la vie des saints et que l’on ne canonise pas des événements surnaturels mais la personne qui vit ses souffrances avec le Christ. Le cas de Marthe Robin est en fait prisonnier du goût pour le sensationnel et d’une instrumentalisation idéologique : s’opposer à elle serait contester sa place dans le renouveau de l’Église de France. Le travail de la commission d’étude permettra de faire la vérité et le Saint-Siège jugera, ou non. "Il ne faut pas avoir peur" conclut Laurent Landete.