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Drame de la PMA : “Ils sont partis avec mon fils”

hand of newborn baby
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Blanche Streb - publié le 03/03/25
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Les prouesses techniques de procréation artificielle ont fait de l’enfant un produit, échangeable en cas d’erreur. Notre chroniqueuse Blanche Streb, auteur de "Bébés sur mesure" (Artège), raconte une histoire dramatique qui confirme l’absurdité tragique de la course au droit à l’enfant.

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Il s’agit d’une tragédie moderne. Un vrai drame de la technique, inimaginable avant que n’existent la fécondation in vitro (FIV) et la congélation des embryons. Une jeune américaine a été contrainte par une décision judiciaire de "rendre" son bébé âgé de 5 mois. Pourquoi ? Parce qu’il s’est avéré — a posteriori — que cet enfant qu’elle a porté et mis au monde était un embryon issu d’un autre couple. La jeune femme vient d’annoncer intenter une action en justice contre la clinique de procréation en faute. Elle a confié sa détresse, aux côtés de son avocat, dans une conférence de presse qui s’est tenue le 18 février dernier. Elle y témoigne des "irréparables dommages causés à son âme" par cette situation "qui l’a brisée, physiquement et émotionnellement".

L’évidence d’une erreur

Krystena vit en Géorgie, à Savannah. À l’âge de 38 ans, elle a décidé d’avoir recours à un donneur de sperme anonyme pour avoir un enfant. Elle prend contact avec une clinique de procréation artificielle. Puisqu’elle est blanche, blonde aux yeux bleus, elle choisit un donneur qui lui ressemble, à savoir un homme blanc aux cheveux blonds. Des embryons sont conçus par fécondation in vitro. En mai 2023, un transfert est réalisé. Krystena tombe enceinte et accouche, à la fin de l’année, d’un petit garçon en parfaite santé. Mais elle comprend immédiatement que quelque chose ne tourne pas rond. Son bébé est noir, d’origine afro-américaine. L’évidence qu’une erreur a eue lieu et la peur la saisissent instantanément. Malgré ses inquiétudes, la jeune accouchée tombe en amour pour son bébé avec qui elle vient de vivre ses neuf derniers mois dans une relation charnelle, corporelle, psychologique, émotionnelle unique.

Elle rentre chez elle et démarre sa nouvelle vie avec lui. Mais l’angoisse que son bébé lui soit enlevé ne la quitte pas. Dès que l’on sonne à la porte, elle tremble. Elle comprend alors qu’il n’est pas possible de rester comme ça, sans savoir. Quel embryon a-t-elle reçu ? Que sont devenus ses propres embryons ? Au bout d’un mois, elle se résout à reprendre contact avec la clinique. Deux mois plus tard, le scénario tant redouté se scelle, confirmé par des tests ADN : "Son enfant n’est pas son enfant." Que ces mots me semblent incongrus à écrire. Vous comprendrez aisément que je les mette entre guillemets. L’embryon qu’elle a reçu et porté émane bien d’un autre couple.

"Ils sont partis avec mon fils"

Les parents biologiques, identifiés et contactés par la clinique, intentent sans tarder une action en justice pour obtenir la garde du petit bébé. Il est vite mentionné à Krystena que quoi qu’elle fasse, elle n’a aucune chance de pouvoir le garder. Elle décide alors de remettre l’enfant au couple, pour éviter une longue et inutile bataille juridique qui ne servirait qu’à rendre la situation plus difficile encore pour son bébé. Comment ne pas repenser au fameux jugement de Salomon ?

C’est ainsi que le petit garçon, alors âgé de 5 mois, est passé des bras de sa mère (difficile de l’appeler autrement !), qu’il n’a pas revue depuis, à ceux de ses parents biologiques, qu’il n’avait jamais vus. "Je suis entrée en tant que mère avec un enfant qui m’aimait, qui était à moi et qui était attaché à moi, et je suis sortie du bâtiment avec une poussette vide, et ils sont partis avec mon fils", a confié Krystena. Il s’agit d’une séparation dont il est difficile d’imaginer le traumatisme, la déflagration qu’elle a produit, tant chez la jeune maman que chez l’enfant.

En France, 15 erreurs en sept ans

Comment en est-on arrivé là ? Comme dans tout domaine, le risque zéro n’existe pas. Les erreurs et accidents dans les parcours de PMA ne sont pas si rares que cela. Il faut s’imaginer ces millions d’embryons et de gamètes, cryoconservés dans l’azote liquide, dans de minuscules paillettes, dans des centaines de cliniques dans le monde entier… En 2021, rapporte le Figaro, deux couples californiens qui ont chacun passé plusieurs mois à élever leurs enfants, ont découvert qu’une inversion de leurs embryons s’était produite avant les grossesses, et ont fini par décider de "s’échanger" leurs bébés. En France, en 2014, on recensait une quinzaine d’erreurs sur les sept dernières années. Lorsque des erreurs d’échange d’embryon ou de sperme sont découvertes avant la naissance, les équipes médicales proposent aux couples d’avorter. Il semble que cette funeste issue soit souvent retenue. Il est notable d’entendre que des couples — pourtant engagés dans le parcours du combattant de la PMA, au succès limité, et qui espèrent plus que tout un enfant — choisissent d’interrompre sa vie. Cela en dit long.

En seulement quelques années, nous sommes passés de la vie donnée à la vie fabriquée. De la vie reçue à la vie produite. De la tentation de résoudre artificiellement la douloureuse réalité de l’infertilité aux injonctions du désir d’enfant devenu tout-puissant et illimité. Cela ne pouvait pas rester sans conséquences profondes sur les mentalités, car la technique n’est jamais neutre. Les techniques de procréation artificielle ont progressivement transformé le regard de nos sociétés modernes sur le désir d’enfant, sur le "projet parental", sur l’embryon, la filiation, la grossesse… On a même inventé la notion de "parents d’intention"…  Plus besoin d’être deux pour enfanter. L’enfant est devenu un droit. Les gamètes se vendent, s’achètent. Tous n’ont pas le même prix… Nous sommes dans l’ère du "bébé Amazon". On peut commander des ovocytes sur catalogue dans un pays, sélectionner un donneur de sperme dans un autre, réserver une mère porteuse encore ailleurs… et même refuser le produit final, s’il ne convient pas.

L’embryon chosifié

Finalement, l’embryon, entre nos mains, s’est petit à petit "chosifié" sous nos yeux. Regardons la gestation pour autrui, devenue un immense marché mondialisé. Que veut nous faire croire cette pratique ? Que peu importe la femme qui porte l’enfant et le met monde, il "appartient" à ceux qui l’ont commandé. Ce qui compte, c’est l’intention, éventuellement la génétique, si les commanditaires lui sont reliés. Si la garde était visiblement perdue d’avance pour Krystena, c’est peut-être en raison de cette toute-puissance accordée au lien génétique. Pourtant, d’un autre côté, que dit-on aux femmes et aux couples qui ont recours au don d’embryon, ou au don d’ovocyte ? Rien de moins que l’inverse… Qu’importe la génétique, ce qui compte, c’est l’expérience de la grossesse…

Qui est la mère ?

Que nous disent les réactions des parents ? Les parents biologiques du petit garçon ont souhaité "récupérer" leur enfant, alors même qu’ils ignoraient son existence. Cela démontre, s’il le fallait encore, que le lien génétique, sans être "le tout" de la filiation, ne compte pas pour rien. Ils considèrent cet enfant — issu d’eux, conçu par la technique hors de leurs corps — comme "le leur".

Pour autant, la simple idée que Krystena et son bébé soient durablement séparés est déchirante. Elle l’a attendu, porté, mis au monde. Elle l’a allaité, s’est occupée de lui pendant plusieurs mois. La découverte qu’aucun lien génétique ne les relie ne fait pas disparaître ceux nés de la réalité du vécu. Les séparer semble inhumain. "Je l’ai élevé, je l’ai aimé. Je ne le voyais pas différemment que s’il était le mien, mon propre embryon. Cet enfant n’est pas lié génétiquement à moi. Il n’a pas mon sang. Il n’a pas mes yeux. Mais il sera toujours mon fils. Toute ma vie, je me demanderai quelle personne il est devenu." Qui est la mère ? Même si la question semble vertigineuse ici, dire de Krystena qu’elle ne l’est pas, sonne totalement faux. Elle l’est, au regard du réel de la grossesse et de la relation qui s’est tissée, entre elle et son bébé, à mesure que prenait corps, dans le secret de sa chair et de son cœur, cette nouvelle petite vie.

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