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Attentat de la basilique de Nice : le contraste entre les témoignages des fidèles et l’assaillant

Ce croquis judiciaire réalisé le 10 février 2025 montre Brahim Aouissaoui lors de son procès. Il est accusé d'avoir poignardé à mort trois personnes dans une église de Nice en 2020.

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Cécile Thévenin - publié le 03/03/25
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Le Tunisien radicalisé qui a tué le 29 octobre 2020 trois fidèles de la basilique Notre-Dame de l’Assomption de Nice, condamné fin février 2025 à la perpétuité incompressible, a annoncé début mars faire appel. Retour sur ce premier procès d’une matière particulière – le terrorisme- qui a éclairé les circonstances de l’assassinat de ces catholiques mais aussi leur vie lumineuse, alors que le tueur, scruté à la barre, gardait jalousement ses mobiles.

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Condamné fin février à la réclusion criminelle à perpétuité assortie d'une période de sûreté incompressible, le Tunisien Brahim Aouissaoui, auteur de l'attentat de la basilique de Nice qui a fait trois victimes le 29 octobre 2020, a fait appel de sa condamnation début mars. Une condamnation pourtant mûrement réfléchie après les témoignages entendus tout au long du procès qui s’est tenu du 10 au 28 février.

Le procès a d’abord établi précisément le déroulé de l’attentat. De bon matin, le sacristain Vincent Loquès vient ouvrir, avec la ponctualité dont il a toujours fait preuve, la grande église dont il est le visage et le gardien. Très dévoué, il en sort peu après, téléphone à l’oreille, pour régler une commande de cierges. Nadine Devillers se rend dans cette église qu’elle aime et où elle va souvent, pour prier avant ses rendez-vous du jour. Brahim Aouissaoui, après des prières à la mosquée adjacente qu’il fréquente depuis son arrivée express illégale en France, à partir de Lampedusa, s’engouffre dans la basilique, muni de trois couteaux et d’un coran annoté. Il avait fait six repérages en deux jours autour de la basilique Notre-Dame de l’Assomption de Nice. Il attend que Nadine soit seule, après le départ du sacristain, pour l’attaquer par derrière, alors que celle-ci s’est installée à l’avant-dernier rang pour se recueillir. Elle se défend, son sang coule sur le bénitier et les piliers. Simone Barreto Silva, sportive mère de famille brésilienne, alertée par une femme affolée qui a vu le corps de Nadine, décide d’entrer voir si elle peut aider, malgré le risque.

Le terroriste l’attaque à son tour. Comme Nadine, elle se défend ; les traces de sang couvrant l’autel « où officie le prêtre » et les murs, ou le crucifix renversé, rappellent ce combat sans témoins. Le sacristain Vincent Loquès, prévenu qu’une personne a un problème, interrompt le café qu’il prenait avec son ami pour retourner dans sa basilique. Il est habitué à aider ; souvent des SDF à problèmes entrent dans l’édifice. Une femme crie, c’est Simone Barreto Silva, il accourt dans sa direction. Alors, le terroriste quitte Simone, qui sort donner l’alerte dans un café où elle meurt une heure plus tard de ses blessures, pour poursuivre Vincent qu’il égorge à mort. La famille ou les amis des décédés, assistant jusqu’à l’éprouvante reconstitution des faits, montrent, par leur présence continue au procès cinq ans après malgré la distance depuis Nice, de quel amour ils étaient entourés.

Violence rituelle du tueur

En lui infligeant la rarissime peine maximale pour ses crimes, c’est-à-dire la prison à perpétuité incompressible, la cour, exclusivement composée de juges professionnels, a d’abord reconnu l’extraordinaire violence de l’acte et la cruauté inouïe de son auteur. Usant de son meilleur couteau, à la lame de 17 centimètres, pour attaquer, il a en une poignée de minutes infligé une soixante de coups aux victimes, qui ont dû se battre pour leur vie et se sont senties mourir, à sa grande jouissance. Sa détermination est trahie par la nature des gestes – deux victimes sont quasi décapitées, et on pense qu’il est revenu sur Nadine, déjà morte, pour finir de trancher sa tête.

Son regard noir, sa force décuplée, son acharnement dans la volonté d’abîmer les corps et d’attaquer à tout va ont choqué témoins et primo-intervenants - forces de l’ordre, pompiers et soignants - confrontés aux tueurs ou aux victimes. À tel point que le parquet, désigné pour représenter les intérêts de la société, a choqué par sa réticence à reconnaître leur statut de victimes – à travers la constitution de partie civile – d’un grand nombre d’entre eux.

Le procès a établi que l’assassin avait réservé sa menace à l’intérieur de l’église. Maître Régis Bergonzi, défendant des membres de la famille de Simone, a fait préciser à un commerçant, pour cela reconnu de tentative d’assassinat in fine, que le djihadiste, brandissant du couteau sanglant, n’attendait plus que son entrée dans la basilique pour l’attaquer : c’est bien leur présence dans l’église qui a actionné la main du tueur, qui aurait eu autant de facilité, ont noté des avocats, à semer la mort dans la Fnac attenante ou l’espace public. Sa radicalisation salafiste et son passif de violence - il a fait de la prison en Tunisie pour avoir lacéré le visage d’un homme suite à un différend – présageaient chez ce migrant d’un exceptionnel potentiel de dangerosité. Mais pourquoi avoir visé une église, lui qui haïssait la France, la qualifiant avant d’y débarquer de « pays des mécréants et des chiens », et s’indignait de la republication des caricatures de Mahomet, possédant dans son téléphone la photo de l’assassin de Samuel Paty ? En première explication, l’enquêtrice cite le fait que la France est « fille aînée de l’Église » et le reproche “aux chrétiens du dogme de la « Sainte Trinité »”.

L’enfermement de l’assassin survivant

Fait singulier, puisque les djihadistes, imaginant ainsi gagner un paradis comme combattant, cherchent à se faire tuer par les forces de l’ordre à l’issue de leur périple, Brahim Aouissaoui a pu être jugé : les policiers municipaux qu’il tentait de tuer aux cris d’Allah Akbar sont parvenus à le blesser puis l’interpeller. Malgré sa stratégie d’amnésie, maintenue durant des années mais démontée par les experts, la parole du Tunisien, chevelure épaisse et marmonnant des prières dans son box, était espérée. À travers de patients interrogatoires, menés en arabe avec un interprète, il s’est révélé aux audiences plus loquace que prévu, revenant sur son enfance en Tunisie jusqu’aux faits qu’il a fini par reconnaître à la surprise générale. Selon Le Figaro, un codétenu aurait recueilli les confidences qu’ "il était tout fier de m’expliquer que c’était lui et qu’il a tué un prêtre et des femmes", se vantant d’avoir en ce sens "accompli une œuvre". Les rapports de prison mentionnés par la cour décrivaient effectivement son comportement agressif et sa vantardise. Il n’a manifesté aucune émotion aux témoignages déchirants des victimes, y compris de l’adolescent brésilien ayant perdu sa mère. À la barre, il justifie le fait de tuer des innocents dans une église par la défense des musulmans, passant de l’arabe tunisien à l’arabe coranique pour se légitimer. Notant sa dangerosité "demeurée intacte" qui ne manque que l’opportunité pour se déployer, y compris contre les agents pénitentiaires, tel un possédé enfermé dans sa haine, la cour n’a pu déceler en lui aucune volonté d’amendement ouvrant la possibilité d’un aménagement de peine.

Les motifs enfouis contre "eux"

Le parquet s’est ému dans son réquisitoire de cette barbarie commise dans un lieu « sacralisé », avec ce contraste absolu entre une femme qui se recueille dans l’intimité de la prière avec son Dieu et la violence contre elle qui surgit. In fine, il conclut que les victimes ont été « tuées en haine de la France ». Si le parquet a regretté à juste titre le manque de coopération de la Tunisie, qui a empêché de traduire devant la justice d’autres qu’Aouissaoui et d’éclairer la préparation de son crime depuis sa Tunisie natale, entrant plein de haine et avec une facilité déconcertante en France, ce manque de spécification surprend. La cour n’a finalement pas retenu les circonstances aggravantes du ciblage en raison de la religion. Elle se prévaut d’un argument d’abord juridique, puisque l’accusé encourait déjà la peine maximale. Pourtant, l’Église, par la voix des avocats de l’institution, arguait de sa pertinence dans le cas d’espèce.

Même si l’Église est pleinement reconnue partie civile et a témoigné par la voix de Mgr Moulins Beaufort ou du porte-parole de la Conférence des évêques de France, le procès n’a pas bénéficié, contrairement au procès Jacques Hamel, de la présence de l’évêque du lieu. Pendant l’interrogatoire, la principale conjecture creusée est qu’il s’agissait peut-être pour lui d’éviter de tuer des musulmans – celui-ci répondant tout de même à la question simple du président s’il savait qu’une église est fréquentée par des chrétiens : "Cela va de soi". La cour a cependant bien retenu la "volonté de cibler un lieu de culte chrétien" et inscrit l’attentat dans un contexte particulier avec les "chrétiens de France et leurs églises visés à plusieurs reprises", mentionnant Saint-Étienne du Rouvray, ou les tentatives ratées à Villejuif ou Notre-Dame de Paris. Si elle est capable d’employer l’expression consacrée par l’usage de volonté d’une "mort en martyr" de la part du terroriste, habituée qu’elle est d’islamistes adoptant cette terminologie, pourquoi ne parle-t-on pas avec la même évidence du martyre de Nadine, de Vincent et de Nadine ?

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