Campagne de Carême 2025
Ce contenu est gratuit, comme le sont tous nos articles.
Soutenez-nous par un don déductible de l'impôt sur le revenu et permettez-nous de continuer à toucher des millions de lecteurs.
Devant la frénésie qui rend les "grands" de ce monde, semblables à des ordinateurs guidés par les algorithmes de leur entourage, les poumons fatigués d’un pape souffrant nous rappellent que la vie ne se plie pas aux spasmes de nos pulsions mais qu’elle est communion à un mystère. Et qu’une bonne décision, pour qu’elle suscite l’approbation, ne peut tomber du ciel comme un missile ou comme la foudre. Il y a des temps dans l’histoire. Celui du pouvoir absolu semble révolu. Étrange réflexion à l’heure ou autocrates et tyrans semblent tenir le haut du pavé. Certes, cela n’empêche pas de publier des décrets, de signer des lois devant les caméras et d’invoquer même la bénédiction divine. Cela ne marche plus. Ou, plus sûrement, cela ne construit rien.
Parler en communion
Nous ne sommes plus au temps où le monarque seul, avec sa cour, pouvait prétendre être "celui qui sait" au milieu d’un peuple indigent et crédule. Désormais, avec les différences que la nature provoque, chacun est capable de lire, de chercher, et même de discerner. C’est bien parce qu’il comprend cela que le pouvoir politique recourt au référendum ou à des grandes consultations populaires. Mais cela ne suffit pas. Car demander l’avis des gens ne sert à rien si l’on continue à croire qu’un petit nombre "d’élus" est plus avisé que la foule des anonymes.
Ce que la synodalité montre de manière flagrante, c’est la prise au sérieux de ce que l’Église depuis toujours porte en elle, même si elle a pu mettre du temps à s’en rendre compte pleinement : chaque baptisé, s’il se met à l’écoute de l’Esprit, devient une voix qui compte pour les autres. Et ces voix assemblées donnent à celle de Dieu un écho inédit. Ce n’est plus un seul qui parle, mais tous en communion.
Une réforme prophétique
Il y a quelque chose de prophétique pour toute l’humanité. Le pape François a mis en place un mode de décision qui ne se fonde pas sur l’infaillibilité d’un seul élu, mais qui s’incarne à travers un peuple de prophètes. La réforme est de taille. Elle est même révolutionnaire : on quitte le temps du précipité et de l’annonce à tout prix pour se poser, écouter, réfléchir. On sort de ces éreintantes réunions où il faut toujours penser plus vite pour agir plus vite. On découvre un autre espace-temps, celui de la rencontre. On accepte le risque de considérer autrui comme capable de discerner. La religion de l’incarnation rappelle au monde qu’il n’est pas hors limites.
Je ne sais comment cette méthode peut se traduire d’une manière "laïque" dans les instances de gouvernance de nos sociétés au bord du burn out. Mais une chose est certaine, il y a là un enjeu essentiel pour notre santé mentale collective et pour le bien de tous, et d’abord de notre planète et des plus précaires dont les cris de souffrances et de désespoirs se mêlent et touchent le cœur de Dieu.
Un cœur qui bat
Il n’est pas anodin qu’aux tumultes des déclarations brouillonnes et de la violence des paroles des uns et des autres, ne répondent depuis la chambre de l’hôpital Gemelli, que le bip bip d’un cœur qui bat, d’une respiration qui se cherche. François a ouvert les yeux de l’Église, et par elle du monde, sur cette possibilité de marcher ensemble. Plutôt que de se courir après les uns les autres en abandonnant les plus fragiles, ceux qui ne peuvent plus suivre le rythme, la synodalité nous invite à redevenir non pas maîtres des horloges, mais libres devant le temps qui passe. Et d’y chercher ensemble la volonté de Dieu.
