Campagne de Carême 2025
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Une mélodie traditionnelle juive retentit. Une bougie s’allume. Elle est la seule source de lumière, la seule trace de couleur présente à l’écran. Et nous voyons cette flamme mourir peu à peu. Peut-être ne se rallumera-t-elle jamais, laissant l’obscurité dominer le monde.
En 1994 sort sur nos écrans La Liste de Schindler, long-métrage réalisé par Steven Spielberg. Le récit suit le personnage d’Oskar Schindler (interprété par Liam Neeson), industriel allemand et membre du parti nazi, qui sauva, durant la Seconde Guerre Mondiale, un millier de juifs de la déportation. Œuvre puissante, mais ô combien âpre et difficile qui n’épargne aucunement au spectateur la vision de la cruauté et de la violence exacerbée qui avaient libre cours dans le ghetto de Cracovie et dans le camp de concentration de Płaszów (Pologne). La lumière pourrait-elle venir de Schindler, personnage ambigu et insaisissable, qui ne semble n’avoir d’intérêt que pour sa fortune personnelle ? Dans ce climat de déshumanisation massive, le long-métrage vient sans cesse questionner la part d’humanité et d’empathie de ses personnages, à commencer par celle de son protagoniste. Oskar Schindler est rapidement caractérisé comme un homme qui use principalement de son argent pour organiser des soirées festives, et qui multiplie les conquêtes amoureuses en dépit de son épouse vivant loin de lui. Mais l’essentiel cherche toujours à se frayer une place dans le superficiel : Oskar, dans une confiance aveugle à son comptable, Itzhak Stern (interprété par Ben Kingsley), comprend peu à peu le rôle qu’il peut endosser et la part qu’il a à porter. Le personnage du général Goeth (incarné par Ralph Fiennes) interroge tout autant. La figure incarnée de la cruauté et du mal pourrait-elle être en réalité un homme qui ne fait qu'obéir à des ordres émanant de ses supérieurs ? Le personnage d’Oskar se questionne sur la part de bien dans tout homme, y compris dans celui qui déshumanise l’autre.
Quand la lumière jaillit des ténèbres
L’un des symboles emblématiques de La Liste de Schindler n’est autre que la petite fille au manteau rouge. Elle apparaît innocente au milieu de l’horreur, continuant son chemin à contre-courant, ne suivant pas les ordres donnés par les soldats nazis. Nous en venons même à nous poser la question de l’existence réelle de cette petite fille qui évolue sans que le réel ne puisse l’atteindre. Personne ne semble la remarquer, excepté Oskar Schindler. Son manteau rouge signe un changement dans l’esprit du protagoniste : cette couleur qui semblait avoir complètement laissée place au noir et blanc réapparaît de nouveau et naît dans le cœur d’Oskar, qui va désormais s’efforcer de la faire subsister. Le destin tragique de cette petite fille soulignera de manière claire l’étouffement de l’espoir voulu et opéré par les soldats du régime nazi. Et c’est l’un des grands enjeux du film qui se dessine ici : comment faire advenir et subsister la couleur quand elle apparaît dans le chaos, quitte à avancer à contre-courant. Le long-métrage marque également par la justesse de sa réalisation, et en particulier par son jeu de lumières et de choix de cadres. Lorsque Oskar négocie avec le commandant du camp d’Auschwitz, ce dernier apparaît le haut du visage complètement masqué par l’obscurité, comme si l’humanité avait laissé toute sa place aux ténèbres. La lumière, elle, reviendra dans le long-métrage lors de la célébration du Shabbat, dans la faible lueur d’une bougie, lorsque vient le temps de glorifier Dieu.

"Celui qui sauve une vie, sauve l'humanité tout entière". Cette phrase tirée du Talmud (texte fondamental du judaïsme rabbinique) résonne dans l’une des plus magistrales séquences du film. Oskar Schindler répète, rongé par la culpabilité de n’avoir pu accomplir davantage : "J’aurai pu en sauver plus" comme un cri désespéré marquant la fin de son combat. La Liste de Schindler, servi par la magnifique partition de John Williams, nous bouleverse en nous contant le récit d’un homme qui, usant de ses biens matériels, agit pour un plus grand bien, et de ces survivants, avançant comme de fragiles lumières menacées par d’épaisses ténèbres.
Pratique
La Liste de Schindler, 1994
Réalisé par Steven Spielberg, avec Liam Neeson, Ben Kingsley et Ralph Fiennes.
3h15

