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Vivre dans le temps présent

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Benoist de Sinety - publié le 23/02/25
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Entre la vanité des promesses idéologiques et la tentation de fuir dans la satisfaction illusoire de ses désirs, la réponse chrétienne est de vivre dans le temps présent, souligne le père Benoist de Sinety, curé-doyen de la ville de Lille.

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"Il cherche à rétablir en Europe les valeurs chrétiennes d’hier" : la commentatrice de la chaîne info qui commente ainsi d’un ton badin les dernières déclarations du nouveau roi élu à Washington, sur cette Europe qui va à sa perte avec l’immigration incontrôlée, se doute-t-elle à cet instant qu’elle dit n’importe quoi ? En assimilant les valeurs chrétiennes à un durcissement des politiques migratoires ; en estimant implicitement que les béatitudes pourraient communier, ne fusse qu’un court instant, avec la loi du plus fort désormais promue en règle assumée pour les relations internationales comme à tous les autres niveaux, au nom du dieu "business" ; en faisant de promoteurs déviants d’une théologie "du succès" (directement inspirée de "l’Évangile de la Prospérité", que pratiquent des télé-évangélistes selon qui Dieu choisit de récompenser certaines personnes avec la richesse matérielle), les nouveaux héraults d’un Évangile où la bénédiction se manifeste en lingots d’or, dit-elle ce qui lui passe par la tête ou est-elle sincère ?

Saisir le présent

Il est vrai que dans un monde où l’on préfère ergoter sur les petites phrases politiciennes plutôt que de rechercher qui pourra tenir un discours responsable devant la crise du monde et appeler ainsi ses concitoyens à œuvrer ensemble — non comme un troupeau mais comme un peuple — oui, il est vrai qu’alors la question de la vérité et du mensonge, comme du bien et du mal, devient accessoire ou en tout cas articulée à l’unique impératif, la nécessité. Les mots "dictateurs", "démocratie", les chiffres cités, les paroles données, plus rien n’a d’importance. Le seul enjeu est : qu’est-ce qui m’est profitable ? 

C’est bien en effet dans ce "maintenant", cet "aujourd’hui" où Dieu veut nous saisir, nous embraser, nous aimer.

Dès lors, ne serait-il pas urgent pour les baptisés de pouvoir manifester que le présent, en Dieu, a l’épaisseur de la vie. Qu’il n’est pas le temps futile destiné à devenir l’exutoire de nos pulsions et l’accomplissement de nos désirs. Trop souvent nous ne considérons comme véritables que le passé, chargé de nos souvenirs tristes ou gais, et le futur, plus flou mais empli de nos rêves et de nos attentes. Le présent, lui, n’est que le compagnon fugace où s’exprime le tumulte du quotidien, bousculé, chahuté, souvent irréfléchi. Faute de pouvoir le saisir, incapables de le maîtriser, nous nous y abandonnons à condition qu’il nous donne du plaisir faute de quoi nous sombrons dans la colère ou la révolte.

Une autre compréhension du temps invisible

Mais la révélation judéo-chrétienne nous ouvre à une autre compréhension de ce temps invisible en nous portant l’annonce qu’il est celui de la rencontre avec le Créateur. C’est bien en effet dans ce "maintenant", cet "aujourd’hui" où Dieu veut nous saisir, nous embraser, nous aimer. Sa Présence éternelle vient donner à ce qui n’était rien, au plus fragile des temps — et au seul existant vraiment — l’épaisseur de sa miséricorde. Redonner au présent sa valeur. Car en nous y invitant, le Seigneur nous invite à y découvrir, dans ce présent, qu’il se donne, lui, à voir et approcher, à travers ceux qu’il situe sur notre chemin, par le monde où nous vivons, par le réel qui s’y exprime et non le virtuel qui veut nous en détourner. Les fameuses "valeurs" chrétiennes ne sont rien d’autre que ce que l’Évangile nous invite à vivre au temps présent dans cet appel qui nous est fait à rechercher le bien, et la justice sans laquelle la vérité ne peut se révéler. 

Retrouver le goût de l’autre

En acceptant que le présent se réduise à nos désirs et nos pulsions (de plus en plus planifiés par des algorithmes), nous empêchons Dieu de s’y révéler et de nous y révéler. Jean-Paul II parlait en son temps de "structures de péchés". Tellement puissantes de nos jours, elles parviennent à nous rendre étrangers à nous-mêmes en nous invitant avec malice à nous extirper de toute présence qui nous ferait risquer de retrouver le goût de l’autre et par-là même celui de Dieu.

Il ne peut pas en être ainsi pour ceux qui ont mission de proclamer le salut en Jésus Christ. Peut-être nous faut-il apprendre ou réapprendre à nous extirper du tohubohu mondain pour descendre en nous-même et y entendre la voix du Seigneur résonner en nos cœurs. Cette voix qui nous dit avec force : "Aujourd’hui, il faut que j’aille demeurer dans ta maison !" (Lc 19, 8.) Cette voix qui murmure sans cesse cette prière : "Voici que je me tiens à la porte et que je frappe" (Ap 3,20). Peut-être nous faut-il apprendre ou réapprendre à prier ?

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