Ordination de Saint-Denis : “Ce sont les périphéries qui viennent vers nous”

L’ordination d’un évêque est un événement pour le diocèse concerné et ne sensibilise généralement pas toute l’Église de France. En accueillant son nouvel évêque, la basilique cathédrale de Saint-Denis a connu un véritable événement prophétique ce dimanche 16 février, qui donne un formidable signe d’espérance pour tous les catholiques de notre pays. La quarantaine d’évêques présents n’en revenait pas : une foule immense exprimant une telle foi dans son expression simple, populaire, joyeuse et recueillie. Un message pour tous les diocèses de France et pour notre pays dans son ensemble. Oui, il se passe de belles choses dans les "quartiers" et les chrétiens rayonnent par leur foi et le message de paix qu’ils adressent à tous. Et si c’était la chance de l’Église de France ?

La nomination de Mgr Étienne Guillet est une vraie première. Il n’est pas un ancien vicaire général, il n’a pas été directeur d’un grand séminaire, et s’il a des diplômes tout à fait édifiants, il n’est pas cependant auteur de livres savants, théologien ou professeur ultra-vénéré en affaires religieuses. La ligne de son CV qui compte le plus, qui le différencie de tous ses confrères évêques, la voici : il a été pendant neuf ans curé de Trappes, ville tristement célèbre pour avoir envoyé nombre de jeunes faire le djihad, ce qui n’a pas empêché la dynamique et le rayonnement de sa paroisse Saint-Georges. En effet, quel rôle important joue-t-elle ! Il suffit de rappeler le match de foot de mai dernier opposant amicalement chrétiens et musulmans : un symbole de la paix voulue par tous.

Ce nouvel évêque va ouvrir les yeux sur ce qui se passe dans les quartiers populaires avec la multiplication des catéchumènes, le nombre croissant de baptêmes qu’on y observe. Un exemple ? Ce curé de la paroisse Sainte-Jeanne d’Arc à Saint-Denis, qui a failli arriver en retard à la cérémonie d’ordination parce qu’il donnait le sacrement des malades à cinquante personnes lors de sa messe dominicale. Où trouve-t-on une telle dynamique dans les diocèses de France ?

Dans ces paroisses périphériques, les jeunes se retrouvent, se reconnaissent et tissent des liens forts comme l’a mis en évidence la nuit de la Cité Céleste, en décembre dernier, réunissant plus de 1 200 jeunes venus de toutes les cités d’Île-de-France. Les liens entre eux existent et vivent comme le montre ce dialogue entre un cérémoniaire de Trappes et son homologue de La Courneuve : "Tu nous le prêteras de temps en temps, notre Étienne ? — Tu as vu, nous l’avons bien accueilli !" Joie de ces quartiers dont on parle si mal, qui sont symbole de toutes les délinquances, mais qui cachent tant de belles initiatives et d’énergie.

Attention cependant à ne pas créer deux Églises ! celle de la France classique et celle des quartiers. Nous avons une chance à saisir aujourd’hui, en 2025, l’opportunité de créer des liens, des ponts entre deux France qui s’ignorent et même se méfient l’une de l’autre par ignorance ou pire par une méfiance entretenue par des médias en quête de sensationnel. Allez vers les périphéries ! nous dit le pape François, mais en réalité, ce sont les périphéries qui viennent vers nous. À la sortie de la cérémonie de Saint-Denis, Matthieu, curé d’une ville moyenne, s’adresse son confrère, curé du "9.3" : "Ma paroisse ne vit pas trop mal, mais c’est difficile de faire venir et de fidéliser les jeunes. — Viens chez moi, la moyenne d’âge est très basse. Tu sais, je suis certain que les jeunes engagés seront heureux de venir chez toi. Tu serais d’accord pour qu’ils viennent en mission dans ta paroisse ?" Cet échange de quelques instants va se transformer en un week-end d’évangélisation. Qui pourrait imaginer que des jeunes d’origine antillaise, congolaise, tamoule ou d’ailleurs dans le monde viennent annoncer Jésus dans une paroisse pluri-centenaire du cœur de la France ?

Et si ces missions étaient plus nombreuses ? Voilà une idée très concrète. Les premières expériences de ce genre ont montré que ces rencontres sont fructueuses, les visites-retour ont lieu pour la plus grande joie et la fierté des paroisses, qu’elles soient de la France profonde ou des cités. Ces "périphériques à l’envers", une opportunité pour créer des liens, faire voler en éclat les suspicions réciproques, les craintes, et vivre la joie de l’Évangile, quelle que soit l’origine et la culture des jeunes et moins jeunes qui aiment leur paroisse et leurs prêtres.

Mgr Étienne Guillet, vous qui avez été l’aumônier de la Fraternité missionnaire des Cités et en restez si proche, vous avez une très lourde tâche dans votre diocèse. Nos prières vous accompagnent et vous le savez. Vous aurez aussi la joie d’aider vos confrères évêques en leur proposant de créer ces ponts pour une Église de rencontre, de paix et d’amitié.