Campagne de Carême 2025
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Adrian est kayakiste. C’est actuellement l’été en Patagonie, mais la température de l’eau dépasse rarement les 10 degrés. Le détroit de Magellan est réputé pour être un lieu privilégié d’observation des baleines à bosse. Entre deux coups de pagaie, le père et le fils naviguent chacun sur leurs embarcations. Soudain Adrian est englouti par une bouche immense qui sort de l’eau et avale l’homme et le kayak. Avant de les recracher l’un et l’autre quelques secondes plus tard. Le cétacé s’éloigne et le jeune homme, traumatisé, ressort indemne de l’aventure. "J’ai pensé que la baleine m’avait mangé et quand elle m’a recraché et que je me suis mis à flotter, c’est là que j’ai eu vraiment peur" témoigne-t-il dans une vidéo qui a fait le tour du monde.
Cet anonyme qui cherche à tâtons
Le Jonas chilien, dans sa mésaventure heureusement sans gravité, donnera-t-il l’envie d’ouvrir ou de redécouvrir le livre de ce petit prophète, héros d’une parabole cité par Jésus lui-même ? Cet anonyme absolu qui ne cesse de trébucher et d’avancer à tâtons, poursuivant ce Dieu mystérieux qui veut se révéler à lui et qu’il a du mal à supporter de découvrir, débordant tout ce qu’il veut en connaître. Ce prophète d’une humanité qui aimerait bien se reposer dans le confort de ses certitudes et de son assurance, mais qui mesure alors que le souffle de vie qui anime l’existence ne peut jamais se mettre sur "pause". Ce Juif qui redoute le païen et qui se trouve contraint d’admettre que nul n’est trop loin pour Dieu. Jonas est un peu tout cela et autre chose encore. Il est la "figure" par excellence, lui, le héros d’un des plus courts livres de la Bible. Héros, qui plus est, dont l’existence réelle est la moins certaine.
Lui qui demeura "dans les entrailles du poisson trois jours et trois nuits" priait ainsi : "Dans ma détresse je crie vers le Seigneur, et lui me répond [...]. Les eaux m’ont assailli jusqu’à l’âme, l’abîme m’a cerné [...]. Quand mon âme en moi défaillait, je me souvins du Seigneur ; et ma prière parvint jusqu’à toi" (Jon, 2). Et le poisson rejeta Jonas sur la terre ferme. Le ventre du monstre marin était devenu le tombeau de ses désillusions, la matrice d’une renaissance.
Le cachot de Jeanne
D’une tout autre manière, n’en fut-il pas ainsi du cachot de la Pucelle d’Orléans ? Une magnifique mise en scène du Procès de Jeanne, qui après un grand succès parisien, débute prochainement une tournée en régions, nous donne d’entendre les minutes de ce procès, dans une langue magnifique. Le travail d’Yves Beaunesne, le metteur en scène, et de Marion Bernède qui en rédige le livret, offre à la comédienne Judith Chemla la possibilité d’exprimer tout son talent et bouleverse les cœurs. Dans son cachot, dans la peur de la mort qui rôde, dans les effrois intérieurs devant le chemin qui se dessine, dans cette découverte frissonnante d’un Dieu qui dépasse ô combien ! ce qu’elle en comprenait, Jeanne s’ouvre à la Vie. Jusqu’à son dernier cri, qui vrille les âmes, qui jaillit au milieu des fumées du bûcher, lumineux, cristallin, magnifiquement enfantin : "Jésus !"
Il faut faire l’expérience d’une profonde détresse pour entendre une voix que nous atténuons dans le quotidien par l’agitation de nos vies. Non qu’il faille rechercher la souffrance comme certains apprentis sorciers le recommandent parfois. Mais bien plutôt, croire avec assurance que dans cette souffrance, dans cette déréliction, nous est donnée la possibilité d’entendre et de comprendre qu’il est bien là, tout près, fidèle et éternel, Celui dont le nom signifie "Le Seigneur sauve". Qu’il résiste à nos trahisons comme à nos colères et, patient et doux, ne cesse de nous inviter à contempler nos frères comme lui les regarde. Ainsi en est-il pour Jonas, ainsi peut-il en être pour chacun de nous, kayakistes fragiles sur des mers profondes, ou parfois dans les ténèbres de nos nuits intérieures, invités à croire qu’aucune gueule ne peut nous engloutir et que la victoire, au terme, est toujours certaine.
Pratique :
