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[HOMÉLIE] “Heureux, malheureux”: chacun peut se reconnaître dans les Béatitudes

Le sermon des Béatitudes, par James Tissot, Brooklyn Museum

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Matthieu Ricquier-Didio - publié le 15/02/25
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Le frère Matthieu, chanoine prémontré de l’abbaye de Mondaye (Calvados), commente l’évangile des Béatitudes du 6e dimanche du temps ordinaire. En figure de proue des béatitudes selon saint Luc, le pauvre est celui qui vit dans le manque, qui croit et qui espère.

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Nous avons l’habitude d’entendre les béatitudes, et nous nous en réjouissons un peu naïvement peut-être. Nous entendons plus souvent les béatitudes chez saint Matthieu que chez saint Luc, neuf béatitudes pour l’un et quatre pour le second, suivi de quatre malédictions ou, disons-le autrement, quatre béatitudes négatives ou béatitudes contraires. L’un fait prêcher Jésus du haut de la montagne, faisant souvent de ces béatitudes un passage dénommé le "Sermon sur la montagne". Ici, ce serait alors le sermon dans la plaine ? L’un organise la scène avec les disciples dans l’intimité, quand l’autre installe Jésus au milieu d’une foule à laquelle il s’adresse. Comme à nous aujourd’hui.

Un bonheur messianique

En s’adressant à la foule et à nous, il me semble que Jésus vient comme argumenter ce qu’il a proclamé lors de sa prise de parole dans la synagogue de Nazareth, reprenant la citation d’Isaïe : "L’esprit du Seigneur Dieu est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé annoncer la bonne nouvelle aux pauvres" (Is 61,1). Les béatitudes telles que Luc les évoque sont ce "bonheur messianique" depuis si longtemps annoncé, depuis si longtemps prophétisé et dont Élisabeth avait proclamé l’actualité alors qu’elle rencontrait sa cousine Marie : "Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur" (Lc 1,45).

Observez que la figure de proue des béatitudes chez saint Luc est celle des "pauvres". Des "pauvres" que nous avons déjà croisé dans l’Évangile : les bergers, les malades, les lépreux, les démoniaques et bien d’autres encore. Mais ces pauvres sont des gens qui souffrent d’un manque grave dans lequel chacun de nous peut se retrouver. Pauvre sur le plan économique : ceux qui ont faim. Pauvre sur un plan affectif : ceux qui pleurent. Pauvres sur plan social : ceux que l’on rejette, que l’on met dehors, avec cette mise au banc encore plus forte peut-être, pour ceux qui ont choisi d’embrasser la cause du Fils de l’homme. 

Au présent et au futur

Ces béatitudes ont quelque chose de paradoxal, car elles manifestent une réalité actuelle pour les auditeurs. Ainsi, elles sont exprimées par des verbes au présent :"Heureux êtes-vous", et par l’appui de la notion de temps du "maintenant". Mais, il y a une cohabitation avec un futur : "vous serez, … vous serez rassasiés, vous rirez… " Ce qui est en germe ici, c’est l’ambivalence de la notion du Règne de Dieu, dans un déjà là. Le royaume de Dieu est déjà là au présent, maintenant, mais pas encore totalement ; il y a un futur, "vous serez rassasiés" par exemple. 

À travers les quatre béatitudes et leurs opposés, les "malheurs à vous", l’évangéliste vient marquer l’opposition entre les riches et les pauvres qui est si caractéristique de son évangile. Il a fait mention des riches dès le début dans le Magnificat : "Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides" (Lc 1, 53). Ces riches sont ceux qui sont repus, qui ont fermé leurs mains sur leur avoir, qui ont mis toute leur consolation dans un avoir, une sécurité matérielle, sont riches ceux chez qui il n’y a plus d’espace en eux pour un désir que Dieu comblerait. Le pauvre est celui qui vit dans le manque, qui croit et qui espère. À travers ces oppositions "heureux/malheureux" c’est comme si était proclamé ce renversement de situation énoncé dans le Magnificat : les affamés sont comblés, les riches sont renvoyés les mains vides. 

Pour autant, est-ce déjà l’annonce d’un jugement avant que le Royaume ne soit présent ? À la différence des Béatitudes chez saint Matthieu, il y a l’emploi constant de la seconde personne du pluriel : "vous". C’est dire, me semble-t-il, que l’adresse n’est pas théorique, généraliste, mais plus "interpellative", comme si nous étions pointés du doigt. Car en fait, chacun de nous peut se reconnaître tant dans un "bienheureux" que dans un "malheur à vous". 

Reconnaître le bien du mal

Ce que nous pouvons retenir à l’image de ce que proclame le psalmiste, c’est à la fois que "le juste donne du fruit en son temps" (Ps 1, 3), c’est-à-dire qu’un acte bon peut conduire au bonheur, mais sans immédiateté, tout comme un acte mauvais peut emmener dans une impasse malheureuse : "Le chemin des méchants se perdra" (Ps 1, 6). Reconnaître le bien du mal, comme reconnaître le vrai du faux, c’est un peu la finale de l’Évangile avec le dernier verset : où sont les faux prophètes d’aujourd’hui, où sont les vrais prophètes d’aujourd’hui (cf. Lc 6, 26) ? Lesquels suivons-nous, lesquels cherchons-nous ?

Au cours de cette semaine nous pouvons demander humblement au Seigneur d’augmenter en nous le désir du Royaume, de le voir déjà présent en nous et autour de nous en rendant grâce pour sa présence aimante, tout en répétant : "Mon Dieu, je crois, j'adore, j'espère et je Vous aime" (in Prière de l’ange à Fatima).

Lectures du 6e dimanche du temps ordinaire :

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