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Si nos métiers modernes ont depuis longtemps tendu à une spécialisation extrême des tâches, les temps bibliques associaient, en revanche, fréquemment plusieurs compétences en une seule personne, tel le charpentier qui pouvait tout aussi bien travailler le bois que la pierre, voire d’autres matériaux. Si la Septante (ancienne traduction grecque de la Bible hébraïque) fait référence avec le mot grec Tektōn (τέκτων) au métier de charpentier, donc au travail du bois, cela n’avait rien exclusif et incluait souvent d’autres pratiques professionnelles parallèles, notamment celle de menuisier ou d’ébéniste. Le charpentier des temps bibliques intervenait en effet aussi bien au niveau des charpentes qu’à la fabrication de mobilier, voire aussi à la production d’instruments agricoles. Si nous n’avons pas de références précises concernant des écoles formant à ce métier, il est fort probable, cependant, que l’apprentissage se faisait par transmission de génération en génération.
Un métier antique
Bien que les références bibliques au métier de charpentier ne soient guère nombreuses, l’ancienneté de cette activité demeure cependant explicitement attestée par la citation du prophète Isaïe évoquant les fabricants d’idoles : "Le menuisier prend des mesures, il esquisse une idole à la craie, il la travaille à la gouge, il l’esquisse au compas, il la travaille en prenant pour modèle un homme, la beauté d’un être humain, afin qu’elle habite une maison" (Is 44,13). Le prophète, dans ce passage, rappelle combien l’homme sait trop vite oublier l’origine des biens offerts par la bonté divine et qu’il destine pourtant à des conduites impies : "Il a débité des cèdres, il a pris du rouvre et du chêne, qu’il a laissé croître parmi les arbres de la forêt ; il a planté un pin que la pluie fait grandir. Pour l’homme, c’est du bois à brûler : il le prend pour se chauffer, il le brûle aussi pour cuire son pain ; il en fabrique aussi un dieu, et il se prosterne ; il en fait une idole et s’incline devant elle". Le prophète souligne ainsi l’étendue de l’ignorance des hommes qui mettent sur le même plan tous les bienfaits apportés par les biens de la terre comme le bois, et l’usage perverti qu’en font les hommes notamment par les cultes rendus aux idoles en en façonnant les images pour s’incliner devant elles…
Soulignons, également, que cette référence biblique nous transmet quelques précieuses informations quant aux outils utilisés pour ce métier, outils qui n’ont guère – à vrai dire, changé depuis, si l’on considère le traçage à la craie, les ciseaux, le compas, auxquels devaient s’ajouter les traditionnelles scies, haches et autres herminettes… L’Ancien Testament nous apprend encore au second Livre de Samuel que des charpentiers avaient été sollicités afin d’édifier le palais du roi David : "Hiram, le roi de Tyr, envoya des messagers à David, des charpentiers avec du bois de cèdre, des tailleurs de pierre pour les murs ; et ils bâtirent pour lui une maison" (2S 5,11).
Le texte biblique souligne en ce passage l’importance du bois de cèdre venu du Liban depuis l’antique ville de Tyr. Ce bois, réputé pour sa robustesse et sa résistance au temps et aux intempéries, avait fait la fortune des Phéniciens le transportant en bateau dans des régions souvent lointaines, notamment en Égypte pour les constructions navales, les charpentes et même l’embaumement, ainsi que l’attestent les splendides bas-reliefs du palais de Sargon II présentés dans les salles du Louvre.
Jésus, le charpentier
Mais, c’est bien évidemment à Jésus et à son père que l’on pense immédiatement lorsqu’on évoque le métier de charpentier dans la Bible. Le Nouveau Testament y fait une courte, mais néanmoins cruciale, évocation : Mathieu, dans son évangile, rapporte en effet cette interjection lancée par les habitants de Nazareth, la ville des origines de Jésus : "N’est-il pas le fils du charpentier ? Sa mère ne s’appelle-t-elle pas Marie, et ses frères : Jacques, Joseph, Simon et Jude ?" (Mt 13,55). L’interrogation n’est pas anodine car l’épisode se passe alors même que Jésus vient juste de conclure son commentaire des Écritures dans la synagogue. Les Anciens se souviennent que ce jeune homme était des leurs avant son ministère public et n’était pas connu en tant que rabbin. Les origines humbles et modestes de Jésus et de son père exerçant le même métier sont ainsi rappelées afin d’exprimer leur incompréhension et leur condamnation. Ce à quoi Jésus répondit par cette fameuse phrase passée à la postérité : "Un prophète n’est méprisé que dans son pays et dans sa propre maison"…