Campagne de Carême 2025
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Les paroisses rurales d’aujourd’hui sont vastes, qui réunissent plusieurs clochers jusqu’à une vingtaine dans les zones les plus désertes. Les curés desservent généralement les bourgs les plus habités sans pour autant oublier les villages reculés où ils ne disent parfois qu’une messe par an. Ils sont confrontés à une question délicate : Comment créer une unité dans la paroisse qui est en réalité l’agrégat de communes et d’anciennes paroisses différentes ? Celles-ci n’ont pas la même histoire, une économie disparate, des traditions et des fêtes locales variées. Elles n’ont pas non plus le même avenir, certaines se désertifient au profit du bourg le plus important. Les paroissiens ne se connaissent pas toujours et certains doivent parcourir plus de vingt kilomètres pour assister à la messe du dimanche, d’autres, quitte à prendre une voiture, préfèrent aller dans une ville, d’autres encore se réfugient derrière la télévision.
L’idée du curé
Difficile tâche du curé. Il doit réunir ses paroissiens pour animer, former, prier et faire prier, célébrer, alors que ses ouailles sont éparses et n’ont pas de lien social entre elles. Il y a bien les fêtes patronales quand on les célèbre, mais elles ne sont pas les mêmes jours et ne correspondent pas aux mêmes saints protecteurs. Mon curé a eu une idée. Ce ne sera pas la solution miracle — y en a-t-il d’ailleurs ? — mais ses fidèles de la paroisse Sainte-Claire-entre-Mayenne-et-Sarthe dans le nord du diocèse d’Angers vont se retrouver dans deux des villages moins habités, Sceaux et Sœurdres. Cela ne dira rien au lecteur qui ne connaît pas cette campagne, mais qu’il imagine alors deux églises entourées de maisons qui ne sont pas toutes habitées, une zone pavillonnaire comme il y en a tant et des fermes plus grandes qu’hier, cultivées par des agriculteurs de moins en moins nombreux.
Le prêtre a en effet proposé à l’équipe d’animation paroissiale — qui a accepté — de faire graver puis apposer et bénir deux plaques commémoratives dans les églises. Sur l’une est écrit :
"Rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu (Ro 8, 38).
À la mémoire du Bienheureux François Peltier, curé de Sceaux,
Guillotiné à Angers le 5 janvier 1794.
En souvenir du baptême de Marius Briant
Décapité le 29 mars 1944 à Berlin."
Et sur l’autre :
"Depuis la prison jusqu’à l’échafaud, il ne cessa de chanter des hymnes et des psaumes de l’Église, la joie était sur son visage.
À la mémoire du Bienheureux François Chartier, vicaire de Sœurdres,
guillotiné le 22 mars 1794 à Angers,
Et de la Bienheureuse Madeleine Salle, habitant à Sœurdres,
fusillée à Avrillé le 16 avril 1794."
Une histoire commune à tous
Qui se souvenait de ces martyrs de la révolution ? Quasiment personne et c’est là que l’affaire prend de l’importance. Les saints locaux créent des fiertés, on se les attribue, on recherche qui ils étaient, les liens qu’ils peuvent avoir avec les familles actuelles et le contexte dans lequel ils ont vécu, prié et subi le supplice. Au-delà des villages concernés, c’est toute la paroisse nouvelle qui va se mettre en marche vers cette mémoire retrouvée et créer ainsi l’unité recherchée. Cette démarche va intéresser les écoles, les élus, les associations, parce que l’histoire est commune à tous. L’idée de rappeler le baptême de Marius Briant, décapité le 29 mars 1944 à Berlin, rapproche aussi l’histoire : l’homme est lié à certaines familles actuelles et beaucoup ont entendu parler de cet instituteur engagé dans la résistance.
Voilà l’idée du curé, trouver le moyen de raconter une histoire commune à tous pour réunir et créer cette unité paroissiale si riche quand elle est vivante. Cette idée concerne l’Anjou et encore, uniquement une petite région du nord du diocèse. Elle est en réalité une histoire de toutes les paroisses de France : il existe partout des saints et bienheureux totalement inconnus. Allons à leur découverte ou redécouverte ! Certains lieux de cultes ont été abandonnés, des traditions, pèlerinages, pardons… sont tombés dans l’oubli : faisons-les revivre ensemble. À l’image de ces modestes et saints curés d’Anjou, faisons revivre cette mémoire, pour les fidèles, pour nos prêtres, pour toute une société qui a tendance à oublier ses racines mais est prête à les redécouvrir. Prions ces bienheureux d’Anjou pour étendre leur message d’amour du prochain à notre France et ses campagnes si vivantes hier, si prometteuses demain.