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« Jusqu’à ses quatre mois, Alexandre a pleuré tous les jours de 18 heures à 22 heures, quasiment sans arrêt, raconte Caroline, sa maman. Ses pleurs étaient forts, son petit visage tournait du rouge au violet et ses yeux semblaient exprimer une réelle souffrance. Je me sentais totalement démunie et ne parvenais pas à le calmer. » Un nouveau-né qui pleure est une source d’inquiétude pour des jeunes parents. C’est pourtant le seul moyen de communication qu’un bébé possède. Les parents se retrouvent bien souvent démunis face à leur enfant qui pleure, sans qu’ils en comprennent la cause. Il existe des raisons multiples à ces pleurs : la faim, la fatigue, une douleur, ou encore une angoisse de séparation. Parfois, il est difficile de les interpréter, surtout lorsqu’ils semblent ne pas cesser. Les pleurs inexpliqués sont d’ailleurs la première raison de consultation chez un pédiatre pour les bébés entre 0 et 3 mois.
Nicolas Mathevon, professeur de neurosciences à l’Université de Saint Etienne, dirige depuis une quinzaine d’années des recherches sur les pleurs des bébés. Il a récemment publié Comprendre son bébé : le langage secret des pleurs (éditions Tana), un guide pour les jeunes parents et les professionnels de la petite enfance. Il livre à Aleteia quelques clés pour décrypter les pleurs ainsi que des conseils pratiques. Pour Nicolas Mathevon, les pleurs des nourrissons sont un véritable sujet de santé publique. « Le drame des bébés secoués montre qu’il est extrêmement important de communiquer auprès des parents sur les pleurs de leurs enfants ». Selon lui, il existe beaucoup de biais de pensée à ce sujet, qui lui semble important de démentir. En effet, la biologie ne prouve absolument pas l’existence d’un langage de bébé, avec des sons précis, comme il peut être vu dans beaucoup de médias.
Deux sortes de pleurs
Alice raconte que pendant les six premiers mois de son fils Paul, celui-ci pleurait de douleur en continu sans qu’elle sache pourquoi. « J’étais à bout, Paul n’arrivait pas à manger et hurlait sans arrêt. Je lui donnais le biberon en le berçant pour qu’il mange. Cela s’est calmé avec la diversification et j’ai compris plus tard qu’il ne digérait pas le lait. Ses pleurs m’épuisaient. Je voyais qu’il n’était pas bien, mais je n’osais rien faire, car les médecins ne trouvaient rien d’anormal. J’ai trouvé cela très dur de ne pas comprendre les pleurs de mon bébé. »

« Un pleur est un signal acoustique qui porte une information, et qui indique aux parents un besoin de la part de l’enfant », explique Nicolas Mathevon. « Ce n’est pas la cause du pleur qui est codée dans le signal acoustique, mais plutôt le niveau de détresse ou d’inconfort du bébé », insiste le chercheur. Il existe deux sortes de pleurs. Les premiers sont dits « harmonieux ». Ils traduisent un inconfort (le bain, une position inconfortable, une couche pleine…). La deuxième catégorie de pleurs est celle des pleurs « rugueux » qui signalent une détresse intense ou une douleur (un vaccin, des coliques…). Cette dernière catégorie est souvent celle qui brise le cœur des parents, car ils ne les comprennent pas.
Chaque bébé a sa signature vocale
S’il n’existe pas un langage de bébé, c’est bien parce que chaque enfant est unique et différent. « Il existe une signature individuelle dans la voix de chaque bébé », affirme Nicolas Mathevon. En grandissant, les pleurs du bébé évoluent : « le bébé modifie son pleur en fonction des retours de ses parents ». En effet, « il est possible qu’il soit capable d’avoir des retours sur son expérience ». Aurélie, maman de deux petites filles, témoigne : « Lorsqu’Aliénor, notre aînée, avait dix jours, elle semblait beaucoup téter. Mais durant deux nuits consécutives, elle s’est mise à pleurer sans arrêt. Ce n’est qu’après ces deux nuits que l’on a compris, qu’en réalité, elle était affamée. Sur le moment, c’était terrible car on ne connaissait pas le besoin de notre bébé, et on ne savait pas comment l’aider. Ce qui doit alerter les parents, ce sont les changements dans les pleurs. Si le bébé se met à pleurer tout d’un coup de façon nouvelle, il faut consulter, car cela peut traduire un problème particulier.
Apprendre à observer son bébé
« N’oublions jamais la règle d’or : le pleur du bébé est un signal qui porte de l’information et qui est adressé à la personne qui s’occupe de lui », souligne le neuroscientifique. Le bébé a besoin d’interaction sociale. Et plus ses parents l’observeront et échangeront avec lui, plus ils seront à même de comprendre ses besoins. Selon Nicolas Mathevon, « n’importe quel adulte possède la capacité à être mobilisé par les pleurs d’un bébé. Selon lui, « l’ensemble du groupe social participe aux soins du bébé ». Les mères confient volontiers leur enfant, d’abord au père, mais aussi au personnel soignant, dès la naissance (pédiatre, puéricultrice…). Sachant cette particularité propre à l’espèce humaine, il est donc normal de se trouver parfois démuni lorsqu’on s’occupe d’un bébé, et a fortiori quand la mère s’en occupe seule, par exemple.
Quelles sont les attitudes à avoir face à ces pleurs ? Il faut d’abord faire appel à son bon sens : nourrir, bercer, changer : tous ces gestes qui viennent naturellement aux parents. Il faut pouvoir se faire confiance, et ne pas culpabiliser lorsque l’on n’arrive pas à calmer les pleurs. Ensuite, il vaut toujours mieux poser son bébé, dans son lit, et aller respirer de l’autre côté de la maison, plutôt que de risquer un syndrome du bébé secoué. Enfin, ne pas hésiter à se faire aider, si l’on se trouve complètement démuni et à bout de forces. La période des pleurs n’est qu’une phase dans la vie de parents, et finit toujours par passer. En grandissant, les moyens d’expression de l’enfant vont évoluer et se diversifier.
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