[HOMÉLIE] Dieu a besoin de nous

"Qui enverrai-je ? Qui sera mon messager ?" (Is 6, 8.) Quelle phrase étonnante ! Non pas tant sur le contenu : n’importe qui peut se retrouver dans une situation où il s’interroge sur les moyens à utiliser. Ce qui est étonnant, c’est justement que cette phrase n’est pas prononcée par n’importe qui ! C’est le Roi de l’univers qui se pose cette question. Il est assis sur son Trône, entouré des séraphins dont la prière emplit le Temple, dont la louange fait trembler les portes. Il apparaît dans toute sa gloire et il se demande à qui confier un message ! Il y a un curieux contraste de majesté et d’humilité, de solennité et de pauvreté. 

À vrai dire, ce contraste est justement caractéristique de la Parole de Dieu. Dieu se manifeste avec splendeur, mais il ne s’impose pas : il se fait demandeur, avec douceur et respect. On retrouve ces deux aspects dans l’histoire de la pêche miraculeuse. Jésus demande un service à Pierre : celui de monter dans la barque pour pouvoir parler, et en même temps la surabondance des poissons manifeste sa puissance. Simon Pierre ne se trompe pas, il se retrouve comme Isaïe devant le Trône, plein d’effroi : "Éloigne-toi de moi, je suis un homme pécheur" (Lc 5, 8). Mais le Christ l’invite : "Ne crains pas, désormais ce sont des hommes que tu prendras" (Lc 5, 10).

Comme dit le Psalmiste, la Parole de Dieu est plus précieuse que l’or et plus douce que le miel. Elle nous révèle un Dieu infiniment supérieur à nous mais qui a besoin de nous. Voilà les deux repères qui nous sont donnés aujourd’hui pour nous guider dans la vie spirituelle et vérifier que nous sommes sur le bon chemin. 

Le premier c’est ce que la Bible appelle la crainte du Seigneur. Ne croyons pas que Dieu soit un copain : il n’est pas à notre mesure, il nous dépasse infiniment… Dieu est Dieu, disait un livre de Maurice Clavel (en rajoutant un juron que la décence m’interdit de citer). Dieu est grand, infiniment grand et nous ne sommes rien devant lui. Mais il implore ce rien et il se donne à nous. C’est le deuxième critère d’une lecture authentique de la Parole de Dieu : découvrir que Dieu a besoin de nous. Il peut tout, mais il préfère compter sur nous… non par paresse, mais par amour !

"Qui enverrai-je ? Qui sera notre messager ?" C’est la parole qui retentit aujourd’hui. Parce que le monde ne va pas selon le cœur de Dieu, parce que trop de personnes sont aveugles à l’invisible, parce que l’égoïsme commande trop de décisions, parce que des hommes manquent de tout quand d’autres accumulent le superflu. "Qui sera notre messager ?" Qui rappellera qu’il y a plus de joie à donner qu’à recevoir ? Que la vie est faite pour aimer ? Que le pardon est le chemin de l’amour ? "Qui enverrai-je ?" pour dire aux hommes et aux femmes de notre temps, de notre quartier, de nos familles que le Christ est ressuscité et que l’humanité, toute imparfaite qu’elle soit est capable de Dieu, que la lumière brille dans les ténèbres, que la vie est plus forte que la mort, que le ciel est notre avenir ?

"Qui enverrai-je ? Qui sera notre messager ?" À cette question, Isaïe a répondu : "Je serai ton messager : envoie-moi" ; le Christ Jésus a répondu "Me Voici Seigneur, je viens faire ta volonté" (Is 6, 8) ; Marie a répondu : "Je suis la Servante du Seigneur, que tout se passe en moi selon ta Parole" (Lc 1, 38). Et nous, que répondrons-nous ? 

Que la Vierge Marie nous aide à entendre cette parole, à l’accueillir avec confiance, à y répondre avec enthousiasme. Elle qui est la Demeure Précieuse, qu’elle nous montre la grandeur du don que Dieu nous propose. Elle qui est le Miroir de la sainteté divine, qu’elle nous rende plus transparents à l’action de l’Esprit saint. Elle qui est la Reine des Apôtres, qu’elle nous accompagne tout au long de notre vie pour que nous puissions transmettre ce que nous avons reçu : l’Évangile du Christ qui nous invite à partager la vie divine, dès maintenant et pour les siècles des siècles.