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Des recommandations de bon sens pour encadrer l’usage du numérique à l’école

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Mathilde de Robien - publié le 08/02/25
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Le dernier baromètre de la Fondation pour l’Enfance démontre la place prépondérante de l’outil numérique dans le quotidien des enfants, notamment à l’école. Agnès Fabre, fondatrice du collectif "Éducation numérique raisonnée", invite à un usage équilibré des écrans et fournit des recommandations concrètes que l’on aimerait voir appliquer dans tous les établissements scolaires.

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"Tous les soirs, avant de se coucher, ma fille de 11 ans vérifie si des devoirs n’ont pas été rajoutés sur École Directe", confie Maëlle, 38 ans, mère de deux enfants, qui s’interroge sur la place grandissante que prennent les écrans dans le quotidien de ses enfants, non seulement dans leur usage récréatif (réseaux sociaux, vidéos, films…) mais aussi pédagogique. Entre les devoirs accessibles sur les environnements numériques de travail (ENT), les notes qui s’affichent à n’importe quel moment de la journée et les plateformes telles que Kwyk, Scratch, Pix, Projet Voltaire et autres, la mère de famille constate que dans les apprentissages aussi, les écrans sont omniprésents.

Une observation confirmée par le dernier baromètre "Enfance et Numérique" de la Fondation pour l’Enfance, publié le 29 janvier dernier. Réalisée avec l’IFOP, cette étude offre un bon aperçu de l’usage des outils numériques, non seulement à la maison mais aussi à l’école. Car oui, le numérique accompagne les enfants jusque dans l’école : 61% des professeurs déclarent utiliser les outils numériques en classe (38% en école maternelle, et 68% en école primaire), et parmi eux, 72% y ont recours quotidiennement. De plus, 62% des parents affirment que leur enfant, en primaire donc, doit se connecter à un écran pour faire ses devoirs à la maison.

Interpellé par ces chiffres, Aleteia a interrogé Agnès Fabre, professeur de lettres à Paris et fondatrice de l’association Éducation numérique raisonnée. Un collectif de professeurs du public et du privé, désireux de repenser la place du numérique dans l’éducation. "Le numérique est entré dans l’école à vitesse grand V et cela a fortement perturbé les habitudes et les pratiques d’apprentissage", constate Agnès Fabre. "Nous appelons non pas à bannir les écrans mais à en réguler les usages pour regagner l’attention des élèves."

Aleteia : 61% des professeurs déclarent utiliser les outils numériques en classe, et parmi eux, 72% y ont recours quotidiennement. Cela vous paraît-il beaucoup ?
Agnès Fabre : Pas vraiment puisqu’enseigner les compétences numériques fait partie des missions des enseignants, et ce dès la maternelle. C'est inclus dans le programme imposé par l’Éducation nationale. Le fait que 72% des enseignants y aient recours quotidiennement montre bien qu’à partir du moment où l’outil numérique est introduit à l’école, il prend énormément de place, au détriment d’autres activités. Néanmoins, soulignons qu'une partie des enseignants s’oppose à l’utilisation du numérique dans leurs pratiques pédagogiques. C’est ce que révèle un autre chiffre intéressant de l’étude : 28% déclarent ne pas utiliser les outils numériques en classe car ils estiment qu’ils ne sont pas pertinents et qu’il faut limiter le recours à ces outils. La liberté pédagogique propre à chaque enseignant fait que les pratiques ne sont pas homogènes. L’objectif de notre collectif est de faire entendre la voix de ces enseignants qui considèrent que le numérique n’est pas traité de manière satisfaisante dans l’Éducation nationale et qu’il est nécessaire de mieux réguler cet outil.

Comment, concrètement, réguler l’usage éducatif du numérique ? Quelles sont vos principales préconisations ?
Notre première préconisation, c’est de bannir les écrans des classes de maternelle, que ce soient les tableaux interactifs, les tablettes ou encore le fait que les enfants soient mis devant des dessins animés quand il pleut. L’école devrait être exemplaire dans cette démarche. Cette recommandation rejoint d’ailleurs celle du rapport Enfants et écrans (remis en avril 2024 au Président de la République, N.D.L.R.) qui préconise de limiter au maximum l’exposition aux écrans avant 6 ans. Notre collectif prône aussi pour la rédaction d’une charte de déconnexion afin que tous les acteurs de la communauté éducative (parents d’élèves et personnels d’établissements) s’engagent à lutter ensemble contre l’usage excessif du numérique. L’école pâtit du manque d’autorité des parents pour réguler le numérique récréatif – parce que les enfants manquent de sommeil et de concentration en classe – et les parents pâtissent de la place des écrans à la maison avec les ENT, etc. Il faut une réponse collective.

Dans cette charte de déconnexion, est-ce que vous évoquez la place prépondérante que prennent les ENT dans le quotidien des collégiens et des lycéens ?
Oui, c’est un point fondamental. Nous militons pour une reconnaissance du droit des élèves à la déconnexion. Il faut acter le principe selon lequel les enseignants n’ont pas le droit d’ajouter par voie numérique des devoirs à faire à la maison qui n’auraient pas été indiqués en classe. C’est un usage abusif qui crée de l’anxiété et une hyperconnexion permanente chez les enfants, sans aucun intérêt pédagogique.

Avez-vous une idée de comment faire respecter ce principe ?
Pour qu’il soit réaliste et ne reste pas un vœu pieux, il faut paramétrer les espaces numériques de travail (ENT) en vue de bloquer l’accès des élèves à certains horaires et leur ménager des temps suffisants de déconnexion sur des créneaux fixés par les établissements. Cela permet de responsabiliser les élèves (noter les devoirs sur leur agenda) et les enseignants (anticiper et donner les devoirs en classe).

Nous préconisons de mettre à jour l’affichage des moyennes non pas en temps réel, mais ponctuellement, à un rythme fixé par l’établissement, que ce soit hebdomadaire, mensuel ou trimestriel.

Y a-t-il d’autres paramétrages possibles afin de réguler l’accès aux ENT ?
Oui, il y a aussi l’affichage des notes. Que les notes s’affichent seulement après la remise de la copie à l’élève est fondamental pour que l’enfant n’ait pas le choc brutal de la note et pour qu’elle ait du sens ! Une note n’a pas de sens, c’est le commentaire de l’enseignant qui est important. Nous préconisons aussi de mettre à jour l’affichage des moyennes non pas en temps réel, mais ponctuellement, à un rythme fixé par l’établissement, que ce soit hebdomadaire, mensuel ou trimestriel. La mise à jour en temps réel crée une frénésie autour de la note et une hyperconnexion, là encore sans intérêt. Enfin, en vue de protéger les mineurs dans l’espace numérique, nous recommandons de n’autoriser les comptes personnels d’accès aux ENT seulement à partir de la classe de 4e. Aujourd’hui, l’école généralise le recours au numérique éducatif en augmentant le temps d’écran d’élèves déjà surexposés. Il nous faut enrayer cet asservissement numérique afin d’envisager sereinement leur avenir et celui de notre institution.

Pratique

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