Mardi 18h15 c’est jour de messe dans cette église pas comme les autres. Notre-Dame-des-Sans-Logis-et-de-Tout-le-Monde est le vocable réel de cette église de Noisy-le-Grand, en Seine-Saint-Denis, construite à partir de rien, par des pauvres et pour tous. Autrement dit, une chapelle de fortune…
Tout commence par une rencontre décisive, un choc, le 14 juillet 1956. Le père Joseph Wresinski (1917-1988) est envoyé par son évêque au camp des Sans-Logis à Noisy-le-Grand, à quelques kilomètres à l’est de Paris. Depuis le rude hiver 1954, 250 familles vivent ici, dans des baraquements sommaires. Né lui-même dans un camp de réfugiés, le père Joseph est venu partager leur vie. Sous sa houlette, croyants, non-croyants, chrétiens, musulmans, juifs, bouddhistes vont bâtir ensemble cette humble chapelle inaugurée dans la joie à Noël 1957. Oui, des pauvres avaient fait quelque chose de beau pour élever l’humanité. Le père Joseph Wresinski fondera l’association ATD (Aide à Toute Détresse) Quart monde, qui a son siège historique dans la même rue.

Une architecture fragile
L’édifice s’inscrit dans un contexte d’après-guerre. C’est un baraquement construit avec des matériaux de récupération, des galets, du bois, des tôles, des pierres, pas de parpaings, la pierre c’est vivant… Il a une couverture semi-circulaire de fibres-ciment. Sa forme fait référence aux "igloos" en tôle ondulée des bidonvilles et aujourd’hui aussi un peu aux tentes qui se déplient en deux secondes.
Monique Midy, plasticienne, fait un plan avec une ogive qui élève l’âme. Le peintre verrier Jean Bazaine (1904-2001) et la vitrailliste Marguerite Huré offrent cinq vitraux illustrant les cinq Mystères glorieux. Lors de la destruction du bidonville dans les années 1970, la chapelle est déplacée par les habitants eux-mêmes, morceau par morceau.
Propriété privée de la Fondation ATD Quart monde, labellisée architecture contemporaine remarquable en 2011, elle est classée monument historique le 29 avril 2016. Comme une grande cathédrale. Lors de la restauration de la chapelle entre 2019 et 2021, le choix a été fait de reposer une couverture de tôle ondulée en fibrociment (sans amiante !), pour conserver la mémoire du bâtiment, sous la nouvelle couverture en zinc pigmento brun.
Un lieu de prière
Sur le linteau, quelqu’un avait écrit : "Venez à moi, vous tous qui ployez sous le fardeau. Je vous donnerai le repos." (Mt 11, 28). À l’époque du camp des Sans-Logis, il y eut des baptêmes, des communions et bien des funérailles. En 2024, on a fêté Noël dans la chapelle, avec des fidèles venus de toute la commune de Noisy-le-Grand.
Une messe hebdomadaire perdure. Les fidèles du mardi sont surtout des habitants de la cité des Hauts-Bâtons (900 logements). La chapelle, privée, est rattachée au service "Pastorale en cités" du diocèse de Saint-Denis. Témoin d’un désir d’humanité plus fort que la pauvreté, lieu d’accueil ouvert et respecté, la chapelle Notre-Dame-des-Sans-Logis émeut vraiment tout le monde.