"Quand Caroline commence à s’énerver, je préfère ne pas répondre, je laisse passer l’orage, plutôt que d’entrer dans le conflit et l’envenimer", confie Rémi, 35 ans, ingénieur informatique et père de trois enfants. Une attitude qui exaspère sa femme. "Systématiquement, il fuit le conflit, j’ai l’impression qu’il ne m’écoute pas, et cela ne fait qu’augmenter ma colère et me fait crier encore plus fort !", avoue Caroline, chargée de recrutement dans l’industrie pharmaceutique. De toute évidence, Rémi a un profil de serpent tandis que Caroline peut être assimilée au lion. Des comparaisons animalières utilisées par Bérengère de Charentenay, conseillère conjugale et familiale dans le cabinet Raphaël, pour aider les couples à identifier leur comportement naturel dans une dispute et s’efforcer d’y remédier afin de permettre le dialogue, seul moyen de résoudre un conflit.
"Les disputes sont normales", assure Bérengère de Charentenay. "Elles ne sont pas le signe d’une mauvaise relation, mais de désaccords tout à fait légitimes. Désaccord n’est pas désamour. Ce qui importe pour la vie du couple, c’est la manière dont les conjoints vont gérer ces conflits." Néanmoins, la gestion de conflit n’est pas chose aisée. Chacun se protège à sa manière. Un premier pas consiste à repérer comment chacun réagit naturellement dans une situation conflictuelle. Ce n’est qu’après cet effort que l’un et l’autre pourront s’entraîner à réagir avec calme et intelligence.
Deux tendances opposées et réactives
"Notre manière de gérer le conflit est souvent héritée de la façon dont il était vécu dans nos familles et nos cultures respectives", souligne la spécialiste. Cela peut être de manière très démonstrative et explosive : hurlements, claquements de portes, bris de vaisselle… ou, au contraire, silencieuse. Deux tendances opposées et réactives l’une par rapport à l’autre, que l’on peut illustrer avec les images du lion et du serpent. Le lion est un animal bruyant et désireux d’en découdre. Sa communication est particulièrement développée : langage corporel et vocal, grognement, grondement, rugissement… En cas de contact, il est recommandé de lui faire face et surtout de ne pas fuir car se retourner risque de provoquer son agressivité. Certes, il attaque pour se nourrir mais aussi pour se défendre, en réponse à une agression. Comme le lion, un conjoint peut se sentir en danger, éprouver le besoin de se protéger. Il va sortir les griffes, donner de la voix, faire de grands gestes, casser des objets.
Le serpent, au contraire, est un animal silencieux et désireux de fuir au plus vite en cas de danger. Son désir premier est de se soustraire au conflit à travers une attitude de fuite, d’effacement, voire de déni. La réaction excessive de l’autre le paralyse et le terrifie. Il craint la confrontation, et ses éventuelles conséquences. Il a peur de perdre la face et parfois même, peur d’être dépassé par sa propre violence, donc il préfère se défiler. S’il ne peut pas fuir, si l’autre le pousse dans ses retranchements, il se sent acculé et il y a alors de fortes chances pour qu’il se défende en attaquant violemment. Deux attitudes réactives l’un par rapport à l’autre dans la mesure où plus le serpent fuit, plus le lion se montre agressif et inversement.
Quelques pistes pour sortir du conflit
"Lorsque le conflit éclate, la situation demande que les conjoints soient présents et prennent leur juste place : ni dans la domination, ni dans l’effacement ou la soumission", conseille Bérengère de Charentenay. Celui qui spontanément répond au conflit par l’attaque aura à modérer son agressivité. Au contraire, celui qui a tendance à fuir devra mobiliser sa combativité pour affronter le conflit et oser s’affirmer face à l’autre.
Une fois les réactions naturelles de chacun identifiées et combattues, il est temps d’évoquer calmement la situation en exprimant sa frustration et de trouver ensemble une manière de résoudre le conflit. L’enjeu consiste à créer un espace de dialogue dans lequel chacun puisse percevoir la réalité de ce qui a été vécu par l’autre. Grâce au dialogue, les conjoints vont pouvoir s’expliquer et se comprendre. "Clarifier les faits, exprimer ses émotions et ses besoins non satisfaits ouvre un espace de parole qui permet à chacun de mieux s’ajuster à l’autre", conclut la conseillère.