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En novembre, cette coutume bretonne honore les défunts avec… des pommes !

Le pommier des morts à Plougastel-Daoulas, dans le Finistère

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Anne Bernet - publié le 11/11/24
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Pour honorer ses morts, une petite commune du Finistère fait revivre une tradition tirée du fond des âges. Chaque année, en novembre, les fidèles mettent aux enchères un pommier dans le but de récolter de l'argent pour faire dire des messes pour les âmes des défunts.

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Disparue dans les années 1960, car  le clergé local y a vu alors une survivance d’une époque révolue à éradiquer sans retour, la mise aux enchères, chaque mois de novembre, sur la paroisse de Plougastel-Daoulas en Finistère, du gwezzen an anaon, l’arbre des trépassés, maintenue coûte que coûte par les fidèles sans l’appui du recteur durant plusieurs décennies, a retrouvé droit de cité ces dernières années, et c’est tant mieux. En effet, s’il ne fait aucun doute que cet usage s’enracine dans un très lointain passé celtique, sa christianisation en a été remarquable et les fruits en sont on ne peut plus catholiques.

De quoi s’agit-il ? D’un moyen simple, communautaire, fraternel, de récolter de l’argent afin de faire dire des messes pour les personnes de la paroisse décédées au cours de l’année précédente, la dite année, en pays celtes, commençant, comme chacun sait, le 1er novembre, après la fête païenne de Samaen, dont Halloween est la caricature commerciale. L’on ne sait si jadis la vente de l’arbre des trépassés, ou arbre à pommes, a été populaire dans toute la Bretagne mais, au XIXe siècle déjà, elle n’était plus pratiquée qu’à Plougastel-Daoulas, au sein de ses 21 breurieuzou, confréries liées à l’une des huit chapelles bâties sur la paroisse. 

Un if d’environ 1,50m

Donc, à l’approche de la Toussaint, l’on coupe un jeune if d’environ 1,50m, que l’on écorce. Celui qui s’en charge est le vainqueur de l’enchère de l’année précédente. Sur ses branches sont attachées de belles pommes d’un rouge éclatant, une pour chaque famille de la confrérie. La symbolique est claire : if et pommier sont deux arbres liés, dans la mythologie celtique, à la mort, à la vie éternelle et à l’Autre Monde. Le paradis celte avant la christianisation, s’appelait Enez Avallon, l’île des Pommes. Ce n’est pas pour rien qu’au Ve siècle, les moines irlandais, jouant sur le double sens du mot latin malus, le mal et la pomme, ont mis ce fruit fatal entre les mains d’Ève, détail que la Genèse ne donne pas. Quant à l’if, vert en toutes saisons, et dont les baies rouges tuent si on les consomme avec leurs graines, mais guérissent jusqu’à certains cancers quand elles sont convenablement préparées, est par excellence arbre d’immortalité.

Des enchères convenues d’avance

Bien païen, tout cela ? Certes mais la suite ne l’est pas. Donc, quand l’arbre des Trépassés est paré de ses fruits appétissants, l’on prépare des petits pains, les bara an anaon, les pains des trépassés, qui vont, une fois bénis par le recteur de Plougastel ou les moines de Landévennec, être disposés sur une table à l’entrée des chapelles de la paroisse, avec des corbeilles de pommes, bénites, elles aussi. Les membres de la confrérie concernée se réunissent alors dans le placitre de la chapelle afin de procéder à la mise aux enchères de l’arbre, enchères pieusement truquées, ce que nul n’ignore, car il est convenu d’avance que l’arbre des Trépassés ira à l’une des familles affligées par un deuil durant les derniers mois, famille choisie d’avance et devant d’obligation appartenir au breuriez. Cette restriction n’interdit cependant ni aux autres paroissiens ni même aux étrangers de participer à la vente et renchérir tant que faire se peut puisque le but est de recueillir le plus d’argent possible pour célébrer des messes pour les défunts. Chaque enchère doit être, selon les derniers prix pratiqués, de 5 à 10 euros, et cela montera vite puisque c’est pour la bonne cause.

Les cloches sonnent pour annoncer le début de la vente, le célébrant fait trois fois le tour de l’assistance, de gauche à droite, et d’est en ouest, en bénissant. Comme convenu, lorsque la somme recueillie semble honorable et que personne ne se manifeste plus, la famille désignée d’avance renchérit une dernière fois et emporte l’arbre. Cela fait, il en distribue les fruits aux enfants et aux personnes âgées car la cérémonie symbolise aussi le cycle de l’existence, de l’enfance à la vieillesse.

Le pain des trépassés

S’il arrive et, avec les progrès de la médecine, la chose se fait plus fréquente, que la confrérie n’ait pas connu de décès ces douze derniers mois, l’enchère se fait au profit d’un couple en attente de progéniture, car l’arbre des défunts est aussi promesse de vie. L’assistance entonne ensuite en breton le populaire Cantique des Trépassés et, à la fin du chant, gagne la table où pommes et pains bénits attendent d’être vendus, eux aussi au profit des morts. Chaque famille acquiert autant de pains qu’elle compte de membres, sans oublier les absents. Ces pains seront mangés au repas du soir ou mis de côté pour ceux qui ne sont pas là et les mangeront à leur retour. Si ces pains étaient mal conservés et moisissaient dans la huche ou l’armoire, ce serait mauvais signe, et s’il en reste encore à la Toussaint suivante, il faut d’urgence les brûler, façon antique de les donner aux morts.

La vente finie, l’on partage café noir et gâteaux. Ainsi, le temps de cette cérémonie, les vivants communient avec ceux qu’ils aimaient déjà passés dans l’Au-delà, avant que leurs offrandes soient déposées au pied de la Croix, le véritable arbre de vie.

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