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Né en 1637, issu d’une famille riche, Charles Démia renonce à la vie mondaine. Il consacre toute sa fortune personnelle à ses œuvres. Prêtre diocésain, il est nommé par l’archevêque de Lyon visiteur extraordinaire du diocèse. Au cours de ses visites dans les paroisses, il découvre le peu de culture religieuse des fidèles, dont il rédige le constat dans un rapport intitulé Remontrances. Le mérite de ce rapport, rédigé en 1666, est de proposer des solutions basées sur l’éducation en priorité des enfants. Il préconise à cet effet la mise en place d’écoles primaires pour les enfants pauvres :
"De ce peu de soin qu’on a d’élever les jeunes gens, écrit-il, s’ensuit la prodigieuse ignorance de Dieu, qu’ils sont néanmoins obligés de connaître, d’aimer et de servir, s’ils veulent avoir part en son Royaume. Mais comment le connaîtront-ils ? s’ils n’ont des Maîtres qui les instruisent. Comment les Maîtres les instruiront-ils ? si quelqu’un ne les entretient. Qui les entretiendra ? si le corps de Ville, les Curez et Marguilliers de chaque Paroisse n’entreprennent cette dépense ?"
Des écoles gratuites
Par "jeunes gens", il entend les garçons mais aussi les filles, même s’il témoigne de l’esprit du temps quant à l’idée que l’on se faisait de la femme :
"Si la bonne instruction est si nécessaire dans les pauvres garçons, elle ne l’est pas moins pour la gloire de Dieu & le bien public dans les Pauvres Filles ; Ce sexe ayant d’autant plus besoin d’être soutenu par la vertu, que la faiblesse est grande, & que de leur bon commencement dépend leur fin heureuse."
Son ouvrage, qui sera réédité en 1668, va toucher un plus large lectorat et va inciter d’autres diocèses à la création d’écoles gratuites. Ses préconisations ne sont pas improvisées mais le fruit de sa pratique, d’une lente expérience de vingt ans sur le terrain.
L’école a besoin de maîtres formés
On lui doit aussi en 1672 l’ouverture du séminaire Saint-Charles qui est en quelque sorte le premier centre de formation des maîtres en France, une sorte d’École normale. Pour devenir maître, il faut une licence d’enseigner : celle-ci est octroyée pour une ou trois années, renouvelable éventuellement une fois. Peu de jeunes ont une vocation pour devenir maître et pourtant, paradoxalement, ceux qui sont nommés ne sont pas retenus longtemps. On peut critiquer cette défaillance de recrutement mais surtout le fait que très souvent le maître s’améliore avec les ans et la pratique.
Le premier directeur diocésain
Cette même année de 1672, son archevêque nomme Charles Démia coordinateur de l’ensemble des petites écoles du diocèse ; bien avant l’heure, il joue le rôle de directeur diocésain de l’Enseignement catholique, véritable délégué épiscopal dans le domaine éducatif. Ses qualités d’administrateur sont exceptionnelles. Il organise un "Bureau des écoles", c’est un conseil de direction et de surveillance. On emploierait plutôt aujourd’hui l’expression "Conseil de tutelle". Ce bureau est composé de seize personnes dont la moitié sont des laïcs. D’après les statuts de cette association, le directeur sera toujours un ecclésiastique et le trésorier sera toujours un laïc. Le bureau doit se perpétuer par cooptation. Les membres de ce Bureau sont mandatés pour inspecter les écoles. Ils vérifient les registres d’absence et d’assiduité, ils interrogent les élèves au hasard sans être présentés par le maître, ils vérifient le degré de lecture des élèves et la qualité de leur prononciation. Pour les critiques sur l’enseignement du maître, l’entretien pour lui donner conseils et recommandations se fait toujours en dehors de la présence des élèves.
Une pédagogie novatrice
L’apport pédagogique de Charles Démia est loin d’être négligeable. Il incite le maître à prendre en charge successivement chaque classe de l’école. Le maître doit être capable d’enseigner dans tous les niveaux. Quand il quitte une classe pour une autre, il la confie à des élèves de confiance qu’on appelle les "officiers". Ces derniers ont la responsabilité de faire régner le calme et une atmosphère studieuse tout en aidant dans leurs exercices les élèves qui ont le plus de mal, c’est le principe de ce que l’on appellera "l’enseignement mutuel".
Tous ces conseils, préceptes et recommandations sont explicités dans son ouvrage Règlements pour les écoles de la ville et diocèse de Lyon. On y trouve la description méticuleuse de l’emploi du temps d’une journée. Le silence pour les élèves est exigé, mais aussi pour les maîtres, qui doivent parler "très rarement et fort bas". Pour remplacer la parole, on met en place tout un système de signes, une sorte de télégraphie scolaire. Pour faciliter l’écriture, l’orthographe est réformée : par exemple, sont supprimées les lettres qui ne se prononcent pas comme le p dans "baptême" ; pas de lettres doubles inutiles comme "afaire" ou "aporter"… Ajoutons que si, en fin de journée, il reste un peu de temps, on pourra le consacrer à un travail manuel, plutôt rudimentaire.
Un précurseur
Injustement méconnu, Charles Démia a posé, bien avant Jean-Baptiste de La Salle, des jalons pédagogiques fort pratiques, parfois critiquables, mais souvent pertinents et précurseurs. Ce prêtre obscur du XVIIe siècle, qui mourut en 1689, qui inventa la fonction de directeur diocésain de l’enseignement catholique, fut sans conteste l’un des fondateurs de l’instruction populaire en France.
Pratique