Majoritairement connu en France, pour ses romans autobiographiques (La Gloire de mon Père et Le Château de ma Mère pour les plus connus), Marcel Pagnol est un artiste à l'œuvre prolifique et aux nombreuses casquettes, dont celle de réalisateur et scénariste de films. À l’occasion des 50 ans de sa disparition, il se fraie de nouveau une place dans notre paysage culturel estival. Depuis le 24 juillet, et ce, un peu partout en France, dix de ses longs-métrages en version restaurée ressortent en salles. Portés par des acteurs emblématiques tels que Raimu ou Fernandel, ces films mêlent comédie et tragédie avec finesse. L’occasion pour chacun de (re)découvrir des histoires et des personnages pleins d’humanité, parfois irrigués par les questionnements spirituels de son auteur.
“Tu me fends le coeur !”
Cette réplique ne dira peut-être rien à certains mais évoquera beaucoup à d’autres, et notamment une partie de cartes entre amis dans Marius, premier volet de la célèbre “Trilogie Marseillaise” (complétée par Fanny et César). Cette trilogie constitue une sorte d’œuvre-somme, réunissant les thèmes et les caractères qui font la richesse de Pagnol. Tout d’abord, l’amour, omniprésent. Qu’il soit entre un homme et une femme n’osant pas s’avouer les sentiments qu’ils éprouvent l’un pour l’autre, ou entre un père et son fils, freinés leur pudeur caractéristique. Au-delà des colères, des rires et des sacrifices, c’est l’amour qui apporte le point final. “Le père, c’est celui qui aime” dira César à son fils Marius, phrase au (presque) lointain écho théologique. Autre grande qualité des écrits et longs-métrages de Pagnol : ses personnages vivent dans un monde qui apparaît comme plus simple, moins artificiel que peut le construire la société moderne. Leur existence se fonde sur la famille et l’amitié, bien loin des préoccupations accessoires. Seul bémol : l’argent et l’adultère viennent par moment graviter autour des personnages, tantôt comme objet de blague et/ou de convoitise, tantôt comme mise en avant de leur influence néfaste.

“Maître à bord, après Dieu !”
Mais est-ce que Dieu trouve une place dans toutes ces histoires ? Fils d’un instituteur anti-clérical, dont le portrait est dépeint dans La Gloire de mon Père, Marcel Pagnol accorde régulièrement une place, plus ou moins importante, à Dieu. Il se fait présent dans les répliques des personnages, parfois utilisées comme simple occasion d’un bon mot ou d’un juron. Toutefois, les adresses qui lui sont faites sont parfois bien réelles. Le capitaine Escartefigue s’emploie à placer Dieu comme véritable capitaine de son bateau. Il est pour beaucoup celui qui guide et conduit la vie de chacun. Parmi les autres évocations de Dieu et de la religion, il y a la figure notable du curé du village qui apparaît plusieurs fois dans les récits de Pagnol, et ce notamment dans César. Dans ce long-métrage, il n’est pas simplement la figure grossière du prêtre arriéré et sévère, comme elle peut apparaître parfois dans les fictions prenant place au début du XXe siècle, mais celui qui se fait représentant de la miséricorde de Dieu. La confession y est dépeinte comme le sacrement apportant la paix au personnage de Panisse. Et comment parler de la Provence et de Marseille, sans parler de la “Bonne Mère” ! Notre-Dame de la Garde trône dans la cité phocéenne, et le personnage de Fanny n’hésite pas à aller s’y recueillir, demandant à la Vierge Marie de l’accompagner dans ses difficultés.
Les personnages décrits par Marcel Pagnol ne semblent pas si éloignés de qui il était. Habité par une certaine conscience de Dieu et de son action dans notre vie, ses récits sont teintés de questionnements à son propos. Il n’est alors pas étonnant de découvrir qu’à sa demande, ses obsèques ont été célébrées à l’église Saint-Honoré d'Eylau à Paris, par l'abbé Norbert Calmels, dont il s’était fait l’ami. Cette rétrospective cinématographique nous donne une occasion toute trouvée de rencontrer au travers de son œuvre un auteur au regard unique et à l’âme en recherche de Dieu.
Pratique :