Rare est le témoignage d’un père sur la mort de son petit enfant. Il est d’autant plus précieux qu’il relate avec une clarté, une sincérité et une humilité déconcertantes tout ce qu’un père est capable d’offrir à sa fille dans un condensé de vie qui n’a duré que cinq jours. Le 11 avril 2022, Charles de La Verrie, 40 ans, marié et père d’une petite fille de 3 ans et demi, est confronté au décès de sa seconde fille, Marie, cinq jours après sa naissance, atteinte d’une forme grave de spina bifida. Il confie à Aleteia comment il a traversé cette épreuve et rempli "de son mieux" son rôle de père.
La maladie de Marie a été détectée au cours de la première échographie. Le spina bifida, deuxième cause de malformation après la trisomie, est une malformation congénitale caractérisée par une fermeture incomplète de la colonne vertébrale et des membranes entourant la moelle épinière. Le bébé de Charles et Perle est atteint de la forme la plus grave qui rend impossible toute opération in utero. Les médecins ne savent pas combien de temps leur fille vivra, quelques minutes, quelques heures ou quelques jours. Néanmoins, forts de leur préparation au mariage pendant laquelle ils avaient évoqué cette éventualité, Charles et Perle décident de mener la grossesse à son terme "pour accueillir et rencontrer" leur fille. "La pression médicale a été assez dure mais avant notre mariage nous avions décidé que si nous avions un enfant porteur de handicap, nous l’accueillerions", souligne Charles.
Un père
Marie, accompagnée, soutenue et choyée par ses parents, va finalement vivre cinq jours. Cinq jours que Charles et Perle vivent ensemble, accrochés au souffle de leur fille. Cinq jours marqués par la douleur, la révolte, la peur, mais surtout par un immense amour pour leur fille. Cinq jours pendant lesquels Charles assume véritablement son rôle de père. La vie de Marie, douloureusement brève, offre à Charles la possibilité d’être un père protecteur, aimant, encourageant... Il n’a de cesse, durant ces quelques jours passés dans un service de néonatologie d’un hôpital parisien, de lui dire qu’il l’aime et qu’il est fier d’elle. Il lui raconte des histoires, la câline, la protège… "Pendant toute la grossesse et durant sa courte vie, nous avons joué notre rôle de parents. Nos choix ont été dictés que par un seul objectif : donner le meilleur à notre fille", confie Charles.
"Le plus beau cadeau que nous ayons eu dans cette histoire d’amour, c’est de l’avoir rencontrée."
"Son existence n’a duré que cinq jours mais c’est toute une vie qu’elle a vécu. Mon rôle de père a été celui de n’importe quel père vis-à-vis de son enfant. La protéger du danger, être présent, lui parler, la rassurer, lui dire que je l’aime…" Charles accueille ces cinq jours comme un cadeau : "Le plus beau cadeau que nous ayons eu dans cette histoire d’amour, c’est de l’avoir rencontrée. D’avoir pu la tenir dans nos bras, la réconforter, sentir son odeur, l’embrasser… Nous sommes sûrs que ce choix n’était pas égoïste de notre part, car Marie nous l’a bien rendu : elle a eu une vie."
Un époux
Charles et Perle traversent cette épreuve en couple, main dans la main. "Nous avions toujours convenu avec Perle que nous resterions soudés pour affronter les moments difficiles", souligne Charles. "Quand on nous a dit que notre enfant ne vivrait que quelques heures ou quelques jours, je tenais à ce qu’on les vive ensemble". L’équipe médicale facilite les choses afin que Perle puisse rapidement rejoindre le service de néonatologie. Charles et Perle vivent chaque événement de la vie de Marie en couple, même si bien sûr cela n’exclut pas quelques tensions, et ils ont été d’un soutien incroyable l’un pour l’autre. Dans la nuit du 11 avril, ils sont tous les trois dans la chambre, Perle et Marie s’endorment l’une contre l’autre. Perle s’est réveillée mais Marie non. "Marie s’est endormie dans les bras de sa maman pour rejoindre ceux de la Sainte Vierge", dira Charles le jour de son enterrement.
Charles constate que Perle et lui ne vivent pas le deuil de la même manière. "Une fois, Perle m’a demandé pourquoi je ne pleurais pas", se souvient-il. Il lui a simplement répondu que tous les deux ne pleuraient pas au même moment. Pour Charles, tout réside dans le dialogue. Un espace que le couple s’offre tous les soirs en dînant en tête-à-tête, pour "pouvoir parler, discuter de tout et de rien."
Un chrétien
En tant que catholiques, Charles et Perle ont souhaité donner les sacrements à leur fille. Ils ont préparé son baptême, accompagnés par l’aumônier de l’hôpital, et Marie a été baptisée et confirmée juste après sa naissance. "Si nous n’avons eu aucun doute pour l’administration des sacrements, cela a été plus dur de rester proche de Dieu. Il y a des questions pour lesquelles nous n’avons toujours pas de réponse : pourquoi un bébé est-il touché par le mal ? Pourquoi Dieu n'a-t-il rien fait ?". Charles évoque les difficultés qu’ils ont eues à poser ces questions à des prêtres, par crainte de réponses convenues. Mais les deux prêtres qu’ils ont côtoyés, pour le baptême de Marie puis pour son enciellement, les ont au contraire invités à exprimer leur colère, leur tristesse face à Dieu. "Le fait d’associer Dieu à notre colère, à notre douleur, a permis de ne pas nous couper de Lui", témoigne-t-il.
Outre cette courte vie pour laquelle elle s’est battue, Marie a offert autre chose à ses parents : la certitude que la mort n’est pas une finalité. "Elle nous a montré que la mort n’est pas une finalité, ce n’est pas la fin, la vie est au-delà de la mort. Grâce à elle, je n’ai plus peur de la mort", confie Charles. L’enciellement de Marie a lieu le 19 avril 2022. Un mot que Charles ne connaissait pas avant la naissance de Marie mais qui exprime exactement ce qu’a vécu sa fille. "Marie n’a jamais commis de péchés, elle a été baptisée et est allée directement au Ciel, ce n’est donc pas un enterrement mais un enciellement", souligne-t-il. "Et ce n’est pas un ange, aime à souligner Charles, c’est une sainte." Du haut du Ciel, Marie veille donc sur sa famille, qui continue de s’agrandir puisqu’une nouvelle naissance est prévue pour Noël.
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