90 : c'est le nombre d'actes antichrétiens recensés pour l'année 2023 par l'organisation israélienne de dialogue interreligieux Rossing Center dans son rapport du 4 juin. Si l'année avait été émaillée de plusieurs incidents frappants par leur violence, à l'image de la multiplication des crachats sur les pèlerins ou les hommes d'église, aucun document ne permettait jusqu'ici de donner une appréciation concrète et numérique de ce phénomène. C'est ce qui a motivé le Rossing Center, basé à Jérusalem et qui se donne pour mission la cohabitation des différentes religions en Israël et en Palestine, à chiffrer ces données, dans le but affirmé de " générer des idées et des solutions pour lutter contre le phénomène." En 2021, les responsables des Églises chrétiennes de Jérusalem s’alarmaient déjà d’une montée de l’insécurité dans une déclaration : "Partout en Terre sainte, les chrétiens sont devenus la cible d’attaques fréquentes et soutenues de la part de groupes radicaux", alertaient-ils.
Le rapport relève l'impossibilité de comparer ces données avec les années précédentes puisque non documentées. Il pose toutefois le constat d'une "recrudescence de diverses formes d’hostilité", à commencer par le harcèlement verbal qui prend la forme d'insultes, de "propagande antichrétiens" ou encore des manifestations durant des rassemblements chrétiens. L'organisme en répertorie ainsi onze. Ce sont les attaques physiques contre les personnes qui sont les plus nombreuses : le Rossing Center fait état de 30 cas connus de crachats et de sept agressions violentes contre des chrétiens. Dernier cas en date : l'agression d'un moine bénédictin par deux jeunes juifs orthodoxes, qui avait subi crachats et intimidations pour retirer sa croix. Le rapport ne donne cependant qu'un chiffre sous-estimé, la majorité des victimes de ces actes humiliants ne portant pas plainte. Les églises sont elles aussi de plus en plus visées, avec 32 tentatives d'intrusion, jets de pierre sur les édifices ou perturbations pendant le culte. En février 2023, la chapelle de la Condamnation, située dans la Vieille ville de Jérusalem, avait par exemple été vandalisée, avec une statue du Christ brisée. Devant la multiplication de ces violences, et afin de mieux les documenter, Yisca Haranue, juive israélienne devenue figure du dialogue interreligieux, avait même fondé en juin 2023 le Centre de données pour la liberté religieuse, qui permet de signaler tous les incidents dont sont victimes ou témoins des chrétiens, "de les porter à l'attention des institutions concernées et de leur demander instamment qu'elles utilisent les moyens et mesures à leur disposition pour y remédier."
Un fort nationalisme chez les jeunes
Si le ciblage des chrétiens "n'est pas directement encouragé par les dirigeants israéliens ou les autorités", il est néanmoins corrélé à l'évolution du "climat sociopolitique" lui-même marqué par un glissement vers l'ultra orthodoxie et par un nationalisme croissant, soulève le rapport. Ce nationalisme teinté de sionisme est particulièrement prégnant chez la jeunesse israélienne, qui se montre de plus en plus virulente. En 2023, 187.000 chrétiens vivaient en Israël, soit 2.000 de plus que l’année précédente, d'après le rapport du Service central des statistiques israélien (CBS) publié en décembre 2023. Ils sont près de 26.000 de plus qu’il y a dix ans, et représentent 1,9% de la population israélienne.