Hommes politiques, écrivains, acteurs… Plus de 700 personnes se sont retrouvées lundi 3 juin dans un théâtre parisien pour une soirée de mobilisation contre l'antisémitisme, organisée par la revue La Règle du Jeu. Plusieurs d’entre elles sont intervenues sur scène pour dire leurs inquiétudes ou leur désarroi face à l’inquiétante montée de l’antisémitisme en France depuis les attaques du Hamas le 7 octobre dernier. Au premier trimestre 2024, quelque 366 faits antisémites ont été recensés, un bond de 300% sur un an, selon des chiffres annoncés par le Premier ministre, Gabriel Attal, il y a quelques jours.
Vous n'êtes pas seuls
Parmi ces actes, l’incendie criminel d’une synagogue à Rouen le 17 mai dernier qui a fait des dégâts considérables à l’intérieur, même si la façade, située rue des Bons Enfants, non loin de la place du Vieux Marché où a été brûlée vive Jeanne d’Arc, est restée intacte. L’émotion avait alors été très vive, non seulement pour la communauté juive locale mais bien au-delà à travers tous les habitants et notamment les catholiques. Intervenant sur scène pour conclure cette soirée contre l’antisémitisme, le grand rabbin Haim Korsia a appelé à ne pas céder "à la peur, à la désespérance" assurant au public “vous n'êtes pas seuls". Et c’est pour appuyer son propos qu'il a ainsi raconté le bouleversant message d’espérance qu’il a reçu des chrétiens en mai dernier.
Il raconte ainsi que, suite à l’incendie de la synagogue de Rouen, il s’est aussitôt rendu sur place et il a constaté que l’intérieur de la synagogue était totalement détruit et brûlé, “inutilisable”. Mais qu'aussitôt, Mgr Lebrun, archevêque de Rouen, a mis à leur disposition une première salle du diocèse pour prier et une deuxième salle pour faire le repas de Shabbat. “Il aurait pu se contenter de cela, mais pas du tout”, reprend le rabbin. “Il a fait l’accueil des gens, il a fait la prière avec nous, il a dîné avec nous, et il est revenu le lendemain”, ajoute visiblement ému le grand rabbin qui se reprend, avec son humour légendaire, “je suis à deux doigts de la conversion avec l’évêque !"
Haïm Korsia a conclu son propos pour assurer à l’assemblée que ce message de fraternité est un message d’espérance. Et de raconter une anecdote avec Mgr Lebrun. Au lendemain de l’incendie, et après avoir participé à la prière avec la communauté juive, il a demandé au grand rabbin de le suivre dans les toitures et greniers poussiéreux de la cathédrale de Rouen, où il a soulevé une trappe discrète ouvrant sur une pièce sombre de 40 m2. “Cette salle a servi à cacher des juifs pendant la guerre”, a ainsi expliqué l'évêque de Rouen au grand rabbin. A Rouen, le message d’humanité et de fraternité, entre juifs et chrétiens, est bel et bien visible.