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Il fallait oser. Il arrive un moment où les arguments de la raison ne portent plus. C’est souvent le cas dans nos débats sur les lois sociétales : plus personne n’écoute. Plus personne ne convainc. Il ne reste que le choix de l’invective, du silence ou de l’humour. Dans un petit livre alerte et bien écrit, le romancier Matthieu Noli a choisi l’humour. Faire de l’humour sur l’euthanasie : il a osé. Faire rire pour corriger les mœurs, castigat ridendo mores, corriger les lois sociétales en riant, c’était déjà la devise de la troupe de Molière. Elle reste particulièrement bienvenue à présent que les tartuffes ont changé de camp.
Chroniques euthanasiques
Matthieu Noli, donc, a publié aux éditons Salvator un recueil de nouvelles qui porte la plume dans la plaie de notre société. Les histoires racontées se déroulent dans un futur proche, alors que l’euthanasie et le suicide assisté ont été légalisés. Et tout se passe très bien. Et la société française se sent mieux. On découvre une vieille dame dépendante, propriétaire d’un appartement parisien qui, sous la pression de sa descendance et de son conseiller fiscal, se laisse convaincre de céder sa place dans ce monde terrestre en acceptant par amour — au sens le plus bourgeois qu’on peut donner à ce mot : par amour patrimonial — de se faire euthanasier. Impossible de résister à la pression. La cérémonie est minutieusement préparée. Elle est émouvante. "C’était un moment à la fois joyeux et triste parce que c’est toujours mieux de savoir que notre dignité sera rigoureusement respectée."
Avons-nous le droit de rire de tout ? Il arrive que nous en avons le devoir.
Il y a ce médecin amoureux dont la bien-aimée doit annuler le rendez-vous galant car elle a prévu ce jour-là de recourir au suicide assisté. Il y a la déprime du soignant lassé de manier la seringue létale et que des médicaments sont sensés consoler. Il y a ce départ à deux d’un couple de bobos qui avait programmé une fin de vie assistée et concomitante, à faible bilan carbone, mais dont l’un des deux finit par avoir peur. Lady first, Madame part la première. Monsieur ne veut pas la suivre. Il y a ce conseil d’administration d’un groupe gérant des Ephad privés : "On ne va pas se mentir, les chiffres sont mauvais." La légalisation de l’euthanasie a vidé les maisons de retraite et fait la fortune des sociétés de pompes funèbres. Dans une société où la mort n’est plus refoulée comme aujourd’hui, mais transformée en marqueur du progrès, il faut changer de modèle économique. Les soignants se font croque-morts. La crémation remplace la conversation. Nouveaux usages, nouveaux métiers. Il y a encore d’autres récits de ce genre, tous édifiants.
L’Église ne peut pas se taire
Avons-nous le droit de rire de tout ? Il arrive que nous en avons le devoir. Montrer l’ignominie de la culture de mort qui ne cesse de prendre le pouvoir dans notre monde ne peut plus se faire par des leçons de morale : il faut émouvoir autrement. Notre Sainte Église, sur les sujets sociétaux, reste marquée par une interminable série d’humiliations : elle s’est battue contre la loi Naquet de 1875 instaurant le divorce avant de la défendre quand il s’est agi de l’assouplir ; elle a successivement condamné puis défendu la loi Veil qui se bornait à dépénaliser l’IVG, combattu puis défendu le PaCs, lutté contre la loi Leonetti qu'elle défend aujourd'hui. Ce combat en retraite peut sembler désespérant et cependant l’Église sait qu’elle n’a pas été instituée par la Christ pour séduire le monde mais pour lui dire la vérité. Elle doit rendre compte de l’espérance qui est en elle à temps et à contretemps, sous les crachats. Non parce qu’elle possède la vérité, mais parce que la Vérité la possède. Elle ne peut pas se taire. Un peu de rire dans cette vallée de larmes ne peut pas nous faire de mal. Lisez Matthieu Noli, vous aurez moins envie de mourir !
Pratique