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Sainte Agnès, l’effrontée de Dieu

Sainte Agnès de Rome

HERITAGE ART / HERITAGE IMAGES / AURIMAGES

Sainte Agnès de Rome protégée par un ange, circa 1620, Alessandro Turchi.

Anne Bernet - publié le 20/01/24

Poussée par l’Esprit saint à témoigner de sa foi, la toute jeune Agnès osa affronter la justice romaine au mépris de la loi et de sa vie. Elle mourut martyre. L’Église fête sa mémoire le 21 janvier.

Ce n’est plus un cortège de funérailles mais une manifestation tant la foule est nombreuse, ce 22 janvier 305, à remonter la Via Nomentana à Rome en direction du cimetière privé qu’y possède une riche famille. Une mort tragique, à plus forte raison celle d’une très jeune fille, émeut toujours, mais l’adolescente de 12 ans que l’on enterre a péri la veille, victime d’une décision de justice, pour s’être publiquement affirmée chrétienne. Comme l’édit de persécution générale publié en mars 304 interdit le christianisme dans l’Empire, envoyant au bourreau ceux et celles qui refusent d’apostasier, rendre ainsi hommage à une suppliciée est une provocation susceptible d’attirer de gros ennuis. 

La grande jeunesse de la martyre

Des païens agacés, au passage du cortège, exigent des sanctions et, comme la police n’intervient pas, certains excités hurlent des menaces ou lancent des pierres. Sans effrayer cette foule calme et recueillie, soulevée par l’exemple de la défunte. Beaucoup dans l’assistance, à cinquante ans de là, quand Rome se sera donnée au Christ, s’en souviendront encore assez pour raconter les événements au pape Damase et à l’évêque Ambroise de Milan qui y feront écho dans leurs écrits. Heureusement, car dans le climat de terreur et de désorganisation de l’époque, les services de l’Église chargés de récupérer et conserver les actes des martyrs ne fonctionnent plus et le récit qui nous est parvenu, tardif, est un pieux roman historique.

Ce dont nous sommes sûrs, parce que cela a choqué, c’est la grande jeunesse de la martyre, à peine sortie de l’enfance. Elle se nomme Agnès, prénom de baptême venu du grec agnè qui signifie “pure, chaste”, et évoque le latin agnus, agneau, animal qui restera attaché à la petite.

À la consternation du juge

La famille est riche. Est-ce cela qui a provoqué l’arrestation d’Agnès ? Sa passion prétend que l’adolescente, ravissante, a attisé les convoitises d’un garçon qui, sa demande en mariage repoussée, l’a par dépit dénoncée aux autorités. Une autre version est plus crédible. Échappant à la surveillance de ses parents, Agnès se serait rendue seule au prétoire du préfet urbain devant lequel sont déférés les chrétiens arrêtés ; c’est un usage ancien d’aller soutenir les coreligionnaires appelés à rendre témoignage de leur foi en se mêlant aux curieux. En principe, cette présence silencieuse suffit à soutenir le courage des martyrs mais il arrive que, sous l’influence du Saint-Esprit, un spectateur se sente appelé à témoigner, lui aussi. Ce qu’a fait Agnès qui, conformément à la loi, a été aussitôt interpellée, présentée au tribunal et s’est affirmée chrétienne. À la consternation du juge qui devrait sans discuter l’expédier à la mort mais cherche un moyen d’éviter ce dénouement. 

Aucun homme ne m’aura, sinon Celui qui, le premier, m’a choisie. Ne perds pas ton temps. Périsse ce corps que peuvent aimer des yeux que je n’agrée pas.

Bon père de famille, fatigué du métier qu’il est obligé de faire, ce magistrat répugne, ce qui est rare alors, à tuer des enfants, et c’est en enfant qu’il la traite, soutenant qu’elle ne sait pas ce qu’elle dit et lui enjoignant de rentrer chez ses parents. Mais Agnès sait très bien ce qu’elle fait et le dit avec une insolence au-dessus de son âge. Le juge lui parle alors comme à une adulte : “Petite demoiselle, trouve un gentil mari. Tu es trop jeune et jolie pour avoir envie de mourir sans avoir goûté au bonheur.” Agnès rétorque, indignée : “Aucun homme ne m’aura, sinon Celui qui, le premier, m’a choisie. Ne perds pas ton temps. Périsse ce corps que peuvent aimer des yeux que je n’agrée pas.”

Condamnée au lupanar

Le juge recourt alors à un procédé haïssable mais qui fonctionne parfois avec les chrétiennes : remplacer la peine de mort qui ne les effraie pas par une condamnation au lupanar. Devant l’horreur de la prostitution, certaines abjurent. Pas toutes. Une autre prévenue a déclaré voilà peu : “À quoi me servirait-il de rester pure pour l’amour de mon Dieu si, pour le rester, il me fallait d’abord Le renier ?” Implacable et sage logique qu’Agnès fait sienne : “Si j’aime mon Dieu, je suis pure, si je le touche, je suis chaste, si je le possède, je suis vierge. Au demeurant, ne crois pas le Christ si oublieux des siens qu’il me laisse sans secours et permette qu’on attente à ma pudeur.”

Bien que l’histoire fasse sourire aujourd’hui, il semble, en effet, que Dieu n’ait pas voulu décevoir l’enfant héroïque. Soit que son ange gardien se soit en effet interposé entre la fillette exposée nue dans la maison de passe près du cirque de Domitien, l’actuelle piazza Navona, à l’emplacement de l’église Sant’Agnese in agone, vêtue seulement de ses longs cheveux, soit que les clients, apitoyés ou superstitieux, aient préféré ne pas l’approcher, plus chanceuse que tant d’autres chrétiennes, jeunes ou vieilles, exposées des années parfois à ce sort honteux, “plus saintes et plus oubliées des martyres” dit-on parfois, Agnès ressort indemne du lupanar, contraignant le juge à la faire mettre à mort. Sa gloire sera immédiate et la basilique que Constantin fera, quelques décennies plus tard, élever sur sa tombe, deviendra l’un des sanctuaires les plus fréquentés de Rome. 

Découvrez aussi en images les pires supplices des saints martyrs :

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ChrétiensMartyrsRomeSaints
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