Joseph Ratzinger, devenu le pape Benoît XVI, concevait l’exercice de la théologie comme un service de la foi des petits. Il n’a jamais méprisé la foi populaire. La théologie devait au contraire la purifier et la protéger. C’est par cet aspect que Benoît XVI a commencé à parler de la petite Thérèse dans la catéchèse qu’il lui a consacré le 6 avril 2011 :
"La "petite Thérèse" n’a jamais cessé d’aider les âmes les plus simples, les petits, les pauvres, les personnes souffrantes qui la priaient, mais elle a également illuminé toute l’Église par sa profonde doctrine spirituelle."
On croirait lire, derrière cette remarque, un portrait de Benoît XVI lui-même !
Des combattants de la foi jusqu’à l’extrême
Chez la petite Thérèse et le pape Benoît XVI, on sent la même angoisse du salut des âmes monter lorsque la foi est rejetée. Dans le Manuscrit C (Ms), Thérèse s’écrie avec douleur :
"Aux jours si joyeux du temps pascal, Jésus m’a fait sentir qu’il y a véritablement des âmes qui n’ont pas la foi, qui par l’abus des grâces perdent ce précieux trésor, source des seules joies pures et véritables" (Ms C 5v).
Benoît XVI, dans son Testament spirituel, exhorte ses compatriotes bavarois et tous les membres de l’Église avec force :
"Tenez bon dans la foi ! Ne vous laissez pas troubler ! Il semble souvent que la science — d’une part les sciences naturelles, d’autre part la recherche historique (en particulier l’exégèse des Saintes Écritures) — ait des vues irréfutables qui s’opposent à la foi catholique…"
C’est ce genre de tentations que la petite Thérèse a dû combattre à la fin de sa vie :
"Lorsque je veux reposer mon cœur fatigué des ténèbres qui l’entourent, par le souvenir du pays lumineux vers lequel j’aspire, mon tourment redouble ; il me semble que les ténèbres, empruntant la voix des pécheurs, me disent en se moquant de moi : “Tu rêves la lumière, une patrie embaumée des plus suaves parfums, tu rêves la possession éternelle du Créateur de toutes ces merveilles, tu crois sortir un jour des brouillards qui t’environnent ! Avance, avance, réjouis-toi de la mort qui te donnera, non ce que tu espères, mais une nuit plus profonde encore, la nuit du néant”" (Ms C, 6v).
Mais Thérèse et Benoît XVI y répondent de la même manière ! La première court dans les bras de Jésus en se disant "être prête à verser jusqu’à la dernière goutte de mon sang pour confesser qu’il y a un Ciel" (Ms C, 7v). Le second témoigne de son expérience qui a traversé les décennies et réaffirme la solidité inébranlable de la foi fondée sur le Roc du Christ :
"Depuis soixante ans, j’accompagne le chemin de la théologie, en particulier celui des études bibliques, et j’ai vu s’effondrer, au fil des générations, des thèses qui semblaient inébranlables et qui se sont révélées n’être que de simples hypothèses : la génération libérale (Harnack, Jülicher, etc.), la génération existentialiste (Bultmann, etc.), la génération marxiste. J’ai vu et je vois comment, dans l’enchevêtrement des hypothèses, la raison de la foi a émergé et émerge à nouveau. Jésus-Christ est vraiment le chemin, la vérité et la vie — et l’Église, dans toutes ses imperfections, est vraiment Son corps."
Tous deux meurent dans un même acte d’amour
En mourant, Benoît XVI dit les mêmes dernières paroles que Thérèse sur son lit de mort : "Mon Dieu, je vous aime." Ils témoignent jusqu’à l’extrême d’une vie placée sous le signe du primat de la charité. La petite Thérèse s’est offerte en holocauste à l’amour miséricordieux de Dieu après avoir découvert à quel point il désirait déverser les flots de sa tendresse infinie sur les hommes. Benoît XVI a consacré sa première encyclique au mystère de l’amour Deus caritas est dans laquelle il "désire parler de l’amour dont Dieu nous comble et que nous devons communiquer aux autres". Il voulait rappeler que pour Dieu, toute créature "lui est chère, puisqu’elle a été voulue précisément par Lui-même, qu’elle a été “faite” par Lui." À la différence de la divinité des philosophes, qui
"n’a besoin de rien et n’aime pas […] le Dieu unique auquel Israël croit et aime personnellement. De plus, son amour est un amour d’élection : parmi tous les peuples, il choisit Israël et il l’aime, avec cependant le dessein de guérir par là toute l’humanité" (Deus caritas est, 9).
Voilà le Dieu qui a fasciné la petite Thérèse ! Résumons : pour Thérèse et Benoît XVI, il faut préserver à tout prix la foi des petits. Cette foi consiste, pour l’essentiel, dans cette folie de croire au primat absolu de l’amour de Dieu pour nous. Pour la faire grandir dans le peuple de Dieu, ils luttent jusqu’à leur dernier souffle et meurent dans un ultime acte d’amour. Il y aurait beaucoup à dire encore sur les liens qui rapprochent Thérèse et Benoît XVI. Qu’ils nous aident tous, depuis le ciel, à croire contre vents et marées à la folie de l’amour de Jésus pour nous !
Pratique :