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Sciences Po : un naufrage moral qui interroge

Sciences Po AFP

Sciences Po, rue Saint-Guillaume (Paris).

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Jeanne Larghero - publié le 08/12/23
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Alors que Sciences Po, le prestigieux établissement de la rue Saint-Guillaume, est frappé à nouveau par un scandale de mœurs, la philosophe Jeanne Larghero se pose la seule question qui vaille : qu’est-ce qu’une vraie et bonne formation ?

Sciences Po Paris, le malaise continue… Voilà que l’actuel directeur, Mathias Vicherat a tâté de la garde à vue il y a quelques jours, pour violences conjugales réciproques, mais sans dépôt de plainte, ouf. Son prédécesseur ? Frédéric Mion, contraint de démissionner pour dissimulation des soupçons d’inceste commis par Olivier Duhamel, lui-même professeur à l’IEP. Mais les faits étaient prescrits, re-ouf. Frédéric Mion, quant à lui, a succédé au quasi-règne de Richard Descoings, ​dont les seize ans à la tête de Sciences Po se terminent​ en sordide faits divers. Usage de drogues, vie de palace, ménage à trois, virées sexuelles, liaisons avec les étudiants n’étaient que des secrets de polichinelles ; mais il ne s’agit que de sa vie privée, non ? Ouf, ouf et re-ouf.

Un relativisme moral clairement revendiqué

Voilà où en est le prestigieux établissement de la rue Saint-Guillaume. Un petit conseil : qu’ils aillent recruter leur prochain dirigeant directement à la brigade des mœurs, cela fera gagner du temps à tout le monde… Ah ! mais non, on se gardera bien d’une telle ironie, car si la brigade des mœurs a changé de nom, la présomption d’innocence, elle, se doit d’être sur toutes les lèvres. Une telle généalogie laisse forcément songeur, même ceux qui pensent avoir vu pire, y compris sous nos propres clochers. On ne peut s’empêcher d’y voir un atavisme structurel, et ces directeurs successifs étant tous des anciens de Sciences Po, on finit par se demander s’il n’y a décidément pas quelque chose de pourri au royaume du Danemark, ou en tous cas rue Saint-Guillaume. Mais il est probable que le dieu finira dévoré par ses propres enfants. 

S’éduquer, c’est vouloir devenir quelqu’un de meilleur, aidons-les à choisir de bons maîtres, en toute liberté.

Le relativisme moral clairement revendiqué (qu’on s'intéresse pour cela à la liste des associations étudiantes) n’empêche pas les étudiants de clamer leur indignation : aux étudiants les #sciencesporcs et aux dirigeants le #pasvu-paspris ? Cependant on n’en n’est plus à un paradoxe : les champions du "renouvellement des élites", pour reprendre les termes de Frédéric Mion, nous amènent à nous interroger autant sur leur conception de l’élitisme que sur leur vision du renouvellement. Pierre Bourdieu lui-même doit se retourner dans sa tombe, c’est dire. Et la logique de la cancel culture, qui ne doit pas être totalement indifférente aux 77% de sciences-pistes ayant voté Jean-Luc Mélenchon en 2022 (cf. Martial Foucault, Anne Muxel, Une jeunesse engagée, enquête sur les étudiants de Sciences Po, 2002-2022), devrait même pousser ces étudiants à effacer un  jour leur embarrassant passage à Sciences Po de leur CV, il faudra leur en toucher un mot…

Où trouver une vraie formation ?

On ne cherche pas à tirer sur l’ambulance, ou à décrire la marmite du diable, mais à poser la seule question qui vaille : à l’heure où nos jeunes s’interrogent sur leur avenir, sur le choix de leurs études, qu’est-ce qu’une vraie et bonne formation ? Les meilleures études sont-elles celles qui ajouteront une ligne prestigieuse sur leur CV ? À qui confier l’enthousiasme de sa jeunesse, la fraîcheur de son intelligence, sa foi en une société meilleure ? S’éduquer, c’est vouloir devenir quelqu’un de meilleur, aidons-les à choisir de bons maîtres, en toute liberté. Devenir quelqu’un de meilleur, c’est oser affronter les défis de l’intelligence et du cœur, c’est oser affirmer qu’il existe une frontière objective entre le bien et le mal, et que cette frontière ne sépare pas les personnes à grand coups de hashtags : elle passe en réalité dans le cœur de chacun. C’est pourquoi le relativisme moral dévore en premier ses champions.

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