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Un pape pascalien devant les dissensions dans l’Église

BLAISE PASCAL

World History Archive / Aurimages

Blaise Pascal.

Denis Lensel - publié le 10/10/23

Dans ses "Pensées", Blaise Pascal considère que "les guerres civiles sont le plus grand des maux". L’essayiste Denis Lensel, auteur du "Bonheur de Pascal, lettre ouverte au pape François" (Éd. St-Léger), se demande ce que l’illustre savant aurait dit du clivage permanent entre la "gauche" et la "droite", et de la façon dont ces positionnements idéologiques ont envahi les rangs de l’Église.

Pour Pascal, la violence des guerres fratricides paraissait “le plus grand péché qu’on puisse commettre contre la charité vis-à-vis du prochain”… Au siècle de saint Vincent de Paul, le philosophe avait établi une distinction magistrale entre les niveaux de trois “ordres”, celui de la Chair des corps, celui de l’Esprit des intelligences et celui de la Charité, domaine des cœurs tournés vers l’Amour de Dieu et des hommes : il ne pouvait ainsi que déplorer la façon dont les conflits civils pervertissent les intelligences, au point de détruire en elles le sens de la Charité et de déformer l’altruisme.

Un clivage permanent

Depuis les lendemains de la Révolution française, après un déchaînement de violence manichéenne, les notions réductrices de “gauche” et de “droite” ont fâcheusement introduit un clivage permanent dans la vie politique. Même si ce clivage n’a pas, grâce à Dieu, toujours débouché sur des conflits sanglants, il a cependant provoqué des affrontements dangereux : ces oppositions frontales ont eu à plusieurs reprises une issue tragique, comme lors de la Guerre d’Espagne qui a provoqué la mort de 500.000 personnes en deux ans, comme prélude à la Seconde Guerre mondiale…

Selon qu’ils sont orientés par une option ou par l’autre, les uns confondent charité et égalitarisme jaloux : plutôt que de promouvoir le geste de donner, ils s’empressent de prendre en confisquant… Mais les autres s’obstinent à conserver aussi jalousement des acquis matériels dans des cercles fermés.

Comme une sorte de métastase de ce fléau, au XXe siècle, une contamination désastreuse a introduit ce clivage gauche-droite dans les rangs de l’Église : ceci a dévoyé et déformé la conscience morale de nombreux fidèles, et les a éloignés fatalement de l’idéal évangélique de communion fraternelle.

L’unité de l’Église fracturée

Ces notions politiques marquées par des idéologies successives avaient d’abord parasité la démocratie au point de la transformer en champ clos de conflits perpétuels ou récurrents. Elles ont ensuite fracturé l’unité de l’Église, en y important ces conflits comme des germes de discorde. En un déplorable “divertissement”, aurait dit Pascal, elles ont détourné peu à peu les chrétiens des vraies vertus théologales : après avoir perverti l’exercice de la charité, les dérives idéologiques de ces nouveaux manichéismes gauche-droite ont déformé l’objet de l’espérance et altéré le contenu de la foi…

Selon qu’ils sont orientés par une option ou par l’autre, les uns confondent charité et égalitarisme jaloux : plutôt que de promouvoir le geste de donner, ils s’empressent de prendre en confisquant… Mais les autres s’obstinent à conserver aussi jalousement des acquis matériels dans des cercles fermés. Les uns remplacent l’espérance surnaturelle par une utopie temporelle, avec des promesses illusoires de “lendemains qui chantent”, alors que les autres se réfugient dans des images idéalisées du passé, en rêvant d’un impossible retour en arrière…

Détournement du sens de l’absolu

Dans ces dérives, le sens du sacré et de l’absolu a été détourné, perverti ou manipulé dans des mutations régressives aux conséquences tragiques : en entrant aveuglément en politique, passant de la ferveur au fanatisme, des chrétiens fidèles sont partis sur les pentes de l’”extrême-gauche” ou de l’”extrême-droite”. Au milieu du siècle dernier, on a pu observer, d’un côté le syndrome Georges Boudarel, un ancien séminariste devenu commissaire politique chez les tortionnaires communistes au Vietnam, et de l’autre, le syndrome Léon Degrelle, un fervent catholique de Belgique, ancien élève des jésuites, passé peu à peu au nazisme jusqu’à devenir un soldat d’Hitler…

Même sans aller jusqu’à ces paroxysmes, trop de croyants se sont laissé embrigader dans des combats qui les ont éloignés puis coupés du véritable idéal évangélique : ils sont trop souvent passés d’un amour bienveillant à un sectarisme agressif.

Un texte pacificateur

Dans un contexte généralisé de conflits extérieurs ou intérieurs à l’Église, le pape François a publié au seuil de cet été un texte pacificateur vis-à-vis de la mémoire de Blaise Pascal, l’adversaire des guerres civiles… Le Saint-Père a mis un point final à une controverse théologique qui n’avait guère lieu d’être : il s’agit de la querelle obscure qui a opposé sur le thème de la grâce divine, voici bientôt… quatre siècles, ses prédécesseurs jésuites et les tenants de Port-Royal, qu’on a abusivement appelés “jansénistes“, et dont Pascal a été le porte-parole pendant quelque temps…

Dans sa Lettre apostolique sur Pascal, Grandeur et Misère de l’homme, le Pape constate que  “rien n’est plus dangereux qu’une pensée désincarnée” : car les “idéologies mortifères dont nous continuons de souffrir” dans divers domaines “tiennent ceux qui les suivent dans des bulles de croyance où l’idée s’est substituée au réel”. Constatant qu’”on se fait une idole de la vérité même, car la vérité hors de la charité n’est pas Dieu”, Pascal n’écrivait-il pas que “Qui veut faire l’ange fait la bête” ?

Le Bonheur de Pascal, lettre ouverte au pape François, Denis Lensel, Saint-Léger Éditions, 2023, 200 pages, 15 €.

Tags:
ÉglisePape François
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