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[HOMÉLIE] Éloge de l’adolescence spirituelle

Prier, Jeune, adolescent

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Image d'illustration.

Martin Charcosset - publié le 30/09/23

Le père Martin Charcosset, curé de la paroisse d’Écully, commente l’évangile du 26e dimanche du temps ordinaire (Mt 21, 28-32). Dans la parabole du père et de ses deux fils, la question centrale est celle de la cohérence entre les paroles et les actes. Ranimons en nous le désir de cohérence que les adolescents cherchent au fond d’eux-mêmes.

À quoi, à qui Jésus pensait-il quand il formula cette parabole du père aux deux fils qu’il veut envoyer à la vigne ? Se souvenait-il de sa propre expérience ? Vingt ans auparavant, lorsque, en pèlerinage à Jérusalem en famille, il avait ressenti quelque chose de nouveau et de très fort dans le Temple de Jérusalem : son Père l’y attendait, et l’appelait à son service. Et le petit garçon bien élevé qu’était Jésus, contre toute attente, était resté dans le Temple, à parler avec les Docteurs de la Loi, sans imaginer la folle inquiétude de ses parents qui le cherchaient partout sans le retrouver. Il avait 12 ans, il entrait dans le mystère de sa vocation, il entrait aussi dans une période de notre vie qui est une source d’espoir, de nouveauté et de confusion : bref, il entrait dans l’adolescence.

Un désir de cohérence

Longtemps, l’adolescence a eu mauvaise presse : elle était surnommée “l’âge bête”. Notre société a plutôt tendance à l’idéaliser, d’une façon non moins bête. Il reste que c’est un passage qui n’a rien de facile. Les parents se désolent : qu’est devenu mon bébé ? Mon fils se rebelle, ma fille ne m’obéit plus ! Cette jeunesse est irrécupérable ! Et pour l’adolescent, ce n’est pas plus simple : tout change pour lui, son corps et tout le reste : pour passer de la dépendance à l’autonomie, il traverse une douloureuse zone d’incertitudes. Tel Gregor Samsa, le héros de la nouvelle La Métamorphose de Franz Kafka, l’adolescent est un être devenu méconnaissable, pour ainsi dire monstrueux, et qui se demande : “Que m’est-il arrivé ?”

Cet art du lâcher-prise n’est pas une preuve de faiblesse ou un échec : il faut parler vrai, avec une calme autorité, et ensuite accompagner petit à petit.

Dans la parabole du père et de ses deux fils — l’un qui dit oui, l’autre qui dit non — Jésus met en scène l’adolescence dans son rapport complexe à la figure d’autorité ; et il nous fait toucher du doigt ce qui est passionnant avec les adolescents : c’est que l’on ne peut pas leur mentir impunément. Ils sont épris de justice, de vérité et de cohérence. Et, de ce fait, ils ont la dent dure contre les adultes qui fonctionnent sur le principe “Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais !” Ils pointent souvent sans pitié les contradictions et les incohérences de leurs parents. En revanche, celui qui sera capable de leur montrer une vie droite, celui qui leur proposera un idéal ou une aventure qui leur semblera juste, recevra leur respect et leur enthousiasme. Aussi, face à un adolescent rétif ou méfiant, qui n’obéit pas immédiatement, les parents ont souvent peu de succès quand ils se braquent et entrent en conflit. Au contraire, ils ont tout intérêt à faire preuve de patience, et à attendre que la parole qu’ils ont dite fasse son chemin dans le cœur de l’adolescent. Cet art du lâcher-prise n’est pas une preuve de faiblesse ou un échec : il faut parler vrai, avec une calme autorité, et ensuite accompagner petit à petit.

Il attend patiemment

Dans la parabole, c’est exactement ainsi qu’agit le père. Il appelle ses deux fils avec la même autorité calme et franche : “Va travailler à ma vigne.’ Mais il ne réagit pas immédiatement à la réponse des garçons. Il ne punit pas le fils qui dit non, il ne félicite pas non plus le fils qui dit oui. Il attend, patiemment, de voir ce que chacun va réellement faire. Il n’est ni démissionnaire avec le premier, ni naïf avec le second. Il prend simplement le temps nécessaire.

Le Seigneur nous appelle à sa vigne, il nous envoie à sa vigne. Il est longanime et bienveillant envers nous.

Nous en arrivons à la question centrale de la parabole, la cohérence entre les paroles et les actes. Jésus expose donc deux cas d’incohérence : celui qui dit et ne fait pas ; et celui qui fait ce qu’il disait ne pas vouloir faire. À la figure de l’adolescent casse-pieds, il oppose celle de l’adulte cynique, celui qui par politesse dit toujours « oui » mais qui perdu le sens de la vérité et la force de se convertir… c’est lui, en fait, qui a vraiment démissionné. Quelle attitude choisir ? Jésus nous le dit, plus encore que de la rébellion, ce dont il faut le plus se méfier, c’est de la suffisance qui ne sait plus se remettre en question. 

L’âge des possibles

Ainsi, si nous sommes habitués à entendre souvent Jésus nous inviter à devenir, à redevenir, semblables aux enfants, acceptons aussi qu’aujourd’hui il nous appelle aussi à redécouvrir le goût de l’adolescence spirituelle. Ce n’est pas l’âge bête, mais l’âge des possibles, l’âge des questions et des projets, l’âge des métamorphoses. Aux adultes un peu blasés, un peu cyniques, il dit : “Vous me prenez, moi, Jésus, pour un excité, un idéaliste, un rêveur. Est-ce ma conduite qui est étrange ? N’est-ce pas plutôt la vôtre ? N’est-ce pas de se sentir trop vieux pour changer qui est étrange ? De même, vous me traitez de fou et d’inconscient parce que “je me suis dépouillé moi-même en prenant la condition de serviteur” : mais ce don total de soi n’est-il pas la source du vrai bonheur ?”

Le Seigneur nous appelle à sa vigne, il nous envoie à sa vigne. Il est longanime et bienveillant envers nous. Laissons son appel résonner en nous, prenons le temps qu’il faut, et répondons-lui du fond du cœur, par toute notre manière de vivre. Pour nous sauver de l’hypocrisie et de la superficialité, qu’il ranime en nous la fougue et la passion de l’adolescence, la passion de la vérité et le désir de l’aventure.

Tags:
AdolescenceÉvangilesHomélie
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