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Le Japon, cet autre pays dont la foi doit tant à la Vierge Marie

SAINT-FRANCOIS-XAVIER-JAPON-AFP

Representation de saint François Xavier (1506-1552) missionnaire au Japon vers 1549.

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Jean-François Thomas, sj - publié le 08/08/23 - mis à jour le 07/08/24
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Impossible de comprendre l’évangélisation du Japon sans la Mère de Dieu. De saint François Xavier au père Maximilien Kolbe, partout la Sainte Vierge est présente. Et quand les chrétiens seront privés de prêtres, c’est en Marie qu’ils protègeront le trésor de leur foi.

Fête spirituelle par excellence de notre pays, puisque le royaume de France fut consacré à jamais à la Très Sainte Vierge dans son Assomption, le dogme de l’Assomption étend ses grâces dans le monde entier, ceci avant même qu’il ne fût proclamé par le magistère. L’ensemble des dogmes mariaux et de la dévotion à la Mère de Dieu participa grandement à l’expansion de l’évangélisation et à la fidélité envers la foi, notamment durant les périodes de persécution. Un exemple, parmi beaucoup d’autres mais particulièrement parlant, est celui de l’arrivée, de l’introduction, du développement et des épreuves de la foi catholique dans l’empire du Soleil Levant.

Une image de la Vierge à l’Enfant

Lorsque saint François-Xavier embarqua de Malacca pour le Japon en compagnie du père Cosme de Torrès et du frère Jean Fernandez, ainsi que de Yagiro, ce marchand japonais qu’il convertit au christianisme sous le nom de Paul de Sainte-Foi, il connut aussitôt une lutte intérieure due au Malin et à ses démons, concrétisation de la méditation des Deux étendards dans les Exercices spirituels. Les épreuves et les tragédies ne manquèrent pas sur le chemin, et son arrivée en terre japonaise, regardée comme particulièrement providentielle, se produisit le 15 août 1549, quinze ans précisément après les vœux prononcés par les premiers compagnons de saint Ignace de Loyola à Paris, au lieu du martyre de saint Denis à Montmartre. 

Abordant à Kagoshima, s’attelant aussitôt à la prédication, aux conversions puis à l’administration des sacrements, il ne passera qu’un peu plus de deux ans dans l’archipel — puisqu’il comprit très vite qu’il fallait d’abord évangéliser la Chine avant de gagner à Dieu le Japon —, mais il laissa derrière lui des communautés florissantes. Étant investi du titre de nonce apostolique pour les Indes, un de ses premiers gestes fut de rencontrer le seigneur, le daïmyo, du lieu, Takahisa Shimazu. Anjiro (qui finira pirate !), servant d’interprète, avait emporté une image de la Vierge à l’Enfant qui impressionna fort le prince et son entourage, à tel point qu’il la vénéra et qu’il laissa libre ses sujets de choisir la foi catholique. Sa mère en demanda même copie. Il est donc évident que Notre Dame avait ouvert les portes du Japon à la lumière de la vérité.

Les chrétiens cachés

Lorsque commencèrent en 1597 les terribles persécutions qui emportèrent des dizaines de milliers de fidèles, d’abord avec les 26 martyrs de Nagasaki, dont saint Paul Miki, tous ceux soupçonnés d’être disciples du Christ furent forcés, afin de vérifier leur fermeté dans la foi, de marcher sur des images saintes : la Croix ou bien l’image de la Vierge. Les tortures furent raffinées, épouvantables, mais tant furent capables de demeurer fidèles et de verser leur sang pour leur Seigneur, soutenus par leur attachement marial ! Demeurent aujourd’hui, en bien des sanctuaires et des musées, ces témoignages bouleversants de la résistance ou de la faiblesse des croyants menacés de mort affreuse. Les lecteurs du roman de Shūsaku Endō, Silence (1966) — avec ses adaptations cinématographiques de Masahiro Shinoda et de Martin Scorsese —, décrit admirablement les tourments intérieurs et physiques des  catholiques, prêtres et fidèles, pris dans ce cataclysme qui allait faire se refermer totalement les portes du Japon pendant deux cent cinquante ans.

Les "chrétiens cachés" survécurent ainsi, seuls, sans clergé, sans autre sacrement que le baptême qu’ils administrèrent à leurs enfants, durant ces siècles coupés du reste du monde. Ils cachèrent alors l’image de la Très Sainte Vierge sous les traits d’une déesse païenne, se transmettant quelques prières, dont celle de l’Ave Maria, enseignant à chaque génération après eux qu’un jour, peut-être, les prêtres reviendraient et qu’ils seraient reconnus notamment à leur amour envers la Mère de Dieu. 

Les années s’écoulèrent et ces chrétiens cachés survécurent en se regroupant sur quelques îles à l’ouest de Kyushu, suivant pas à pas un calendrier liturgique qui leur avait été légué par les derniers missionnaires.

Les années s’écoulèrent et ces chrétiens cachés survécurent en se regroupant sur quelques îles à l’ouest de Kyushu, suivant pas à pas un calendrier liturgique qui leur avait été légué par les derniers missionnaires. En 1853 prit fin l’isolement volontaire du Japon tandis que l’empereur recouvrait les pleins pouvoirs et que la capitale était transférée de Kyoto à Tokyo. Les Missions étrangères de Paris envoyèrent les premiers prêtres, dont Bernard Petitjean qui fit construire l’église des Martyrs à Nagasaki, le sanctuaire d’Oura sur la colline d’Urakami. En 1865, un an après la construction, le missionnaire eut la surprise de recevoir la visite de certains de ces chrétiens cachés, fermiers dans les environs, qui, prudemment, vinrent vérifier si ces prêtres étrangers étaient vraiment catholiques. Ils demandèrent à voir la statue de la Sainte Vierge et reconnurent alors Celle qu’ils n’avaient cessé de vénérer. Notre Dame inaugura de cette manière extraordinaire la seconde évangélisation du Japon semée d’embûches et de nouvelles persécutions.

L’épopée mariale de Nagasaki 

En 1930, débarqua à Nagasaki un franciscain mineur conventuel venu de sa lointaine Pologne avec quatre de ses frères : Maximilien-Marie Kolbe. Il avait fondé en 1917, alors à Rome, la Milice de l’Immaculée, mouvement marial de prière et d’action missionnaire. En Pologne, à Niepokalanow, il fondera une cité de l’Immaculée où il sera le gardien de la plus grande communauté au monde : 800 frères. Cependant, il décidera de répandre cette œuvre et il choisit le Japon pour le faire et pour y introduire la famille franciscaine conventuelle à laquelle il appartenait. Il achètera un terrain un peu en dehors de la ville, mal exposé, à la surprise de tous, pour fonder une petite cité de l’Immaculée, lieu de contemplation. Ce choix s’avéra judicieux et providentiel car le couvent demeura intact lors de l’explosion de la bombe atomique. Déjà atteint de tuberculose, il sera notamment soigné par un médecin japonais qui deviendra fameux dans le monde entier après 1945 : le docteur Takashi Nagai. Un mois après son arrivée, il fait déjà paraître le premier numéro du Chevalier de l’Immaculée en japonais. Ce religieux hors du commun qui donna sa vie à Auschwitz pour sauver un autre déporté mourut dans le bunker de la faim et de la soif en la vigile de l’Assomption de Notre Dame, le 14 août 1941. Ce serviteur de l’Immaculée signa ainsi de façon parfaite sa consécration.

L’épopée mariale de Nagasaki ne s’arrête pas en 1936 lors du retour du père Kolbe en Pologne. Les catholiques de la ville se préparaient à la fête de l’Assomption, notamment par la confession, lorsque la bombe atomique explosa au-dessus du quartier chrétien, à quelques pas de la cathédrale de l’Immaculée-Conception, le 9 août 1945, à 11h02. Huit mille paroissiens de cette église furent tués sur le coup, sans parler de la multitude des brûlés et des irradiés qui moururent dans les années qui suivirent. La femme du docteur Nagai disparaît dans la fournaise. Lui-même blessé et irradié, il mourra en 1951 d’une leucémie mais passera ces années à prêcher pour la paix. Catholique depuis sa rencontre avec Maximilien Kolbe, il tira un enseignement spirituel du cataclysme, prenant la parole durant la messe de Requiem célébrée devant les ruines de la cathédrale le 23 novembre 1945, comparant les victimes à un holocauste pour mettre un frein à la guerre. Son ouvrage Les Cloches de Nagasaki sera traduit dans toutes les langues, témoignage de foi, d’espérance et de charité. Il est très émouvant de découvrir, au sein de son minuscule « ermitage » où il demeura cinq ans grabataire, la statue de la Très Sainte Vierge en place d’honneur. Il rendra le dernier soupir au premier jour du mois de Marie.

La Sainte Vierge a toujours le dernier mot

Bien d’autres fioretti pourraient s’ajouter à ces premiers grains car le rosaire vivant de Nagasaki ne peut se rompre et continuera de produire des fruits. Un spectateur tiède ou incrédule pourrait s’en tenir, devant les ruines de 1945, à ces paroles de l’Apocalypse (Ap 18, 18-19):

Ils se sont écriés en voyant la place de son embrasement : Quelle ville, disaient-ils, à jamais égalé cette grande ville ? Ils se sont couvert la tête de poussière, jetant des cris accompagnés de larmes et de sanglots, et disant : Hélas ! hélas ! cette grande ville, qui a enrichi de son opulence tous ceux qui avaient des vaisseaux en mer, se trouve ruinée en un moment ! 

 Ils criaient en voyant la fumée de son incendie. Ils disaient : "Quelle ville fut comparable à la grande ville ?" Et jetant de la poussière sur leur tête, ils criaient dans les pleurs et le deuil. Ils disaient : « Malheur ! Malheur ! La grande ville, dont l’opulence enrichissait tous ceux qui avaient des bateaux sur la mer : en une heure, elle a été dévastée ! »

Mais la Très Sainte Vierge, l’Immaculée, dans son Assomption, aura toujours le dernier mot et entraînera avec Elle en paradis toute cette cohorte de martyrs et de fidèles, à la barbe de tous les démons.

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