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Se parler entre frères

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Benoist de Sinety - publié le 11/06/23
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Le père Benoist de Sinety, curé de la paroisse Saint-Eubert de Lille, revient sur le débat lancé au sujet du Pèlerinage de Chartres, pour se réjouir des contributions apportées dans l’Église pour la mission commune essentielle : le témoignage de la foi en Jésus Christ.

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Les quelques lignes publiées la semaine passée au sujet du dernier pèlerinage de Chartres ont suscité bien des commentaires. Certains enflammés, parfois méchants, parfois délirants de violence et de haine, mais le plus souvent constructifs et dans un souci non pas de « préserver » une communion qui serait en danger, mais plutôt de continuer de fonder demain plus qu’aujourd’hui les conditions de la mission. Loin de moi d’imaginer que le Pèlerinage de Chrétienté puisse célébrer autrement que ne le dicte le missel qui le justifie. Curé d’une paroisse où ce missel est aussi utilisé par une communauté nombreuse et fervente, j’en reconnais le noble et déjà ancien usage depuis près de quatre siècles. Dès lors que tout cela se déroule dans l’obéissance à l’Église, car sans elle, et nous en sommes bien d’accord, il n’y a pas de chemin possible vers la Vérité.

Seule compte la prière

La question qui habitait le prêtre que j’étais il y a dix ans face aux invitations d’étudiants qui auraient bien voulu m’entraîner avec eux sur les chemins de Pentecôte, était simple : « Comment m’y rendre si je ne puis y célébrer la messe dans la forme habituelle telle qu’elle est célébrée par la quasi-totalité des prêtres catholiques romains de par le vaste monde ? » Ou encore : « Pourquoi ne serait-il pas possible, puisque chaque jour, les prêtres pèlerins célèbrent leurs messes quotidiennes, de pouvoir le faire à leurs côtés, dans la forme commune ? » Parmi les réactions à ma modeste tribune, Élisabeth Geffroy, dans La Nef, signale que pour la première fois en cette année de grâces 2023, un prêtre a obtenu cette autorisation. Il y a tout lieu de s’en réjouir, et de souhaiter qu’un tel indult soit renouvelé à qui le sollicite.

Car les chiffres ne doivent jamais nous faire oublier l’essentiel : ce monde passe et passe avec lui bien des modes et des avanies. Seul reste le Christ et, pour les disciples que nous sommes, l’urgence de l’annoncer aux hommes par nos paroles mais, surtout, par nos vies. Le journaliste Michel Cool le rappelait il y a quelques jours : « En mai 1986, la JOC réunissait à la Courneuve 40.000 jeunes pour “Villavenir” [...] On sait ce qu’il est advenu des prétentions de la JOC. » Ainsi en est-il pour tous nos grands rassemblements : du FRAT et de ses 10.000 lycéens ou collégiens d’Ile-de-France, jusqu’aux dizaines de milliers de français qui partiront aux JMJ cet été, aucun n’échappe à la règle, qu’ils soient portés par les chants de Glorious ou par les chœurs grégoriens. Seule compte la manière dont nous soutenons dans nos prières et par notre travail ces grandes heures, pour qu’elles soient des moments où la chaleur de la fraternité ne soit pas éphémère, ni la beauté liturgique illusoire. Pour que s’y bâtisse dans le cœur des jeunes participants une confiance toujours plus grande en la manière dont le Christ conduit l’Église et dont celle-ci les appelle à être des membres actifs et vigoureux au service de l’annonce de l’Évangile.

Le devoir de rassembler

Il ne s’agit pas de rallumer une guerre des rites. Elle n’a d’ailleurs pas lieu d’être puisque, tous les papes le rappellent, il n’y a qu’un seul rite qui peut parfois être célébré selon une forme qui sorte de l’ordinaire. Que cette forme aide certains à avancer à la suite de Jésus, qui ne s’en réjouirait ?  Il ne semble pas inutile de nous rappeler à nous-mêmes le plus fraternellement possible que nous, prêtres, avons un devoir, celui de rassembler, et une mission, accompagner humblement, avec nos pauvres forces, portés par la grâce, ceux auxquels nous sommes envoyés, vers le Royaume. Dans cette société où l’ultra-violence s’installe un peu partout et où le plus petit est sans cesse foulé aux pieds, dans une culture qui se défie de tout référent religieux mais qui n’en aspire pas moins à trouver une lumière, nous pouvons épuiser nos pauvres forces à nous tenir en joue les uns les autres, marquant nos territoires de façon animale. Mais cela ne sert à rien sinon qu’à nous faire perdre de vue l’essentiel : le témoignage de la foi en Jésus Christ. Nous devons nous parler, même pour s’adresser des reproches car n’est-ce pas ainsi que font des frères ? 

Certains proposent de garder le silence et de taire ce qui en l’autre peut nous troubler : pourquoi aurions-nous peur de parler entre frères ? Que redoutons-nous à entendre l’autre dire ce qu’il pense, et surtout, à l’écouter ? Sommes-nous à ce point emplis de certitude que ni les remarques ni non plus l’Évangile ne puissent nous infléchir ? N’avons-nous pas reçu mission comme le voyant de l’Apocalypse de ne jamais sceller la Parole (Ap 22, 10) afin que tous ceux qui ont soif puissent boire gratuitement et que toute bouche puisse prononcer ce mot dans la langue que Jésus parla pour un temps de l’histoire : « Maranatha ! »

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