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Polémique Goldman : alors, punir ou ne pas punir ?

punition

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Caroline Moulinet - publié le 30/04/23

Caroline Goldman, fille du célèbre chanteur et psychologue pour enfants et adolescents, est au centre d’une controverse sur l’utilisation des punitions et notamment du "time-out", mise à l’écart temporaire d’un enfant suite à un comportement inapproprié. Aleteia propose un regard sur les tenants et les aboutissants de la polémique.

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Caroline Goldman, docteur en psychopathologie clinique, psychologue pour enfants, se présente, dans une interview accordée à France Inter le 20 avril, comme « une défenseuse des enfants, une vraie ». En septembre 2020, elle publie chez InterEditions le livre File dans ta chambre ! Elle crée un podcast qui a été écouté plus de 1.8 millions de fois, et son compte Instagram, créé en août 2019, se développe avec aujourd’hui 41.000 followers. Les parents semblent apprécier ses conseils : une éducation non-violente qui revient aux débuts de la méthode de l’éducation positive, avec notamment le recours aux limites éducatives, punitions et « time-out ».

Pourtant, quand son livre est ré-édité aux Éditions Dunod en avril 2023, il provoque une vive polémique. 280 professionnels, chercheurs, pédiatres, psychologues, s’unissent pour contrecarrer la psychologue.

L’origine de la polémique

Il est opportun de se demander pourquoi maintenant ? Caroline Goldman n’a pas changé le discours qu’elle a énoncé ces dernières années. En revanche l’influence qu’elle développe est peut-être l’étincelle qui pousse les signataires de la tribune publiée dans Le Monde à faire entendre leur voix. D’autres médias étrangers reprennent aussi la controverse. Le 6 avril, leWashington Post raconte à ses lecteurs la polémique actuelle, tout en précisant que la France est un pays connu pour son éducation stricte, et que Caroline Goldman tient des propos « ultra-stricts ».

L’exemple au cœur de la polémique : un enfant d’un an jette sa cuillère de purée dans les cheveux de sa mère et par terre. Caroline Goldman conseille à cette mère de prendre calmement l’enfant, de lui rappeler qu’il a désobéi et de le faire sortir de table pour le punir en l’isolant dans sa chambre pour une minute. 

Ce à quoi laTribune, signée notamment par Philip Jaffé, vice-président du Comité des Droits de l’Enfant de l’ONU, répond que « les méthodes éducatives s’appuyant principalement sur des stratégies répressives, dont la punition fréquente, s’avèrent – on le sait aujourd’hui – peu efficaces, voire contre-productives, car, en plus d’augmenter l’anxiété de l’enfant et d’aggraver ses problèmes de comportement, elles ne lui enseignent pas le bon comportement ».

Il s’ensuit un débat : qu’est-ce qu’une punition fréquente ? Caroline Goldman explique, dans une vidéo pour Lou relayée sur son compte Instagram, qu’empiriquement elle a constaté que trois « time-out » suffisent pour qu’un enfant respecte une règle, comme par exemple ne pas ouvrir le four pendant la cuisson ou ne pas couper la parole à ses parents.

La psychologue répond également à ses détracteurs dans un article duPoint qu’elle conseille de “mettre en place le ‘time-out’ dans les cas de mise en danger de soi ou des autres, ou d’inconfort socio-relationnel majeur, évitant ainsi que cette sanction ait “un caractère anarchique, arbitraire, donc forcément cruel”.

Des limites, voire des punitions, pour éduquer au Bien et au Mal ?

La psychologue tente également de rassurer : « L’éducation positive, telle qu’elle a été conceptualisée à son origine, je la trouve parfaitement juste puisqu’elle offre une place à la fois à l’amour, à la tendresse, à l’éducation du côté de l’éveil intellectuel et troisièmement aux limites éducatives. » C’est ce troisième volet qu’elle considère diminué aujourd’hui : « [Ne pas punir] cela menotte les parents dans l’exercice de leur autorité », poursuit-elle.

La question sous-jacente que la psychologue présente est “Comment expliquer le bien et le mal à ses enfants ?” Un bénéfice de cette polémique est qu’elle donne l’occasion aux parents de s’arrêter un instant pour se demander justement comment ils enseignent le Bien et le Mal à leurs enfants.

Caroline Goldman prend l’exemple des règles de vie en société, comme ne pas jeter la nourriture par terre. Le curseur de patience sera différent d’un foyer à l’autre. Jeter un morceau de pain par terre, renverser ses petits pois ou encore tartiner la table de purée ne demande pas le même investissement de la part du parent. L’attitude des parents qui fixent les règles dépend aussi de leur patience, de leurs valeurs, de leurs besoins personnels et de ceux de la communauté familiale. En outre, l’apprentissage du bien et du mal s’étend à d’autres domaines de vie.

L’autorité et la dignité de la personne humaine

D’une part la psychologue choquée par les parents qui pensent qu’il est interdit de punir, d’autre part les mots de la pédiatre Catherine Gueguen, figure de l’éducation non-violente qui écrit : « En Suède le time-out est considéré comme quelque chose d’inadmissible, quand un enfant est en colère, on n’a pas à l’enfermer. Un petit de moins d’un an (…) fait des expériences (…) il ne manipule pas, il n’a pas encore appris à gérer ses émotions. » 

L’alerte lancée par les 280 professionnels porte notamment sur ce point : l’enfant est une personne digne de respect, les parents ne peuvent donc pas crier ou faire du mal à leur enfant. Pour autant, les limites posées par les parents portent-elles forcément atteinte à la dignité de l’enfant ? Selon Caroline Goldman, les parents ne se sentent plus autorisés à punir, alors se sentent-ils autorisés à dire « non » à leur enfant ? Osent-ils dire ‘non’ à certains comportements pour permettre une vie communautaire sereine, que ce soit en famille, à l’école, dans les transports ? Comment agir pour que le mot « non’ »soit bien « non » ? Et à partir de quel âge les parents peuvent-ils s’autoriser à dire « non » ? Devant un comportement – et un cerveau – immature, faut-il simplement passer l’éponge, au risque de finir par jeter l’éponge ?

Il semble que dans la pensée naturelle, punition rime avec violence. Or Caroline Goldman rappelle « Une bonne punition est une punition qui fait son travail, limite l’enfant sans aucun dommage collatéraux sur sa structuration psychique. » Le « time-out » suggéré par la psychologue correspond à mettre l’enfant à l’écart dans un lieu adapté pour lui : sa chambre, ou un espace où il y aura des livres et des jeux adaptés à sa tranche d’âge. 

Réagir à ses émotions en naviguant entre les extrêmes, la violence et le stoïcisme

Elle insiste également sur le fait de dépassionner la réaction du parent qui, pour elle, se doit d’être stoïque, comme survolant la scène : dans l’exemple de l’enfant jetant sa cuillère de purée dans les cheveux de sa mère et par terre, la psychologue conseille que la mère réponde très calmement que non, l’enfant ne peut pas faire ça, et qu’il va donc être puni dans sa chambre. 

Refuser la violence et les cris recueille un large consensus, pour autant est-il réaliste pour le parent d’être impassible et de suivre sa règle sans émotion aucune ? N’est-il pas naturel que sa voix reflète sa fermeté voire sa contrariété ? Sans crier ni frapper, le parent reste un être incarné qui traverse des émotions et apprend à les vivre avec mesure, ne peut-il donc pas exprimer avec autorité que tel comportement est inacceptable ?

« Les parents ne doivent jamais perdre leur stoïcisme », précise la psychologue, cependant le stoïcisme à tout prix ne risque-t-il pas d’aseptiser les relations ? Les parents restent humains, n’est-il pas positif que leurs enfants en fassent l’expérience ?

Chaque personne a sa juste place

La tribune du Monde exprime que « le recours aux punitions est aussi associé à un moindre développement du raisonnement moral de l’enfant, qui contribue lui-même aux comportements altruistes ». Quel est donc le recours des parents pour développer le raisonnement moral de l’enfant ? Quels outils pour guider un enfant vers le Bien ? L’enfant n’est ni toujours bon, ni toujours un dragon : comment faire grandir le bon et lui apprendre à renoncer à ce qui est mauvais ? 

Caroline Goldman poursuit : « Les parents doivent se comporter comme des girafes, très élevés, face à des petits moucherons excités, ou des petites fourmis rouges. » La métaphore  animale peut aussi avoir suscité la réponse des 280 professionnels car l’enfant est présenté ici comme un petit être agité, pas comme une personne à part entière, digne de respect.

L’image sert à la psychologue pour expliquer : « Si les parents sont entravés dans leur autorité, ils ne peuvent pas remettre la fourmi à sa place de fourmi ». En supposant que l’image n’altère pas la dignité de la personne, la question de la place de chacun demande à être éclairée : quelle est la place des parents, avec leur autorité et leurs responsabilités d’adulte, quelle est la place de l’enfant avec sa fougue et sa maturité à développer ? « Offrez des limites au lieu de coller aux revendications de l’enfant – toujours plus de petits pois ou toujours plus de jus d’orange », illustre Caroline Goldman. » illustre Caroline Goldman.

L’éducation ancrée dans l’amour inconditionnel des parents pour leurs enfants

Dans sa réponse auPoint, la psychologue indique un autre message qu’elle juge important pour l’enfant : « Tu seras gentil avec nous, et en échange, on veillera à ce que chacun ici soit gentil avec toi. » Dans cette volonté d’harmonie familiale, l’enfant doit-il gagner la gentillesse de ses parents grâce à ses bons comportements ? Ou même gagner son amour ? A noter également que la psychologue n’évoque pas la notion de pardon dans son discours.

Le débat actuel soulève donc nombre de questions qui s’adressent en fait aux parents : Comment offrir un cadre à leur enfant ? Quels outils pour poser des limites claires et cohérentes ? Les parents ont à façonner, au sein de leur foyer, une autorité sans domination et sans violence, une autorité juste, qui pose avant tout un regard d’amour sur l’enfant. Un regard qui aime, et qui corrige, parfois.

Tags:
ÉducationEnfants
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