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Le mirage des changements de sexe

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Liubov Tepliuk / Shutterstock

Jean Duchesne - publié le 14/03/23

La théorie du genre ne subvertit pas que les normes classiques, constate l’essayiste Jean Duchesne, mais aussi le camp LGBTQ+ qui se divise lui-même.

Un des maux inattendus qui touchent notre société ces temps-ci est la multiplication des demandes de changement de sexe chez des adolescents. Si l’un ou l’une d’entre eux se sent “mal dans sa peau”, un diagnostic popularisé dans la culture contemporaine, c’est-à-dire au milieu d’informations qui foisonnent à la mesure de leur énormité inattendue, est qu’on lui a attribué à sa naissance un sexe qui n’est en réalité pas le sien. Et à cette révélation négative correspond mécaniquement un remède positif : pour se libérer de tout son mal-être et devenir purement soi-même en plénitude, il suffit de nier, en la déclarant abusive, cette détermination imposée de l’extérieur et d’en adopter une autre, choisie en toute autonomie.

Un remède miracle ?

Reste à savoir si tous les problèmes de la personne concernée viennent de là. N’est-ce pas une de ces solutions qui promettent le paradis sur terre et s’avèrent illusoires ? Par exemple, sur le plan collectif, une révolution censée instaurer une société parfaite ; ou, au niveau individuel, la jouissance de tel bien ou un peu de chirurgie esthétique — tout ceci étant rendu irrésistible d’un côté par des avancées technologiques et de l’autre par de la propagande ou, ce qui est analogue, de la publicité commerciale qui réprime toute distance critique. Il convient d’abord de relever que les changements de sexe, bien qu’ils soient banalisés, sont revendiqués par un nombre très restreint de personnes — au point qu’il n’y a pas de statistiques significatives. On dira bien sûr que ce type de prise de conscience est trop récent. 

La “dysphorie de genre” est désormais tenue pour un phénomène irrécusable.

Cependant, l’affaire est compliquée par le fait qu’il n’y a pas que des filles qui pensent être des garçons et l’inverse. Car se manifestent également des gens qui estiment n’être ni l’un ni l’autre, ou les deux, ou quelque chose d’encore différent. À quoi s’ajoute, une fois la “transition” opérée, la diversité des relations amoureuses qui peuvent subsister : avec des identités semblables ou opposées à l’ancienne ? ou à la nouvelle ? ou variables et évolutives ? ou asexualité radicale ? ou intermittente ? C’est ce qui donne l’hermétique sigle LGBTQ+. Toujours est-il que la “dysphorie de genre” est désormais tenue pour un phénomène irrécusable. Cette expression d’allure savante vient du grec : le préfixe dys marque une difficulté, et phoros signifie porteur. Il s’agit donc du mal qu’a quelqu’un à supporter le genre constaté à sa naissance : masculin ou féminin, selon une catégorisation binaire, déclarée d’un simplisme arbitraire et ensuite imposée par un conservatisme socio-culturel rigide et dépassé.

Sexe et genre

On distingue ici le genre (identité comportementale et sociale) du sexe (défini par des données physiques objectives). Et les objections à cette différenciation et aux pratiques qu’elle justifie sont qualifiées de “transphobie” : curieux mélange de latin (où le préfixe trans exprime un dépassement par traversée) et de grec (où phobos désigne une aversion irrationnelle). Les personnes ayant “transitionné” d’un sexe ou genre à un autre sont dites “trans”. Et la transphobie est décrétée aussi indécente (voire criminelle) que l’homophobie, le sexisme, le racisme ou la réprobation de l’avortement. 

Il y a cependant des résistances imprévues. Déjà dans le sport : des athlètes nés physiquement mâles concourent-ils équitablement avec des femmes, pourvu seulement qu’ils aient répudié le genre masculin ? Peut-on fixer le seuil de testostérone (cause principale des écarts de performance entre les sexes) sous lequel un garçon devenu fille n’a plus d’avantages immérités sur ses rivales ? Les experts se chamaillent à ce sujet. 

#MeToo contre wokisme

Ces débats sont embarrassants, car ils maintiennent un “binarisme”, c’est-à-dire une distinction tenace entre les sexes physiologiques (Jeannie Longo n’aurait jamais battu Bernard Hinault sur le Tour de France), si bien que l’identité genrée à la carte ne trouve pas sa place dans un domaine populaire qui nourrit l’imaginaire et suscite des passions. Mais il y a pire : le camp LGBTQ+ est divisé. Pour certaines féministes, le genre est bien un acquis psycho-sociologique modifiable, mais ne peut pas ignorer ni changer totalement le sexe, formé bien avant la naissance : une fille qui se transforme en garçon renie la dignité autosuffisante des femmes, et rien ne peut faire d’un homme pleinement une femme.

Une de ces contestataires est la philosophe anglaise (et lesbienne) Kathleen Scott. Elle a été harcelée pour transphobie et a dû s’exiler aux États-Unis. Mais sa position est renforcée par des scandales en Grande-Bretagne et en Amérique : des délinquants nés mâles, incarcérés dans des prisons pour femmes puisque c’était le genre qu’ils avaient déclaré, ont sexuellement agressé des détenues, lesquelles se sont plaintes : c’était #MeToo contre le wokisme…

Et maintenant, on “détransitionne”

Des polémiques sévissent aussi sur l’accès des “trans” aux toilettes réservées au sexe correspondant au genre qu’ils choisissent. À la source de ces embrouilles, il y a l’apologie de la dysphorie de genre et la stigmatisation de la transphobie, qui exigent que l’identité sexuée revendiquée soit acceptée sans discussion ni examen. Or c’est particulièrement délicat dans le cas de mineurs, qui peuvent changer d’avis au cours de leur puberté. On voit ainsi maintenant apparaître des jeunes qui veulent “détransitionner”, telles Keira Bell en Angleterre et Chloe Cole aux États-Unis — deux filles qui ont mal supporté des traitements lourds destinés à les viriliser et attaqué en justice les médecins, cliniques et laboratoires qui les leur ont infligés.

Keira Bell a gagné en première instance mais perdu en appel, les seconds juges ayant estimé qu’elle n’avait pas subi de pressions de la part des “thérapeutes” qui avaient pratiqué des actes autorisés par les lois. Elle se félicite néanmoins d’avoir pu dénoncer publiquement le matraquage LBGTQ+ sur les réseaux sociaux et les campus, qui lui a inspiré l’idée que la nature s’était fourvoyée en lui donnant un corps de fille. Chloe Cole vient seulement de lancer son procès en fanfare, avec les mêmes accusations. Elle dit s’être rendu compte qu’elle avait été trompée quand elle s’est éprise d’un garçon, alors que Keira Bell s’est reconnue lesbienne, donc sans besoin de changer de sexe (ce qui a dû ne pas déplaire à Kathleen Scott).

L’ange et la bête

Les campagnes de remise en cause de l’identité sexuée, morphologiquement manifeste maintenant dès la vie prénatale (et non pas “assignée” plus tard par pur conformisme social), surfent sans doute sur le fait que, comme et avec le reste la création, la sexualité, bien que bonne, est sujette à contradictions et débordements. L’ignorer serait vain, de même qu’accepter ou condamner tout a priori. Mais est-ce une raison pour recaler toutes les références en la matière sur du hors du commun, avec pour seul principe le respect des libertés individuelles, alors que celles-ci s’avèrent manipulables ? 

Ces tentatives de normalisation d’exceptions s’inscrivent dans le cadre d’une subversion plus vaste des repères éprouvés concernant la reproduction, le mariage et la famille, la fin de vie… Y voir des efforts concertés serait tomber dans le complotisme. On l’a vu : les nouveaux moralisateurs se disputent entre eux. Mais on peut se rappeler qu’à Constantinople en 1453, à la veille de la chute de la ville, on discutait déjà de sexe. C’était celui des anges et ce n’est qu’une légende. Elle invite néanmoins à s’interroger sur l’avenir d’un monde où les sexes se multiplient et deviennent aussi incertains que celui de la bête qui fait l’ange.

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